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Par Carenews INFO - Publié le 7 novembre 2025 - 10:20 - Mise à jour le 7 novembre 2025 - 10:36 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Décarbonation « juste » de la filière automobile : des ONG et la CFDT partagent leur vision commune

L’objectif de mettre fin à la vente de véhicules thermiques d’ici à 2035 en Europe est remis en cause par des constructeurs automobiles. En réaction, le Réseau action climat, la Fondation pour la nature et l’Homme et Transport & environnement se sont associés à la CFDT, pour appeler à maintenir cet objectif, mais aussi à soutenir la filière des véhicules électriques en Europe et la demande.

L'électrification du parc automobile fait partie des mesures à mettre en oeuvre pour l'atténuation du changement climatique. Crédit : iStock/ wellphoto.
L'électrification du parc automobile fait partie des mesures à mettre en oeuvre pour l'atténuation du changement climatique. Crédit : iStock/ wellphoto.

 

« Transition écologique et protection des travailleurs doivent aller de pair », affirme Pierre Leflaive, responsable transports du Réseau action climat (RAC). Il introduit une conférence coorganisée le 5 novembre par ce réseau d’ONG de protection de l’environnement avec la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH) et Transport & environnement (T&E), mais aussi un syndicat, la CFDT. L’objectif : faire part de leur « vision commune » sur la situation de la filière automobile, selon les termes de la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon.  

Les organisations appellent avant tout à maintenir l’objectif de fin de vente de véhicules thermiques neufs en 2035, fixé par l’Union européenne il y a plus de deux ans. Plusieurs constructeurs automobiles l’ont récemment remis en cause, l’estimant irréaliste et demandant des « flexibilités » dans son application, mettant en avant une évolution du contexte économique et géopolitique.  La Commission européenne devrait se prononcer prochainement sur le sujet, en application d’une clause de revoyure prévue par le règlement ayant instauré l’objectif.  

Dans « une période où certains souhaiteraient nous diviser » et « opposer les politiques sociales et environnementales », cette prise de parole réunissant syndicat et ONG est « symbolique » souligne Diane Strauss, la directrice France de Transport & environnement. 

 

Des propositions des constructeurs automobiles rejetées 

 

Elle dénonce les propositions « des représentants des constructeurs et de la filière au niveau européen » qui aboutiraient à un « abaissement catastrophique de leur trajectoire climatique ».  

Pour atteindre l’objectif de décarbonation de la filière, ces constructeurs appellent notamment à s’appuyer davantage sur des solutions technologiques. « Les émissions supplémentaires provenant d'une petite partie des véhicules non électriques peuvent être compensées par divers leviers, tels que le renouvellement du parc automobile, une part plus importante de carburants décarbonés ou la réduction des émissions dans la chaîne d'approvisionnement », déclare par exemple l’Association européenne des fabricants automobiles (ACEA).  

En appliquant l’ensemble des propositions formulées par l’ACEA, la moitié des véhicules vendus en Europe en 2035 resteraient thermiques ou hybrides, calcule T&E, qui s’y oppose donc fermement. Sur le sujet des véhicules hybrides, Diane Strauss déplore un décalage entre les émissions annoncées par les constructeurs au moment de la vente et celles réellement constatées par T&E.  

 

De nombreuses pertes d’emplois 

 

« Il ne suffit pas de maintenir le cap climatique. Il faut aussi sortir de la stratégie financière de court terme qui gouverne malheureusement beaucoup de décisions chez les constructeurs automobiles », assène Marylise Léon. Elle déplore une « hémorragie industrielle » en cours, faite de délocalisations, avec des « pertes d’emplois massives, des dizaines de milliers ces dernières années ». Cette dynamique « a commencé bien avant l’avènement de l’électrique » et « les discussions sur les normes européennes », assure-t-elle. 

Face à cette situation, elle demande une « véritable planification » pour la « transition juste » de la filière, aux niveaux « européen, national et territorial », avec un « dialogue social local » notamment pour accompagner les salariés, en matière de formation et de reconversion vers d’autres filières. 

 


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Diminuer la place de la voiture 

 

Pour répondre aux enjeux de décarbonation, il faut également « faire émerger [une] nouvelle industrie de la voiture électrique » sur le sol européen, affirme Diane Strauss. Celle-ci doit intégrer « tous les maillons de la chaîne de valeur », et les voitures européennes doivent être favorisées « fiscalement ou réglementairement ».  Par exemple, les aides aux constructeurs devraient être conditionnées à des pratiques durables et favorisant l’emploi local, pour Marylise Léon et Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer de la FNH. 

Une « vraie politique industrielle » mettra fin à « la casse sociale en cours », considère ce dernier. Et cela même si la construction de véhicules électrique nécessite moins de main d’œuvre. Le passage de l’électrique au thermique conduira nécessairement à la perte de 18 000 emplois, mais l’augmentation de la production sur le territoire que les représentants associatifs et syndicaux appellent de leurs vœux la compensera et conduira même à un « gain net », d’après les estimations de la fondation.  

« Accélérer la production de véhicules dans les années qui viennent n’est pas incompatible avec une réduction de la taille du parc roulant à horizon 2035 et 2040 », précise Pierre Leflaive du RAC. « L’avenir de la voiture n’est pas dans les villes », mais « dans les territoires périurbains et ruraux » où il n’existe pas d’alternative. Plus de 13 millions de Français sont en situation de « précarité mobilité », a calculé la FNH. Parmi eux, 5,3 millions dépendent de leur voiture et plus de 4,3 millions n’ont aucun équipement individuel ou abonnement à un service de transport collectif.  

 

Des véhicules abordables  

 

Mais toutes les voitures électriques ne se valent pas. Les véhicules produits doivent être « plus petits, plus écologiques et plus abordables », poursuit Thomas Uthayakumar. La taille influence l’impact carbone : « qui dit petite voiture dit batterie de puissance moindre, composants en quantité plus faible », illustre-t-il.  

« Les constructeurs européens ont cyniquement abandonné la construction de modèles abordables », regrette Marylise Léon, qui constate une hausse des prix ces dernières années. Diane Strauss la rejoint sur le constat de « stratégies des constructeurs très délétères pour les européens ». Ils « ont doublé leur bénéfice en 2022 par rapport à 2019 » alors que « les ventes ont baissé de plus de 20 % », fustige-t-elle.

 


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Agir sur la demande 

 

Au-delà de l’offre, pour les représentants associatifs et syndicaux, il faut aussi agir du côté de la demande. Avec Marylise Léon, Diane Strauss exige des « aides à l’achat ciblées sur les ménages modestes », comme le leasing social, l’offre de location longue durée de véhicules neufs.  

Il faut aussi « [structurer] la demande des entreprises », estime-telle : celles-ci représentent près de la moitié des achats de véhicules neufs. Les acheteurs des établissements publics pourraient par exemple privilégier les véhicules produits en France ou en Europe, complète Thomas Uthayakumar. 

 

Célia Szymczak 

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