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Par Carenews INFO - Publié le 14 novembre 2025 - 07:00 - Mise à jour le 14 novembre 2025 - 07:00 - Ecrit par : Célia Szymczak
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CSRD et CS3D : le Parlement européen vote un affaiblissement des obligations pour la durabilité des entreprises

Un vote du Parlement européen le 13 novembre risque de causer un retour en arrière de la protection des droits humains et de l’environnement. La directive obligeant les entreprises à publier des rapports de durabilité (CSRD) et celle instaurant un devoir de vigilance pour les entreprises (CS3D) vont être simplifiées par la réforme dite « omnibus ».

Des négociations avec la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne vont commencer le 18 novembre. Crédit : iStock.
Des négociations avec la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne vont commencer le 18 novembre. Crédit : iStock.

 

 

Les obligations sociales et environnementales auxquelles font face les entreprises en Europe risquent d’être nettement affaiblies. Conformément au processus législatif de l’Union européenne, le Parlement européen a adopté le 13 novembre sa position sur le texte dit « Omnibus I ».  

L’objectif de cette législation est de simplifier les obligations auxquelles font face les entreprises et de favoriser ainsi leur compétitivité, en particulier en réformant deux textes. La directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D), d’un côté, impose aux plus grandes d’entre elles de prévenir, atténuer, supprimer ou réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par leur activité sur toute leur chaîne de valeur, c’est-à-dire de l’extraction des matières premières à la vente des produits et y compris par leurs sous-traitants. La directive sur le rapport de durabilité des entreprises (CSRD), de l’autre, contraint les entreprises cotées ou de plus de 250 salariés à rendre compte de leurs impacts sur les enjeux environnementaux et sociaux. Des textes qui, selon trois mouvements patronaux européens dont le Medef, constituent des « fardeaux », administratives et financiers. 

En février, la Commission européenne a formulé sa proposition de réforme ; le Conseil de l’Union européenne, qui représente les États membres de l’Union européenne, a rendu publique sa position en juin. Conformément au processus législatif européen, le Parlement vient donc d’adopter la sienne, à 382 voix pour, 249 contre et 13 abstentions. Les négociations entre les trois institutions, dite en trilogue, se dérouleront à partir du 18 novembre. Mais les trois positions reviennent à réduire la portée initialement prévue pour les deux directives. 

 

Un texte délétère pour la compétitivité des entreprises européennes ?  

 

« Les parlementaires européens trahissent les valeurs de l’Union européenne », réagissent dix ONG dont Les Amis de la terre, le Collectif Éthique sur l’étiquette, Oxfam ou Reclaim Finance dans un communiqué. Elles qualifient la législation omnibus de « texte de dérégulation revenant de matière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat ». Selon elles, cette législation résulte de « la pression intense des lobbies et de puissances étrangères », citant le Qatar et les États-Unis. Elles mettent également en cause l’action de « la droite européenne (PPE [Parti populaire européen]) et l’extrême droite », accusées en particulier de « vider la CS3D de sa substance ». L’extrême droite a en effet soutenu plusieurs amendements du PPE.  

Le vote constitue « un contresens économique et stratégique, qui porte un coup à la fois à la compétitivité de nos entreprises et à notre souveraineté européenne. Ces textes devaient établir des règles du jeu claires et équitables pour toutes les entreprises européennes mais aussi pour toutes celles agissant dans l'Union », regrette pour sa part Caroline Neyron, la directrice du mouvement d’entreprises « à impact » ou « en transition » Impact France. 

La CSRD et la CS3D devaient en effet s’appliquer aux entreprises européennes, mais aussi aux sociétés étrangères réalisant un certain chiffre d’affaires sur les marchés du continent.  

Pour Caroline Neyron, comme pour les ONG, la bataille n’est pas tout à fait terminée. « Nous espérons que les trilogues permettront de corriger le tir et de préserver l’ambition et l’efficacité de ses lois », a déclaré la première. « Les États membres, dont la France, doivent défendre l’intérêt général et le devoir de vigilance dans le cadre du trilogue à venir », considèrent les ONG.  

 


À lire aussi : Le devoir de vigilance, une obligation des entreprises pour la protection de la planète et des droits humains menacée 


 

 

Limiter le nombre d’informations de durabilité publiées  

 

Concrètement, les évolutions devraient d'abord porter sur le nombre d’entreprises concernées. Concernant les rapports de durabilité (CSRD), la Commission européenne a proposé d’exempter 80 % des entreprises initialement concernées (celles de plus de 250 salariés et 50 millions d’euros de chiffres d’affaires ou les petites et moyennes entreprises cotées), en limitant les obligations à celles de plus de 1 000 salariés et 50 millions de chiffre d’affaires. Le Conseil est allé plus loin et a augmenté le seuil à 450 millions d’euros de chiffre d'affaires dans sa position, une proposition reprise par le Parlement qui relève aussi le nombre de salariés à 1 750

La Commission et le Parlement s’accordent sur le fait de limiter le nombre d’informations à renseigner. « Moins de détails qualitatifs » seront exigés, précise notamment le Parlement.   Alors que des normes spécifiques devaient détailler les obligations par secteur, la Commission suggère de supprimer ces normes et le Parlement de les rendre facultatives. Les deux institutions souhaitent également que la norme dite VSME, dédiée aux petites entreprises souhaitant se conformer volontairement à la CSRD, serve pour établir le nombre et la nature des d’informations susceptibles d’être demandées par les grandes entreprises à leurs petits partenaires commerciaux. 

 

Suppression des plans de transition  

 

Quant à la CS3D, elle concernait initialement les entreprises de plus de 1 000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le Conseil et le Parlement recommandent d’élever ces seuils à 5 000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d'affaires. 

L’adoption et la mise en œuvre d’un plan de transition visant à rendre le modèle de l’entreprise compatible avec la limitation du changement climatique à 1,5°C était aussi rendues obligatoire par la directive dans sa version initiale. Alors que la Commission propose de rendre ce plan facultatif en s’alignant sur l’obligation de la CSRD et le Conseil de passer à une obligation d’adoption sans obligation de moyens, le Parlement propose de supprimer l’obligation d’adopter un plan.  

Les trois institutions se mettent d’accord pour supprimer le régime harmonisé de responsabilité civile, c’est-à-dire une unification des conditions dans lesquelles des personnes peuvent demander réparation pour des atteintes qu’elles auraient subies et l’obtenir.  

Par ailleurs, le Conseil et la Commission proposent de limiter les exigences aux partenaires commerciaux directs, sauf dans le cas où des informations plausibles indiquent la possibilité d’incidences négatives. Sur les modalités de réalisation du processus de vigilance, « nous avons un modèle différent de celui du Conseil, donc des négociations vont avoir lieu », a précisé Jörgen Warborn, l’eurodéputé rapporteur du texte. Le Conseil souhaite passer d’un exercice de cartographie des risques « complet » à « un exercice plus général de délimitation ». 

 

Célia Szymczak 

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