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Par Carenews INFO - Publié le 11 avril 2024 - 12:04 - Mise à jour le 16 avril 2024 - 12:21 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Ces sportifs qui renoncent à des compétitions pour protéger l’environnement

C’est une petite révolution qui secoue le monde du sport. Des athlètes, issus de disciplines différentes, prennent position sur des considérations environnementales, quitte à renoncer à certaines compétitions et à ralentir leurs carrières. Des actes encore isolés qui se placent en opposition à la tendance majoritaire et qui ne sont pas toujours bien reçus.

Le phénomène est de plus en plus présent dans les sports outdoor, confrontés à un paradoxe. Crédits : iStock
Le phénomène est de plus en plus présent dans les sports outdoor, confrontés à un paradoxe. Crédits : iStock

 

Ainhoa Leiceaga est surfeuse de haut niveau. À 21 ans, la jeune sportive originaire du Pays-Basque débute sa carrière. Pourtant, cette année, elle ne disputera pas la moitié des épreuves nationales. La raison ? Elles ont lieu en outre-mer et l’obligeraient à prendre l’avion à de multiples reprises et pour de courtes durées. Une situation qui ne correspond pas à ses convictions environnementales.

Parmi ses concurrents dans le surf, sa décision est un cas isolé. “Je me sens un peu seule”, confie Ainhoa Leiceaga, qui a tout de même réussi à convaincre sa sœur, surfeuse elle aussi, de renoncer aux épreuves nationales organisées outre-mer. 

Mais dans le milieu du sport de manière plus générale, un mouvement se dessine chez certains athlètes. À l’opposé d’une tendance générale qui plébiscite des événements sportifs toujours plus imposants et peu soucieux de leur impact environnemental, certains athlètes font des choix différents, quitte à renoncer à des compétitions importantes pour leur carrière, voire de mettre un coup d’arrêt à celle-ci. 

 

Des exemples qui se multiplient

 

En 2023, la coureuse de cross-country britannique Innes Fitzgerald faisait par exemple parler d’elle en demandant à sa fédération de ne pas la sélectionner pour les championnats du monde de cross en Australie, en raison de l’empreinte carbone que causerait son vol. “Je ne serai jamais à l'aise à l'idée de prendre un avion en sachant que cela pourrait coûter leurs moyens de subsistance à des gens”, exprimait-elle alors dans une lettre publiée par le magazine Athletics Weekly. 

La jeune espoir de l’athlétisme britannique avait déjà renoncé l’année précédente à l’Euro des moins de 18 ans à Jérusalem pour la même raison. La décision, en plus de ses autres engagements environnementaux, lui avait valu d'être primée par l’ONG Champions for Earth dont l’objectif est de soutenir des sportifs écoresponsables.

Au début de cette année, c’était au tour des trailers Kilian Jornet et Zach Miller de déclencher les passions, en appelant au boycott de l’Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB), course que Killian Jornet a remporté quatre fois auparavant et à laquelle Zach Miller est arrivé deuxième l’année dernière. Parmi les griefs portés contre l’organisation de la course, le partenariat conclu entre l’UTMB et le constructeur automobile Dacia avait été critiqué plus tôt par Kilian Jornet, qui juge l’entreprise trop polluante. 

Le refus du traileur Andy Symonds de participer en 2022 au championnat du monde de trail en Thaïlande pour ne pas alourdir son bilan carbone ou encore l’écoeurement du champion du monde Alexis Pinturault à propos d’une piste creusée en plein coeur d’un glacier de Zermatt pour la coupe du monde de ski alpin, font partie des exemples médiatisés ces dernières années.


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Des choix parfois difficiles pour les jeunes sportifs

 

Du côté d’Ainhoa Leiceaga, si elle a pu renoncer aux compétitions en outre-mer, c’est que son objectif cette année est de se concentrer sur le circuit européen, dont les épreuves sont plus proches et ne la conduisent à ne prendre qu’une seule fois l’avion.

Renoncer à des épreuves nationales me met des bâtons dans les roues”, reconnaît-elle toutefois car ces dernières comptent pour être intégrées au collectif France dont Ainhoa Leiceaga fait partie. Son choix augmente donc la pression à être performante durant les épreuves organisées en métropole pour être remarquée par les sélectionneurs et conserver sa place. 

Celle qui veut continuer sa carrière de sportive de haut niveau tout en souhaitant être écoresponsable sait d’avance qu’elle sera confrontée à d’autres sacrifices. “Je ne sais pas jusqu’où je suis prête à aller mais je m’engage à trouver les meilleurs compromis”, assure-t-elle tout en espérant que d’autres sportifs de sa discipline la rejoindront dans ses convictions.

Ainhoa Leiceaga est surfeuse de haut niveau. Crédits : Damien Poullenot
Ainhoa Leiceaga est surfeuse de haut niveau. Crédits : Damien Poullenot

 

 

La pression des sponsors

 

Le discours écologique n’est pas toujours évident à porter pour les athlètes. “ Beaucoup de sportifs de haut niveau ne veulent pas parler des sujets écologiques parce qu’ils ont peur de froisser les sponsors ”, explique Mathéo Gabon, sprinteur semi-professionnel et co-fondateur du collectif les Climatosportifs. 

L’association, fondée en octobre dernier, veut sensibiliser le monde du sport à l’écologie et montrer que la performance est compatible avec le respect de l’environnement.

