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Par Carenews INFO - Publié le 20 décembre 2022 - 16:00 - Mise à jour le 20 décembre 2022 - 16:00 - Ecrit par : Lisa Domergue
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Comment lutter contre le déclassement professionnel des personnes réfugiées ?

Près de deux personnes réfugiées sur cinq ont le sentiment d'être surqualifiées pour leur emploi. Un phénomène de déclassement professionnel qui s'explique par de nombreux facteurs. Pour lutter contre cela, des entreprises, des fondations et des associations portent diverses expérimentations. Explications.

Crédit photo : iStock.
Crédit photo : iStock.

 

Si près de 42 % des personnes réfugiées sont en emploi, deux sur cinq ont le sentiment d’être surqualifiées, selon une étude de l’IFRI sur l’emploi des réfugiés, dévoilée en décembre 2021 lors d’une conférence organisée par la Fondation BNP Paribas. Cette étude est l’une des seules qui documente ce phénomène de déclassement professionnel.

En comparant l’emploi des personnes réfugiées dans leur pays d’origine et celui en France, le nombre d’ouvriers passe de 22 à 46 %, celui d’employés de 18 % à 42 %. Le nombre des cadres et des professions intellectuelles supérieurs passe, quant à lui, de 10 % à 2 %. 

« Une logique de priorité »

Pourtant, on estime que 40 % des réfugiés ont une formation supérieure ou égale au baccalauréat. Jean-François Connan, directeur de l’impact social et environnemental d’Adecco Group, très engagé sur la question de l’insertion professionnelle des réfugiés, explique ce constat par une « logique de priorité ». En effet, les personnes exilées qui obtiennent le statut de réfugiés ont besoin de répondre à leurs besoins primaires : se nourrir, se loger et trouver une autonomie financière. « Elles ont l’obligation de trouver un emploi rapidement. » La prise en compte de la formation ou de leur diplôme obtenus dans leur pays d’origine n’est pas leur priorité. 

Gilles Lechantre, fondateur d’Anywr, une plateforme pour la mobilité professionnelle à l’internationale, également à l’origine du projet Mercure, une expérimentation favorisant l’insertion professionnelle des réfugiés, partage ce sentiment : 

Nous avons accompagné des personnes réfugiées qui avaient un statut très important dans leur pays d’origine et qui se moquent du statut qu’ils peuvent avoir ici. Ce qu’ils veulent, c’est travailler.

1 emploi sur 5 fermé aux étrangers non-européens 

On observe ainsi une concentration des personnes réfugiées dans les métiers en tension, souvent peu qualifiés : 21 % travaillent dans le secteur de la construction et du BTP et 45 % dans l’hôtellerie, le commerce et la restauration. Lutter contre leur déclassement professionnel passera donc par l’orientation et la formation des personnes réfugiées : « Il faut arriver à créer des filières de formation et d'intégration ouvertes sur tous les métiers et donc ne pas réserver les filières d'intégration sociale et professionnelle figées au premier niveau de qualification », explique le directeur de l’impact social d’Adecco Group. 

Un autre facteur qui peut expliquer le déclassement professionnel des réfugiés est la question de l’équivalence des diplômes. Le centre ENIC-NARIC, un opérateur de l’État, peut certes délivrer une attestation de comparabilité entre le diplôme obtenu dans le pays d’origine et le système français, mais les délais sont longs et ce processus ne concerne pas les professions réglementées comme la médecine. 

 

Une étude de l’Observatoire des inégalités estime d’ailleurs que 5,4 millions d’emplois sont fermés aux étrangers non-européens : 

  • Près de quatre millions de postes de la fonction publique (militaires, policiers, fonctionnaires). Un étranger extra-européen ne peut, par exemple, pas être professeur des écoles.
  • Près d’un million d’emplois du secteur privé : les professions régies par des monopoles publics (débitant de boissons ou buralistes), les professions nécessitant un diplôme français (opticiens, infirmiers hors hôpitaux, ambulanciers) et les professions nécessitant une autorisation d’exercer, mais dont le processus de reconnaissance du diplôme étranger est très long (médecins, pharmaciens, avocats).

La maîtrise de la langue française, un facteur clé

L’autre enjeu, aussi bien valable dans la lutte contre le déclassement que dans l’insertion professionnelle des réfugiés : la maîtrise de la langue française. L’étude de l’IFRI montrait d’ailleurs une corrélation entre le niveau de français et la situation professionnelle des réfugiés : 1,2 % des hommes réfugiés avec un niveau de français faible font des études contre 26 % pour ceux qui ont un niveau de français fluide. Même constat pour ceux en emploi ou au chômage. 

Les associations, fondations et entreprises engagées sur les sujets de l’insertion professionnelle des réfugiés ont d’ailleurs saisi l’importance de ce sujet et ont intégré l’apprentissage du français dans leur parcours d’accompagnement. Le projet Mercure propose, par exemple, des modules de formation et d’apprentissage, de la langue, adaptés en fonction de l’origine professionnelle des personnes. 

Des entreprises s’engagent contre le déclassement professionnel

  • Adecco Group et UNIR 

La Fondation Adecco Group a lancé une expérimentation triennale visant à lutter contre le déclassement professionnel des personnes réfugiées. Elle soutient ainsi, à hauteur de 300 000 euros sur trois ans, UniR, une association qui accompagne les réfugiés dans leur insertion académique. Outre l’accompagnement de personnes dans leur projet professionnel et dans l’apprentissage du français, ce partenariat permet également de financer une recherche-action pour documenter et comprendre le rôle de l’éducation dans la lutte contre le déclassement professionnel. 

 

  • Projet Mercure

Financé par le ministère du Travail, le projet Mercure souhaite contribuer à l’insertion professionnelle des réfugiés. Ce projet est porté par Anywr (ex-Cooptalis) qui a créé un consortium avec quatre autres entreprises dans les Hauts-de-France. Le projet Mercure s’est donné l’objectif, pour cette expérimentation, d’accompagner 350 réfugiés, de l’apprentissage de la langue, à la préparation de CV, en passant par des entretiens blancs individuels. Anywr a également développé un programme de sensibilisation des entreprises. À terme, Anywr, qui a l’ambition d’adopter la qualité de société à mission, souhaite que ce programme fasse partie intégrante de l’entreprise.

 

Lisa Domergue 

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