Le Shift project s’intéresse à la formation des actifs pour la transition écologique
Dans un rapport publié le 4 mars, le think tank montre la nécessité de former les professionnels pour la transition écologique, dresse un état des lieux de la mobilisation des acteurs de la formation continue et effectue des propositions pour transformer la formation continue.

Dans un rapport publié le 4 mars, le think tank The Shift project s’intéresse à la formation des actifs pour la transition écologique. Un sujet crucial. « Pour décarboner le premier secteur émetteur en France, les transports, on a besoin des humains et de leurs compétences », illustre Damien Amichaud, chef de projet formation continue pour le Shift project. « Par exemple, si on veut vraiment massivement déployer les véhicules électriques, il nous faut des garagistes qui savent entretenir et réparer ces véhicules », poursuit-il lors de la présentation à la presse du rapport.
« Tous les métiers sont concernés de près ou de loin » par une évolution des compétences, assure-t-il. Ce qui représente donc 30 millions d’actifs en France.
Une nécessité pour l’adaptation au changement climatique
Cette évolution peut concerner diverses dimensions des emplois. Pour certains professionnels, il s'agit d'acquérir de nouvelles compétences techniques : les chefs de chantier doivent par exemple apprendre à intégrer du bois aux ouvrages.
Ces compétences techniques permettent également d’adapter la société au changement climatique : les médecins urgentistes ont besoin de savoir diagnostiquer et traiter des maladies liées à l’exposition aux fortes chaleurs, par exemple. Tout en participant à la transition, la transformation de ces compétences contribue par ailleurs à la réduction de notre dépendance à des matériaux critiques et aux énergies fossiles provenant d’autres pays et continents.
D’autre part, des compétences transversales, qui ne sont pas directement liées à la transition, peuvent lui être utiles, comme le fait de pouvoir communiquer avec des clients dans le but d’expliquer un argument écologique par exemple.
Enfin, il est important aux yeux du Shift project que tous les travailleurs comprennent la nécessité de la transition pour justifier les transformations de leur activité. Cela suppose de leur transmettre des connaissances sur la transition écologique : c’est le troisième type de compétences mobilisé.
Des bénéfices attendus au-delà de l’entreprise
Au-delà des compétences, la transition va créer des besoins de recrutement importants dans des métiers émergents ou des métiers en tension, dans la rénovation des bâtiments ou la réparation de vélos par exemple. Cela nécessite de former 880 000 actifs, en plus des jeunes arrivant sur le marché du travail, selon les données du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE). « Ne pas agir, ce serait empêcher la transition », résume Damien Achimbaud.
La formation permet également d’éviter des risques sociaux : des emplois vont disparaître dans certains secteurs, celui des transports émetteurs par exemple. Il faut faciliter la reconversion des professionnels concernés, afin d’éviter qu’ils se retrouvent sans emploi.
Enfin, pour le Shift project, la formation continue des actifs peut avoir un effet vertueux au-delà du monde du travail. Elle participe à la transformation de l’ensemble de la société en faisant évoluer les « cultures » et les « pratiques », avance Vinciane Martin, coordinatrice emploi et formation du think tank. « Les professionnels sont aussi des citoyens », rappelle-t-elle.
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Une offre de formation encore trop limitée
À ce jour cependant, la formation n’est pas à la hauteur des enjeux selon le Shift project, avec des initiatives « éparses, dépendant des secteurs ou de quelques individus moteurs ». Des études pour identifier les besoins en compétences existent bien dans « presque tous les secteurs », mais elles sont assez partielles et trop éloignées du terrain. Les entreprises et les organismes de formations se les approprient peu, indiquent les auteurs du rapport.
La demande de formation reste limitée : seules 37 % des entreprises, organismes publics et associations interrogés par le think tank ont mis en place des formations métiers en lien avec la transition au cours des deux dernières années.
Conséquence de cette faible demande : les organismes de formations privés font peu évoluer leur offre de formation face aux enjeux de transition, même si certaines initiatives existent dans des organismes publics ou sous l'impulsion de petits acteurs pour des domaines spécifiques. Le Shift donne l’exemple à ce titre du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), qui a créé une école des transition écologiques, ou de la Convention des entreprises pour le climat (CEC), qui propose un parcours de formation à des dirigeants d’entreprises.
En outre, lorsque des actions sont mises en œuvre, elles se limitent la plupart du temps à de la sensibilisation et se déroulent sur des formats courts. Elles concernent surtout les cadres et peu les ouvriers (23 % des entreprises ayant déployé des actions ont inclus les ouvriers, contre 89 % pour les cadres). Pourtant, les ouvriers et techniciens feront l’objet de la majorité des recrutements d’ici à 2030 dans les secteurs clés de la planification écologique, d’après le SGPE.
Des leviers pour faire évoluer la situation
Pour que la formation continue réponde mieux aux enjeux de transition, le Shift project identifie plusieurs points essentiels. Il faut définir une stratégie, au niveau national, européen et par filière, dotée de financements adéquats. Les formations doivent être suffisamment longues et adaptées aux publics visés. Enfin, des alliances et coopérations entre acteurs, notamment entre le secteur public et le secteur privé, paraissent essentielles aux auteurs du rapport.
Ces derniers détaillent également sept leviers « actionnables » et « concrets », selon les termes de Vinciane Martin, assortis d’actions à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation. Il faut mobiliser les décideurs des organisations sur le sujet, explique-t-elle, mais aussi garantir le dialogue social pour anticiper les effets socio-économiques de la transition et assurer l’effectivité des formations, notamment en privilégiant des formats collectifs, en associant des experts à leur conception et en mesurant leurs effets. La transformation de l’offre de formation et une meilleure orientation de la demande de formation sont aussi nécessaires.
Les auteurs appellent également leurs vœux un pilotage territorial des questions d’emplois et de compétences et une orientation des citoyens vers les emplois de la transition écologique.
Célia Szymczak