Adolescence & Territoire(s), 12 ans de collaboration entre L’Odéon-Théâtre de l’Europe et Create Joy
Salles combles en mai et juin pour les représentations finales de la 12e édition d’Adolescence et Territoire(s) ! Soutenu depuis le tout début par le programme Create Joy de la Fondation Vivendi, ce projet porté par le l’Odéon-Théâtre de l’Europe initie chaque année des adolescents issus de quartiers prioritaires à la création théâtrale. Une aventure humaine extraordinaire, sur laquelle reviennent Alice Hervé, cheffe de projets médiation et développement des publics à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, et Diane Emdin, déléguée générale du programme Create Joy.
- Quelle est la genèse du projet Adolescence et Territoire(s) ?
Alice Hervé : Le projet est né durant la saison 2012-2013, il y a douze ans. Au départ, il était destiné à développer le public de proximité des ateliers Berthier du théâtre de l’Odéon, situés entre la porte de Clichy, la Fourche et la porte de Saint-Ouen, en effaçant la frontière du périphérique. Nous avons imaginé un projet à destination des adolescents des villes alentour, en collaboration avec des théâtres locaux, dont notre partenaire historique l’Espace 1789 à Saint-Ouen. L’idée était de faire pratiquer le théâtre à une vingtaine de jeunes âgés de 14 à 20 ans, en dehors du temps scolaire, pendant les week-ends et les vacances scolaires. Nous donnons chaque année carte blanche à un ou une metteur·se en scène pour co-concevoir avec eux, entre décembre et juin, une création artistique qu’ils vont jouer en public dans les trois établissements partenaires. Au-delà de la pratique artistique, nous avons la volonté de faire découvrir aux jeunes tout le processus de création d’un projet culturel. Ils doivent être concepteurs, acteurs mais aussi spectateurs, grâce à un programme de spectacles à aller voir au sein des structures culturelles partenaires. En douze éditions, les artistes associés ont travaillé l’écriture de plateau, chorégraphique, ou encore l’adaptation de roman… C’est une aventure humaine, artistique et collective.
- Comment sont sélectionnés les jeunes ?
Alice Hervé : Après une réunion d’information en novembre, les jeunes s’inscrivent puis sont sélectionnés via des ateliers de pratique de trois heures, où ils travaillent avec l’artiste. Le ou la metteur·se en scène que nous désignons en amont sélectionne entre 15 et 20 jeunes, parmi les 80 candidats qui se présentent en moyenne chaque année.
- Comment Vivendi et son programme Create Joy ont-ils rejoint l’aventure ?
Diane Emdin : Dès la première édition ! Il y a eu un coup de foudre pour ce projet très complet, inscrit dans un temps long et porté par une équipe formidable, très investie au quotidien auprès des artistes et des jeunes. C’est assez novateur de soutenir un concept et non une production, puisque le spectacle est nouveau chaque année ! Nous avons voulu soutenir, en plus de la démarche de création, la mise en place d’un journal numérique où les jeunes racontent leur point de vue. Un web-documentaire suit l’évolution de la création et le parcours des jeunes au fil des mois, session après session. C’est à partir de ces images et témoignages qu’est né un documentaire « Iels, portraits des années 2010 » et une série diffusée sur Canal+Kids « En Mode Théâtre ».
Alice Hervé : Le projet a véritablement été co-construit avec Create Joy. Très vite, nous avons monté une petite équipe de relations publiques avec les autres théâtres, épaulée par une personne en service civique qui accompagne les jeunes, veille à leurs besoins et fait le lien avec leurs parents. C’est très rare qu’un mécène soit présent depuis plus de 10 ans. Ça change tout. Par ailleurs, le web-documentaire est central dans le projet, car il rend visible tout le travail et le processus de création auprès du public et des parents. C’est essentiel.
- Comment s’est déroulée la 12e édition ?
Diane Emdin : C’est une aventure incroyable. La première a eu lieu le 14 mai, suivie de deux représentations le 4 et le 6 juin. Le spectacle, intitulé Et puis, il ne nous resta que le présent…, a été imaginé avec les jeunes par l’artiste Noëmie Ksicova. Les jeunes incarnent des personnes âgées en EHPAD, se souvenant de leur jeunesse. On rit, on est ému, c’est très bien joué. Le message final est très fort. Il faut rappeler que ces adolescents n’ont jamais mis les pieds sur scène !
