Devoir de vigilance : de quoi s’agit-il ?
Une directive européenne sur le devoir de vigilance pour les entreprises pourrait être adoptée en 2023. Mais au fait, de quoi parle-t-on ?
Le devoir de vigilance est un concept qui s’applique aux entreprises, notamment multinationales. Il s’agit du devoir d’une entreprise d’être vigilante à l’égard de ses activités, sur les droits humains ou bien l’environnement. On parle aussi de diligence et de l’obligation de respecter une norme de diligence raisonnable. Un guide de l’OCDE le définit comme « un processus que les entreprises devraient mettre en œuvre pour identifier, prévenir, et atténuer les impacts négatifs réels et potentiels de leurs activités, de leur chaîne d’approvisionnement et de leurs relations d’affaires, mais aussi pour rendre des comptes de la manière dont ces impacts sont traités ».
La catastrophe du Rana Plaza comme déclencheur
La catastrophe du Rana Plaza a été un élément déclencheur, illustrant la nécessité de l’application du devoir de vigilance. En avril 2013, un immeuble situé près de Dacca, au Bangladesh, s’effondre. Dedans, des ateliers de confection sous-traitants à de grandes marques d’habillement européennes. Bilan : 1 135 morts pour 2 500 rescapés.
Cette catastrophe fut une onde de choc et a participé à l’adoption, en 2017, par la France, d’une loi relative au devoir de vigilance. Elle fut la première au monde en la matière. Il s’agit de la loi n°2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre. Pour Amnesty International, cette loi « marque une avancée historique vers le respect des droits humains et environnementaux par les entreprises multinationales. »
Que dit la loi en France ?
Les entreprises concernées sont celles comptant plus de 5 000 salariés en France ou ayant plus de 10 000 salariés dans le monde. Elles doivent établir, publier, respecter et évaluer un Plan de vigilance relatif à l’ensemble des filiales et sociétés qu'elles contrôlent.
La loi précise : « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle (...) directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation. »
L’entreprise doit ainsi procéder à :
- Une cartographie des risques
- La mise en place de procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales
- La réalisation d’actions adaptées d'atténuation des risques
- La mise en place d’un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements
- Un dispositif de suivi des mesures mises en place.
23 procédures lancées
Dans le cas de non respect, l’entreprise peut être mise en demeure de respecter ses obligations. Un juge peut être saisi en cas de non-respect. Depuis 2019, 23 procédures ont été lancées, 17 mises en demeure et six assignations. En 2019, TotalEnergies a été la première entreprise assignée pour son projet pétrolier décrié en Ouganda et en Tanzanie. En 2021, Casino a été mise en demeure pour avoir participé via ses filiales à la déforestation en Amazonie.
La France a donc été la première à mettre en place une telle loi. Des débats existent autour de législations similaires en Finlande, Norvège ou encore en Espagne. L’Allemagne l’appliquera en 2023.
Vers une directive européenne ?
Mais le prochain pas pourrait être fait par l’Union européenne. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive sur le devoir de vigilance européen (Corporate sustainability due diligence directive). Des négociations avec la Commission et le parlement auront lieu en 2023. Cette directive s’appliquerait aux sociétés qui emploient plus de 1 000 salariés et réalisent plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. En outre, si la directive reste intacte, les Etats pourront librement décider d’exclure le secteur financier. La directive exclurait également l’application du devoir de vigilance à l’aval de la chaîne de valeur. La France a soutenu cette exclusion, estimant qu’il serait trop compliqué de rendre les entreprises responsables des actions des clients.
Théo Nepipvoda