Une parole que les Climatosportifs estiment nécessaire à l’heure où le sport, en étant l’occasion de grandes compétitions et en poussant à la consommation, devient à la fois vecteur et victime du réchauffement climatique. “Si on dégrade l’environnement, on dégrade notre sport”, appuie Mathéo Gabon, mettant en avant les risques des évolutions du climat sur la pratique.


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Avec l’escrimeuse Amélie Clerc et le sprinteur Younès Nezar, aussi semi-professionnels, il réalise des actions de sensibilisation et des opérations symboliques comme le port de manchettes, dont les couleurs vont du bleu au rouge pour montrer l’accentuation du réchauffement climatique, durant les compétitions. 

Le collectif a également élaboré en février une charte “pour un sportif responsable”. Les Climatosportifs y incitent les sportifs à réfléchir sur leurs déplacements, leurs régimes alimentaires, le choix de leurs sponsors ou encore leurs équipements, mais refusent toute logique de punition, notamment sur la question de l’avion. 

Il faut prendre en compte que certains sportifs sont précaires ou que certaines fédérations obligent leurs athlètes à partir à l’étranger. Les athlètes ont un rôle à jouer mais ils sont aussi dépendants des sponsors et des fédérations ”, défend Mathéo Gabon. 

Mathéo Gabon est sprinteur semi-professionnel et co-fondateur des Climatosportifs. Crédits : les Climatosportifs
Mathéo Gabon est sprinteur semi-professionnel et co-fondateur des Climatosportifs. Crédits : les Climatosportifs

 

Des discours pas toujours bien reçus

 

Pour faire bouger les choses, certains sportifs plus avancés dans leurs carrière n’hésitent pas à prendre position. C’est le cas de Kilian Jornet, ultra-trailleur reconnu, dont l’appel au boycott de l’UTMB en janvier a suscité la polémique. Le sportif, qui a voyagé pendant des années aux quatre coins de la planète, a effectué une forme de revirement dans sa carrière alors qu’il en était à l’apogée, et décidé d’utiliser son influence au profit de la cause environnementale. 

En 2020, il lance sa fondation dédiée à la préservation des montagnes et affirme que son mode de vie “a été catastrophique pour l’environnement”. Le sportif lance par la suite plusieurs initiatives pour lutter contre les déchets en montagne. Très médiatisé, il devient une des figures des athlètes engagés pour l’écologie au côté d’autres, comme Xavier Thévenard, lui aussi ultra-trailleur et trois fois champion de l’UTBM. 

Nous sommes à un moment où le sport continue d’utiliser le même modèle depuis des décennies et qui n’est pas durable. Or, je pense que le sport a un grand rôle d’influence, notamment dans une société qui en a de plus en plus besoin car de plus en plus sédentaire”, expliquait dernièrement Kilian Jornet, intervenant en visio-conférence au salon Change Now, le 25 mars à Paris. 

Ses prises de parole n'ont pas suscité que des éloges dans le monde du trail où certains lui ont reproché de ne pas toujours joindre le geste à la parole, notamment à cause des déplacements qu’il continue d’effectuer dans l’Himalaya.

 

Dans l’outdoor, des mouvements naissants

 

Sa prise de conscience illustre néanmoins un phénomène de plus en plus présent dans les milieux sportifs outdoor, confrontés au paradoxe de leur propre pratique, à la fois dépendante et pourtant parfois destructrice de l’environnement. Les athlètes y sont également directement observateurs des évolutions de l'environnement.

Quand j’ai commencé ma pratique du surf, j’ai à la fois admiré l’océan et été frappée par l’impact des humains sur les plages “, explique ainsi Ainhoa Leiceaga. La jeune surfeuse, qui a commencé son sport à 9 ans, a vite développé son intérêt pour les sciences et l’écologie. Actuellement en licence de physique-chimie, elle nourrit un autre rêve à côté du sport : celui de “développer des solutions pour le futur” concernant les énergies ou la réduction des emballages plastiques.

Toujours sur la mer, le monde de la voile suscite également des réactions. En 2023, le skipper Stan Thuret annonce peu après l’arrivée de la Route du Rhum qu’il renonce à la course au large pour des raisons écologiques, accusant son sport de promouvoir l’hyperconsommation en poussant à la construction de bateaux neufs toujours plus rapides et consommateurs de carbone et jugeant la compétition incompatible avec l’urgence climatique. 

Stan Thuret présente alors sa décision comme l’aboutissement d’une réflexion. Trois ans auparavant, il avait créé avec d’autres navigateurs, dont Roland Jourdain et Arthur Le Vaillant, le collectif La Vague, avec pour ambition de rendre la course au large plus écologique et plus inclusive. 

La décision du skipper avait fait parler d’elle, et là encore fait grincer des dents certains de ses concurrents qui n'ont pas bien reçu les critiques.


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La nécessité d’une réflexion globale

 

J’ai l’impression qu’on en parle de plus en plus, mais ça reste difficile pour nous, sportifs. Certains galèrent à vivre et c’est dur de sacrifier une performance pour laquelle on s'entraîne toute l’année dans le but de réduire son impact”, résume Ainhoa Leiceaga. La sportive appuie sur la nécessité de travailler avec les fédérations et les organisations pour réduire l’impact des évènements, comme par exemple supprimer les bouteilles en plastique ou les vêtements de compétition à usage unique.

La réflexion est intrinsèquement liée à la question de la performance. “Il y a des choses à repenser et des nouveaux indicateurs à considérer au niveau du sport “, défend Mathéo Gabon, du collectif Climatosportifs.“Pour l’instant, la seule chose qui compte c’est d’être meilleur et plus performant qu’avant”, déplore-t-il

 

Elisabeth Crépin-Leblond

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