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Par Carenews PRO - Publié le 22 août 2018 - 14:56 - Mise à jour le 19 septembre 2021 - 07:58
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[ENTRETIEN] Matthieu Dardaillon, Ticket for Change : activer les talents

“Nous passons 80 000 heures de nos vies à travailler”, aime à rappeler Matthieu Dardaillon. Il l’a décidé, ces heures, le jeune entrepreneur social les passera à œuvrer pour l’intérêt général. Animé par le besoin de se rendre utile dès l’enfance, il faudra toutefois attendre un voyage dans les pays émergents au contact d’entrepreneurs sociaux pour faire naître le déclic. À son retour, Matthieu Dardaillon monte Ticket for Change, une association dédiée à l’activation des talents. Depuis 2014, elle a accompagné 68 projets d’intrapreneurs et 130 start up, tandis que son MOOC, co-créé avec HEC, compte près de 70 000 inscrits. Portrait.

[ENTRETIEN] Matthieu Dardaillon, Ticket for Change : activer les talents
[ENTRETIEN] Matthieu Dardaillon, Ticket for Change : activer les talents

 

Après votre cursus en grandes écoles, pourquoi avoir décidé de vous tourner vers l’entrepreneuriat social ?

 

Mon fil rouge a toujours été d’être utile. J’ai hésité avec la médecine, la politique, le monde des ONG, mais je me suis tourné vers les entreprises car j’ai compris que le pouvoir économique dirige le monde, et que c’est par l’économie qu’on peut essayer de changer les choses. Il existe une dichotomie entre le monde des associations et celui des entreprises, qui recherchent la maximisation des profits. En école de commerce, j’ai découvert, avec des livres comme 80 hommes pour changer le monde ou le professeur Yunus, un monde qui essayait de réconcilier les deux : celui de l’entrepreneuriat social. Intellectuellement, c’était le coup de foudre. J’ai donc fait deux années de césure, durant lesquelles je suis allé sur le terrain au Sénégal, en Inde et aux Philippines pour travailler auprès d’entrepreneurs sociaux, et j’ai vraiment été inspiré par les personnes sur place. C’est comme ça qu’est née l’idée de Ticket for Change : après la découverte du Jagriti (en Inde, Jagriti Yatra cherche à donner de la visibilité à l’entrepreneuriat social à travers un voyage en train, ndlr).

 

Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?

 

Dès mon retour, j’ai voulu fonder Ticket for Change. La première année a été incroyable, une année d’audace et de folie. On ne savait pas du tout si ça allait marcher, j’ai appris un nombre de choses incroyable durant ces premiers mois. Le Fonds de dotation Entreprendre &+ m’a permis de me lancer, aussi bien financièrement qu’humainement. Grâce à ça, j’ai pu recruter une équipe de jeunes qui sont devenus mes cofondateurs, puis trouver des partenaires entreprises, comme Schneider Electric ou Renault.

 

Pourquoi avoir voulu monter votre propre structure, Ticket for Change ? Quelles sont les grandes lignes du projet ?

 

Être entrepreneur social, c’était pour moi la meilleure manière d’avoir un impact, la plus directe, la plus rapide. J’avais identifié un besoin énorme : d’un côté il y a de plus en plus de problèmes de société, sociaux et environnementaux, de l’autre plein de gens veulent agir mais ne savent pas comment passer à l’action. Ticket for Change, ce n’est pas 100 % de la réponse, mais c’est une réponse. Au début, une personne m’aidait sur le projet quatre jours par semaine dans le cadre de mécénat de compétences, puis j’ai construit une équipe, et l'association a maintenant bientôt cinq ans, et a pu changer d’échelle grâce à des partenaires comme Ashoka ou French Impact. Notre force ? Nous essayons de révéler la singularité des gens, et de la mettre au service de causes de société. C’est un accompagnement axé sur la personne. Par ailleurs, ce n’est pas une formation classique, nous créons des expériences transformatrices, en faisant vivre des émotions physiques fortes afin de créer un déclic, pour que la personne s’engage dans la durée. Nous avons deux modes opératoires : Ticket for Change s’adresse aux individus souhaitant développer un projet, et pour lesquels nous avons des projets d’accompagnement selon leur étape d’avancement, soutenus par un Mooc avec HEC et un réseau d’alumni. Corporate for Change s’adresse aux entreprises : nous mettons ensemble en place des programmes pour aider les collaborateurs à révéler leurs talents et inventer des modèles plus durables au sein de l’entreprises.

 

Quel est votre regard sur le secteur de l’ESS aujourd’hui ?

 

C’est un secteur qui s’est beaucoup développé les dernières années. On assiste à l’émergence de nouveaux projets, souvent liés à la Tech for Good. Pour moi, il y a deux ESS : le premier est historique, c’est le monde des mutuelles, des coopératives et des associations. Cette “ESS” est celle qui pèse le plus, avec le plus grand nombre de structures et en étant le plus gros employeur. il y a la “nouvelle ESS”, celle des start up sociales, où les statuts n’importent pas nécessairement, mais qui se retrouve autour d’une utilisation du numérique et une ambition de croissance forte. L’ESS est ce que pourrait devenir le capitalisme, être l’économie de demain. L’économie classique va tendre vers ça car elle n’a de toute façon pas le choix.

 

Quels sont les freins que rencontre le secteur pour se développer ?

 

Les guerres de chapelle au sein du mouvement. Les acteurs qui se regardent les uns les autres. Il y a trop peu de liens et collaborations entre l’ESS “traditionnelle” et la “nouvelle”. Il faut trouver de nouvelles réponses ensemble pour être à la hauteur des défis qui nous attendent. Le second problème, c’est la pollinisation à l’économie traditionnelle. L’ESS, si elle reste une économie intéressante mais marginale, ne changera pas le système ni l’économie. Or, il faut changer l’économie, que l’ESS s’infiltre comme un virus. L’ESS ne doit pas être un pansement qui répare un capitalisme débridé, mais le laboratoire de ce que doit être le capitalisme de demain. Il faut utiliser les outils qui font la force économique traditionnelle avec plus d’éthique. C’est en bonne voie, les mouvements se multiplient pour répondre aux enjeux de l’alliance entre l’impact et le numérique. C’est une question de temps, car cette transition implique plusieurs centaines de dirigeants. Il faut également que la collaboration entre les acteurs de l’ESS, ceux de l’économie traditionnelle et les grands acteurs se renforce pour faire émerger des solutions à la hauteur des défis climatiques et sociétaux de notre époque. Sur ces sujets, un seul acteur ne peut pas trouver la solution, il faut que les entrepreneurs sociaux, les industriels, les gouvernements, les pouvoirs publics et les citoyens se mobilisent tous ensemble.

 

 

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