Expulsions de squats et bidonvilles : une baisse en trompe l’oeil
L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels publie son rapport annuel. Il constate une baisse en trompe l’œil du nombre d’opérations, liée notamment à la situation autour de Calais.
L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informel vient de publier le 28 novembre son cinquième rapport annuel. Il s’intéresse aux expulsions de squats, bidonvilles et campements sur le territoire français.
1 111 expulsions, concernant au minimum 94 732 personnes, ont été recensées entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023 sur l’ensemble du territoire . Le nombre d’opérations a presque été divisé par deux par rapport à la période précédente durant laquelle 2 078 expulsions avaient été enregistrées. Elles avaient concerné au moins 241 123 personnes.
Une baisse importante vers Calais
Mais ces chiffres marquent des différences sur le territoire. Les expulsions sur le littoral nord sont passées de 1 770 à 729 sur la période étudiée par le rapport, soit une baisse de près de 60 %. Cette zone de littoral entre Calais et Dunkerque accueille les personnes exilées souhaitant se rendre au Royaume-Uni.
« Cette baisse importante n’est pas le signe d’une amélioration », explique Fiona Dedenys de l’association Human Rights Observers, une des huit structures qui portent l’observatoire.
Pour expliquer cette tendance, le rapport parle du faible nombre de personnes exilées présentes sur la côte à la fin de l’hiver 2022-2023 et au début du printemps, probablement en raison des conditions météorologiques complexes pour la traversée. Autre élément explicatif : certains lieux ont été condamnés après des délogements et a limité le nombre de lieux potentiellement expulsables.
Enfin, « Lors des manifestations contre la réforme des retraites, moins de brigades de forces de l’ordre étaient présentes à Calais », explique Fiona Dedenys.
La Gironde et Paris, départements avec le plus d‘expulsions
En revanche, le nombre d’expulsions croît sur le reste du territoire. L’observatoire en recense 382 entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023 contre 308 lors de la période précédente. Il s’agit d’une hausse de 24 %. La Gironde et Paris sont les départements en dehors du nord littoral avec le plus d’expulsions recensées.
L’observatoire pointe le fait que pour l’ensemble du territoire, dans 85% des cas, les expulsions ne donnent lieu à aucune solution d’hébergement ou de relogement. C’est même 97% sur le littoral nord.
Ces expulsions peuvent représenter de vrais traumatismes pour les habitants puisque dans près de neuf cas sur dix, ils ne sont pas informés de l’opération. Autre résultat inquiétant : dans 89 % des cas, les biens des personnes sont détruits ou confisqués.
Pourquoi l’Observatoire s’intéresse-t-il en particulier aux enfants ?
Cette année, l’observatoire s’intéresse en particulier aux conséquences de ces expulsions sur les enfants. « On a mis l’accent sur la question des enfants car ils sont encore plus touchés par les effets des expulsions, d’absence de logement notamment en ce qui concerne la scolarité », explique Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, une des associations à l’origine de l’observatoire. D’ailleurs, 77 % des expulsions recensées (sauf sur le nord littoral) ont lieu pendant l’année scolaire.
L'observatoire propose d’ailleurs l’instauration d’une « trêve scolaire » pour interdire les expulsions durant l’année scolaire dans le but de « garantir une continuité pédagogique ».
Théo Nepipvoda