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Par Carenews INFO - Publié le 27 novembre 2025 - 08:00 - Mise à jour le 27 novembre 2025 - 08:00 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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État de la pauvreté en France : « nous avons le sentiment que le gouvernement n’entend pas », dénonce le collectif Alerte

Le rapport annuel du Secours catholique sur l’état de la pauvreté en France montre une augmentation depuis 2017 de l’extrême pauvreté chez les ménages accueillis par l’association, ainsi qu’un accroissement des personnes en situation de longue maladie ou de handicap. Face à cette situation, et, malgré les signaux d’alarme lancés, le collectif Alerte dénonce « un manque de cohérence » entre le discours et les mesures politiques.

Entre 2017 et 2023, le taux d’extrême pauvreté a augmenté de 11 points pour atteindre 74 % des ménages rencontrés par le Secours catholique vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en 2025. Crédit : iStock / yann vernerie
Entre 2017 et 2023, le taux d’extrême pauvreté a augmenté de 11 points pour atteindre 74 % des ménages rencontrés par le Secours catholique vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en 2025. Crédit : iStock / yann vernerie

 

« Il devient urgent de déclencher l’alarme sociale », s’exclame Delphine Rouilleault, lors d’une conférence de presse organisée par le collectif Alerte. Cette organisation, dont elle est la présidente, rassemble 37 fédérations et associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Depuis le début de l’année, le collectif mène une campagne de communication pour que les politiques placent l’éradication de la pauvreté parmi leurs priorités. 

Confrontée à un constat préoccupant sur l’augmentation des personnes pauvres confrontées également à des problèmes de santé, « les questions de solidarité doivent être abordées sous un angle multidimensionnel », défend Delphine Rouilleault. 

  

Depuis 2017, une augmentation de l’extrême pauvreté parmi les ménages accueillis par le Secours catholique 

  

Le 20 novembre, le Secours catholique a publié son rapport statistique annuel sur l’état de la pauvreté en France. L’association y relève notamment un accroissement de la part des femmes et des familles, ainsi que des personnes en situation de longue maladie ou de handicap parmi le public accueilli par l’association. 

En trente ans, le nombre de personnes sans ressources accueillies par le Secours catholique a également augmenté. L’association relève ainsi un niveau de vie médian des ménages plus élevé par rapport à 1994 [année de référence du premier rapport sur l’état de la pauvreté publié par le Secours catholique en 1995], mais en forte baisse depuis dix ans, provoquée par une augmentation des personnes en situation d’extrême pauvreté parmi les bénéficiaires de l’association. Entre 2017 et 2023, le taux d’extrême pauvreté a ainsi augmenté de 11 points pour atteindre 74 % des ménages rencontrés vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en 2025. 

L’écart entre niveau de vie des ménages et seuil de pauvreté augmente également. « Cette hausse, marquée depuis 2017, est liée à l’accueil croissant de ménages sans ressource combiné à la stagnation du niveau de vie des autres ménages. Nous ne pouvons que constater l’appauvrissement progressif et constant des ménages accueillis, français comme étrangers, depuis 2017 », déplore le Secours catholique.  

 


  

Un sentiment d’indifférence de la part du gouvernement 

  

L’association analyse en outre que le « contexte a changé ». « En 1994, la lutte contre la pauvreté était élue "grande cause nationale", une mobilisation couronnée par une grande loi de lutte contre les exclusions en 1998. En juillet 2025, c’est dans une quasi indifférence que l’Insee a révélé le sommet atteint par le taux de pauvreté en France depuis trente ans : 15,4 % en 2023, soit 9,8 millions de personnes et + 650 000 personnes en un an, une hausse inédite depuis 30 ans », souligne-t-elle.  

« Nous avons le sentiment que le gouvernement n’entend pas », abonde le collectif Alerte. « Je n’ai jamais connu une telle tension sur le front du mal-logement et aussi peu de réactions de la puissance publique face à tant de souffrance », appuie par exemple Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement des défavorisés. Tarek Daher, délégué général d'Emmaüs France, pointe quant à lui un « choc structurel » à prévoir pour le secteur de l’insertion par l’activité économique. En cas d’adoption définitive de la baisse budgétaire de 200 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2026, 70 000 postes risquent d’être supprimés. 

  

« Il y a besoin de remettre de la cohérence dans le discours politique » 

  

Cette année, les associations et fédérations du collectif Alerte se sont adressées à François Bayrou, alors Premier ministre, l’enjoignant de respecter l’article 1er de la loi de 2008, instaurant le RSA et indiquant que le gouvernement devait fixer des objectifs à cinq ans de réduction de la pauvreté. La loi impose également de remettre chaque année au Parlement un rapport sur les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs.  

Une rencontre avec les associations organisée cet été à Matignon avait conduit à un engagement du Premier ministre à « organiser le combat contre la pauvreté », en définissant un objectif à dix ans de réduction de la pauvreté et en s’engageant à maintenir le parc d’hébergement d’urgence à 203 000 places. Quelques jours plus tard, la présentation des orientations budgétaires, prévoyant une année blanche sur les prestations sociales, avait cependant provoqué un sentiment de trahison au sein des associations. 

« Le décalage est très puissant et montre une dissonance cognitive, pour ne pas dire un cynisme. Il y a besoin de remettre de la cohérence dans le discours politique », plaide Delphine Rouilleault. 

  

Des inquiétudes sur le projet d’allocation sociale unique 

  

« Nous nous interrogeons de savoir qui, dans le gouvernement, porte ce projet de lutte contre la pauvreté », questionne également Daniel Goldberg, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). 

Le collectif s’inquiète de plus de la mise en place du projet d’allocation sociale unique, annoncé le 13 novembre par le Premier ministre Sébastien Lecornu. Ancienne promesse de campagne d’Emmanuel Macron, cette réforme vise à fusionner le RSA, la prime d’activité et certaines aides au logement en une seule prestation.  

Sans précision pour l’instant sur les modalités de sa mise en place, « nous attendons de manière assez urgente du gouvernement qu’il clarifie si ce projet est une brique d'une stratégie de lutte contre la pauvreté ou si c'est une brique supplémentaire dans sa recherche d'économies », interpelle Delphine Rouilleault. « Cette mesure ajoute une zone de flou dont il semble indispensable que le gouvernent sorte rapidement. Nous rappelons qu’une personne sur trois ne perçoit pas les aides auxquelles elle a le droit », souligne-t-elle. 

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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