Alice Hervé : À la suite d’une résidence dans un EHPAD à Reims, Noëmie Ksicova a découvert à quel point cet espace habité par des personnes très âgées lui rappelait une colonie de vacances pleine d’enfants. Il y avait une sorte de retour à l’enfance et des réflexes presque enfantins chez ces individus qui l’ont réellement fascinée et profondément émue. Comment confronter la parole des personnes âgées avec ces jeunes ? Lors de la première session de travail, elle a demandé aux jeunes de quelle manière ils se projetaient dans le futur et l’idée est née. C’est très intergénérationnel et ça touche tout le monde.
- En plus de 10 ans d’existence, quel est l’impact du projet sur les jeunes ?
Alice Hervé : Ils ne sont pas les mêmes. Il y a des vocations qui naissent sur le plateau. Chaque année, nous avons plusieurs jeunes en décrochage scolaire. Pourtant, ils sont toujours à l’heure aux séances. Nous avons très peu de défections. Comme le projet se déroule hors du temps scolaire, des liens forts se construisent entre ces adolescents, qui au départ ne se connaissent pas. En 12 ans, nous avons créé une communauté et avons gardé contact avec les participants de toutes les éditions qui deviennent des ambassadeurs. Nous les invitons sur nos générales, leur proposons de poursuivre une pratique artistique au sein de nos théâtres dans le cadre d’ateliers divers. Les anciens viennent aux spectacles des éditions suivantes et témoignent aux réunions.
Diane Emdin : Il y a des histoires très fortes. Des jeunes mal dans leur peau se construisent et se reconstruisent grâce au projet. Ils reprennent confiance dans le collectif. Tout le monde s’accepte tel qu’il est. Ils s’appuient sur ce regard bienveillant pour remettre les compteurs à zéro et rebondir différemment. Le projet Adolescence et Territoire(s) leur permet d’exprimer leurs angoisses et leur sensibilité. Et tous continuent d’aller au théâtre !
- Quelle portée le projet a-t-il pour les professionnels qui s’y engagent ?
Alice Hervé : Il les nourrit artistiquement et humainement. À chaque fois, c’est un vrai challenge. L’année dernière, la metteuse en scène Tamara Al Saadi s’est emparée du projet à une période charnière de sa vie d’artiste et cette expérience l’a profondément changée et nourrie. Elle dit que le projet l’a sauvée d’une certaine façon. D’un point de vue émotionnel, c’est intense. Nous vivons tous les tracas et toutes les confessions des jeunes. L’artiste puise dans ce qu’ils sont au plus profond d’eux-mêmes pour écrire le spectacle. Ça bouscule ! Les artistes en ressortent grandis.
Diane Emdin : Le ou la metteur·se en scène ressent l’énergie des jeunes, qui se lancent corps et âme dans ce projet et donnent tout. Un lien fort l’unit au projet. Le metteur en scène de la toute première édition, Didier Ruiz, est venu voir le spectacle cette année. Julie Deliquet, qui a dirigé la 4e édition, dit qu’elle n’aborde plus son métier de la même façon. C’est une aventure dont ils sont fiers et qui les bouleverse en tant qu’artiste et en tant qu’être humain.
- Quelles sont les perspectives pour l’année prochaine ?
Alice Hervé : La 13e édition est déjà en route. Elle sera dirigée par Juliette Navis, actuellement en résidence à l’Espace 1789 à Saint-Ouen. Une réunion d’information aura lieu le 12 novembre 2024 à 19h à l’Espace 1789 de Saint-Ouen où tout jeune âgé de 14 à 20 ans et qui habite ou est scolarisé à Paris 17e, Saint-Ouen ou Gennevilliers peut s’y rendre et s’inscrire au recrutement.
Diane Emdin : Pour la Fondation Vivendi, en tant que mécène, c’est une joie de continuer à collaborer avec cette belle équipe pour un tout nouveau projet. Chaque année, il y a les mêmes repères et beaucoup d’inconnues. C’est cette alchimie qui donne tout son sel au projet !
- - Prochaine représentation jeudi 6 juin 2024 à 20h au T2G Théâtre de Gennevilliers.
Entrée libre, sur réservation, dans la limite des places disponibles.
Informations et réservations : https://theatredegennevilliers.fr/creation-et-territoire/adolescence-et-territoires
- - Contact programme Adolescence et Territoire(s)
Alice Hervé, cheffe de projets médiation et développement des publics, ODÉON-Théâtre de l'Europe
Mail : alice.herve[at]theatre-odeon.fr
Site : https://theatre-odeon.eu/fr/transmission-artistique-et-culturelle-1/adolescence-et-territoire-s