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Par Carenews INFO - Publié le 26 avril 2023 - 12:00 - Mise à jour le 13 novembre 2023 - 13:52 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Bonney Magambo : « patiente » entrepreneuse, entrepreneuse pour les patients

Bonney Magambo dirige la startup HemoFab qui propose des produits à destination des patients dialysés. Un projet qu’elle tire de sa propre expérience de la maladie. Portrait.

Bonney Magambo. Crédits : Sistech.
Bonney Magambo. Crédits : Sistech.

 

Bonney Magambo impressionne. Sa vie donne un sentiment d’activité permanente : entrepreneuse depuis sept ans, maman de trois filles, elle se forme en même temps au développement web. Pendant neuf ans, tout en lançant sa startup HemoFab, elle a passé trois demi-journées par semaine à l’hôpital pour se faire dialyser. 

 

La dialyse, c’est un traitement destiné aux patients atteints d’insuffisance rénale. Bonney Magambo en faisait partie, avant de se faire greffer un rein, il y a six mois. Son expérience de patiente modèle, à bien des égards, sa vie d’aujourd’hui. En effet, elle dirige une startup « spécialisée dans la conception, le développement et la recherche de produits destinés à la communauté » des patients dialysés. 

 

Un traitement lourd 

 

Alors qu’elle était en parfaite santé, Bonney se retrouve un jour aux urgences avec une tension élevée. Le médecin lui explique qu’elle a peut-être un problème au niveau de ses reins, mais lui dit de ne pas s'inquiéter. Des prises de sang permettent de contrôler chaque semaine son état. « Au bout d’un mois et demi, ils m’ont dit “ce n’est plus possible, on ne peut rien faire. Il n’y a que la dialyse qui peut vous sauver” », raconte Bonney.

 

Elle commence alors un traitement lourd, l’hémodialyse. Il nécessite la présence de Bonney à l'hôpital trois demi-journées par semaine, pendant quatre heures. Une machine faisant office de rein artificiel filtre son sang. Sur son avant-bras, une fistule relie une veine à une artère pour augmenter le débit sanguin et garantir le fonctionnement de la machine. 

 

Problème : la fistule est fragile, les activités du quotidien peuvent facilement la dégrader. « Étant une maman toute seule, j’étais toujours en activité, je devais tout faire pour les enfants et pour moi-même », explique Bonney. En deux ans, elle subit une trentaine d’actes chirurgicaux. Les médecins ne connaissent pas d'autres solutions à ce problème identifié par plusieurs patients et Bonney n’en trouve pas en ligne. 

 

De la solution artisanale à l’entreprise

 

La future entrepreneuse a alors une idée. Elle crée elle-même un manchon en tissu élastique avec un système anti-chocs. Il protège son bras. Le nombre d’interventions chirurgicales diminue drastiquement. Elle en parle à l’équipe médicale qui suit sa maladie. Celle-ci déclare qu’elle aidera Bonney si elle décide de transformer le manchon en solution professionnelle et si elle a besoin de contacts ou d’informations scientifiques. D’autres patients en hémodialyse expriment aussi leur intérêt. Bonney les a contactés dans le cadre de l’association qu’elle a fondée pour faciliter les échanges entre dialysés sur la maladie. 

 

Pour développer son projet, Bonney s’adresse à SINGA, association qui agit pour le lien social et l’insertion professionnelle des personnes réfugiées. Bonney est elle-même réfugiée politique : après l’obtention de son statut, l’État a mis à sa disposition un appartement à Lyon, ville où elle ne connaissait personne. Afin de rompre sa solitude, elle réalisait des ateliers culinaires avec SINGA. Birgit Vynckier arrive alors dans l'association avec l’idée d’un incubateur d’entreprise. Le projet de Bonney devient donc le premier incubé par SINGA Lyon, d’abord de façon informelle, puis dans le cadre de la première promotion.

 

 J’ai rencontré SINGA en 2016. Je venais d’avoir mon statut de réfugiée. J’avais déménagé et je me suis retrouvée toute seule, je ne connaissais personne, je ne savais pas où aller. L’animateur de Lyon m’a conseillée une association qui accompagne les personnes nouvellement arrivantes, pour faire des activités et ne pas rester dans la solitude. Au même moment, Birgit est arrivée avec l’idée de l’incubateur. 

 

En 2016, l’association de patients qu’a créée Bonney porte le projet de manchon. Quatre ans plus tard, Bonney cofonde la startup HemoFab avec Birgit Vynckier. « Il me paraissait cohérent qu’elle cofonde le projet, elle le maîtrisait comme si c’était le sien. Quand j’étais à l’hôpital, elle prenait parfois le relais », déclare Bonney. 

 

Aujourd’hui, cette dernière co-préside SINGA Lyon dont elle est membre du conseil d’administration depuis 2018. Elle souhaite offrir aux personnes arrivées les mêmes conditions d’accueil que celles dont elle a bénéficié. « Je disais à Birgit que je suis comme un enfant de quarante ans qui ne veut pas quitter sa maman ! » rit-elle.

 

Une vie bien remplie 

 

Ayant bénéficié d’une greffe de rein, un « cadeau » de sa sœur, Bonney n’a plus besoin de se rendre à l'hôpital, sauf pour effectuer une prise de sang mensuelle. Elle ne se repose pas pour autant : la cheffe d’entreprise passe beaucoup de temps à prendre soin de ses filles au quotidien. Comme si ces deux métiers ne lui suffisaient pas, elle suit aussi une formation au web development en ligne. « Je me suis rendue compte que je ne pouvais pas le faire et faire tout le reste », reconnait Bonney, « mais au moins, je sais identifier les problématiques qu’on peut rencontrer sur le côté tech du projet. »

 

Quant au manchon, « le projet a bien avancé », observe-t-elle. Elle et sa cofondatrice sont « débordées. » Le prototype a été validé et certifié dispositif médical. Prochaine étape : proposer la solution aux patients et déployer une forme connectée pour surveiller le fonctionnement de la fistule. Bonney et Birgit seront bientôt rejointes par la néphrologue de Bonney pour former un « trio de femmes. » 

 

 Nous pensions que cela serait difficile alors qu’ il y a des gens qui sont prêts à aider et à s’impliquer, il faut juste toquer à leurs portes. 

 

D’autres acteurs ont vu le potentiel d’HemoFab et du brassard : financeurs, premiers clients... La solution a remporté plusieurs prix d’innovation. D’autres « suivent le projet depuis 2016 » : une « chance » et une source de motivation. C’est le cas de son ancien mentor de chez SINGA, Christophe André, le directeur RSE de Sanofi qui siège au board d’HemoFab. 

 

Aux yeux de Bonney, l’idée de subir sa maladie « était invivable. » Au contraire, il fallait agir et réagir pour se l’approprier. Difficile d’imaginer comment elle aurait pu le faire avec plus de succès. 

 

Célia Szymczak 

 

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