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Par Carenews INFO - Publié le 23 juillet 2021 - 17:00 - Mise à jour le 3 janvier 2023 - 10:48 - Ecrit par : Christina Diego
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Entreprendre en banlieue : la détermination des femmes

Double plafond de verre, inégalités sociales et professionnelles, les femmes entrepreneures donnent le tempo dans une banlieue qui réussit à briser les stéréotypes. Témoignages.

Les femmes entrepreneures issues des quartiers sur le chemin de la réussite. Crédit : iStock
Les femmes entrepreneures issues des quartiers sur le chemin de la réussite. Crédit : iStock

 

Parler d’égalité des chances pour les femmes entrepreneures, de surcroît issues des quartiers, c’est avant tout parler de leur réussite. Le nombre de femmes créatrices d’entreprises dans les quartiers prioritaires est de 29 % selon une étude de Bpifrance publiée en mars 2021.

Une proportion assez similaire d’ailleurs à celle des femmes non originaires des quartiers (31 %). Derrière ce constat, un obstacle de taille : un double plafond de verre. Pour mieux comprendre ce qui se joue entre dépassement de soi, inégalités sociales et envie de réussir, voici le témoignage de cheffes d’entreprise accompagnées par l’association Les Déterminés qui promeut l’égalité des chances dans les quartiers populaires. 

 

Femmes : double plafond de verre

Selon l’étude de Bpifrance, les femmes entrepreneures des quartiers ont un profil assez similaire aux femmes qui entreprennent hors des quartiers. Les enjeux liés à l’entrepreneuriat féminin dépassent les territoires. La notion de plafond de verre, qui bloque deux tiers des femmes entrepreneures en termes d’égalité salariale, est d’autant plus vivace quand on doit également construire tout un réseau professionnel. C’est souvent le cas des femmes entrepreneures originaires de banlieues. Si l’on regarde de plus près quels sont ces freins, le manque de confiance en soi et les préjugés sont des barrières à dépasser quand on se lance dans l’entrepreneuriat. À cela s’ajoute la question des réseaux professionnels que les entrepreneures n’ont pas forcément. Des constats que l’association Les Déterminés a bien saisi. 

 

L’association Les Déterminés  

Fondée en 2015, l’association Les Déterminés accompagne les entrepreneur.e.s dans les quartiers prioritaires, dans les banlieues et milieux ruraux. Le programme pédagogique est bâti sur trois piliers incontournables : libérer sa créativité, développer son réseau et accroître sa capacité à repérer et saisir les opportunités. Tout ce dont ont besoin celles qui ont décidé de prendre le chemin de la réussite malgré les difficultés. 

Pour Moussa Camara, président fondateur de l'association Les Déterminés, les programmes permettent de « rendre accessible l’entrepreneuriat à des personnes pour qui ce n’est pas habituel. Surtout quand on vient des quartiers populaires. Et encore plus quand on est une femme en banlieue, c’est deux fois plus difficile. Notre action a permis à près de 60 % de femmes entrepreneures de se lancer. C’est beaucoup ». 

En effet, en comparaison aux chiffres nationaux, l’action menée par l’association met en exergue la volonté et l’ambition de ces jeunes femmes. 

 

Des femmes entrepreneures cassent les codes 

 

C’est ce que nous précise Yasmine Iamarene de la promotion nationale de janvier 2021 : 

« J’ai rejoint Les Déterminés en décembre 2020. C’est un des meilleurs choix que j’ai pu faire. J’avais les connaissances, l’énergie, une bonne capacité de travail, mais il me manquait l'accompagnement et la méthode. J’ai créé mon entreprise au bout d'un mois après le début de la formation. Cela me permettait de mettre en œuvre ce que j’apprenais avec les Déterminés ». 

L’entrepreneure a lancé Logistique Midi Pile, une société de transport de marchandises responsable. Elle est habituée à se battre contre les stéréotypes. « Mon entreprise de transport évolue dans un milieu très masculin. C’était un sujet qui comptait pour moi de ne pas voir beaucoup de femmes dans le milieu de la logistique. Je trouvais cela frustrant, car elles en sont capables ». Après quelques minutes d’échange, on se rend compte que la jeune femme ne se considère pas comme une « femme » qui entreprend. « Je ne me sens pas une femme quand j’entreprends. Dans ma démarche professionnelle, je n’en parle pas. En fait, si tu te dis que tu es une “femme entrepreneure” alors tu permets à la société de te le dire. Le message que tu renvoies, c’est ce que les autres vont comprendre. Si je me sens entrepreneure sans préciser que je suis une femme, alors je renverrai l’image d’une cheffe d’entreprise, rien d’autre ». 

Elle sait que sa pugnacité force ses interlocuteurs à la considérer comme une vraie cheffe d’entreprise. « Je travaille dans un milieu d’hommes. Je pense que je les déstabilise. Lors des rendez-vous avec mes associés, au début de la discussion, les hommes ne me regardent même pas. Et à la fin, ils s’adressent à moi. Je ne leur laisse pas le choix », nous confie-t-elle en souriant.   Cette force, Yasmine la puise auprès des siens. « Je suis très soutenue depuis le début de mon parcours. J'ai un mari entrepreneur. Je suis maman de deux enfants, mon parcours de cheffe d’entreprise, c’est important aussi vis-à-vis d’eux ». L’accompagnement des Déterminés lui a permis de rencontrer d’autres femmes tout aussi investies. « Sur les 17 projets sélectionnés, nous étions plus de 50 % de femmes. On s’est nourri les unes des autres. Le jour où on aura gagné, c’est le jour où on ne parlera plus ni de femmes ni de banlieues ». 

 

Pour Coumba Niane, accompagnée en 2019 par les Déterminés, ce sont les qualités intrinsèques de chaque personne qui font la différence pour réussir. 

« J’ai créé la marque de boissons énergisantes YAR saveurs en 2018. En 2019, j’avais besoin d’un cadre plus structuré pour lancer ma startup de façon plus ambitieuse. J’ai postulé aux Déterminés ». Pour elle, c’était la possibilité d’amplifier son réseau professionnel. « Nous nous mettons des freins toutes seules. Les jeunes filles qui pensent à entreprendre ont une âme d’entrepreneure, sinon elles n’y penseraient même pas. Le fait d’être dans l’association donne de la force, on n’est plus seules. Cela me fait penser à cette expression : seule, on va vite, mais ensemble on va plus loin », nous précise-t-elle. 

Elle témoigne de l’importance du réseau de l’association qui lui a permis de franchir certaines barrières. « Les femmes, très souvent, n’osent pas. Je n’ai pas rencontré de véritables freins. Cependant je n’aurais jamais pu accéder à un réseau comme celui du Medef, si je n’avais pas été aux Déterminés. Cela m’a permis de rencontrer de grands entrepreneurs, des personnalités connues et de partager leurs expériences, et participer à des événements dans de grandes entreprises du luxe pour faire connaître ma marque ». Quand on lui demande ce qui a vraiment été décisif pendant sa formation chez Les Déterminés, elle répond sans hésiter : « il faut y aller, en montrant que l’on est déterminée (justement). Moussa Camara est là au quotidien. Toute l’équipe est toujours disponible, même la formation terminée. C’est cette fraternité que l'on retrouve dans notre banlieue. Et d'ailleurs, ce n’est pas la banlieue, la limite, c’est nous-mêmes la limite dans l’entrepreneuriat », conclut-elle.   

 

Christina Diego 

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