L'ANTISÈCHE - Au fait, c'est quoi l'investissement à impact ?
Qu’est-ce qu’un fonds à impact et quels sont les principaux investisseurs ? La rédaction de Carenews fait le point sur le sujet.
Depuis quelques années, le mot « impact » fleurit un peu partout dans l’économie, accompagné de suspicions d’« impact washing », le petit frère du greenwashing. Pourtant, mobiliser la finance au service des enjeux écologiques et sociaux pourrait avoir un effet considérable. Alors comment être certain que l’impact revendiqué est réel ? Et comment identifier les acteurs de ce type de finance ?
L’Esma, l’autorité européenne de régulation des marchés financiers, s’est prononcée en mai sur l’utilisation du terme « impact » dans le nom des fonds, en le restreignant à ceux investissant « aux fins de générer un impact social ou environnemental positif et mesurable parallèlement à un rendement financier ». En France, il existe un document intitulé « Investissement à impact : une définition exigeante pour le coté et le non coté » publié en 2021 par la commission impact de l’association de sociétés de gestion et de conseil France invest et le Forum pour l’investissement responsable (FIR), une association promouvant ce type d’investissement. Avec cette démarche, « il s’agissait à clarifier la notion d’impact, notamment dans le coté », témoigne Grégoire Cousté, le délégué général du FIR. Pour ce faire, un groupe de travail composé de 52 investisseurs et gérants, issus de l’univers du coté et comme de celui du non coté, a été constitué.
L’impact et le rendement sur le même plan
Trois caractéristiques définissent principalement les investissements à impact. En premier lieu, l’intentionnalité est la « volonté intentionnelle de l’investisseur de contribuer à générer un bénéfice social ou environnemental mesurable ». Cette intention intervient avant la décision d’investissement et conduit à la fixation d’objectifs d’impact. « C’est l’élément le plus différenciant dans le monde du capital investissement. La décision d’investir est in fine basée sur un enjeu de performance financière et d’impact », explique Mathieu Cornieti, président de la commission impact de France invest et de la société de gestion spécialisée Impact partners.
L’intentionnalité distingue notamment l’investissement à impact de l’investissement « ESG » ou « responsable », qui consiste à prendre en compte des critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance ou à financer des entreprises ayant les meilleures pratiques dans un ou plusieurs de ces domaines, mais pas des structures mettant l’impact social au cœur de leur stratégie. Par ailleurs, ce ne sont pas ces critères qui motivent en priorité l'investissement : ils sont simplement pris en compte. « Si vous avez une stratégie ESG, la décision d’investir n’est basée que sur un enjeu de performance financière », soutient Mathieu Cornieti.
Engagement et alignement des intérêts
Le deuxième critère définissant l’investissement à impact, c’est l’additionnalité. Elle désigne la « contribution particulière et directe de l’investisseur » permettant à l’entreprise financée d’accroître son impact. Pour les actifs non cotés, la relation est souvent directe avec les dirigeants. « Vous pouvez toujours expliquer comment vous avez influencé la stratégie », explique Mathieu Cornieti. En revanche, pour les actifs cotés, la démonstration de l’additionnalité est plus difficile. On parle d’engagement actionnarial : des pratiques actives de l’investisseur visant à maximiser l’impact de l’entreprise.
Le dernier critère porte sur la mesure d’impact, c'est-à-dire l’évaluation concrète des effets positifs de l’entreprise. Dans le document proposé par le FIR et France invest, une exigence est notamment associée à la mesure d’impact : l’alignement des intérêts, soit un mécanisme d’alignement de la rémunération du gérant du fonds avec des critères d’impact. « Cela me paraît très important », souligne Grégoire Cousté. La charte France Invest Impact de France invest, signée par les sociétés membres de la Commission impact, suppose que la prime de surperformance versée aux équipes de gestion du fonds en cas de bons résultats doit être alignée sur l’impact : c’est le carry, ou carried interest. « C’est un gros enjeu à mes yeux », appuie Mathieu Cornieti.
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La finaNce solidaire, un type spécifique de finance à impact
La finance solidaire fait partie de la finance à impact, même si toute la finance à impact n’est pas solidaire. Elle concerne un type de produits d’investissement spécifique, se caractérisant par « la primauté de l’impact sur le rendement », comme on peut le lire dans le guide du label Finansol, distinguant les produits d’investissement de finance solidaire. Seules des activités non cotées à « impact social fort » sont financées.
« Les projets financés par les produits labellisés Finansol ciblent majoritairement les personnes les plus fragilisées dont les besoins fondamentaux sont mal satisfaits, ou bien encore des territoires fragiles, avec pour objectif de renforcer le lien social et la cohésion territoriale », souligne Sarah Perrier, responsable du label Finansol.
Il s’agit de projets à utilité sociale au sens de la loi relative à l’économie sociale et solidaire de 2014.
Sarah Perrier fait notamment référence à deux sociétés, Ecofi et Mirova, disposant de nombreux produits labellisés Finansol. L’association Fair, qui gère le label, a également réalisé un guide intitulé « Financer vos projets à impact », à destination des entrepreneurs sociaux. Il permet de s’orienter parmi les financeurs, à condition de développer un projet répondant à un besoin social ou environnemental. « Nous guidons les entreprises en recherche de financement en fonction du stade de leur projet et nous indiquons les financeurs à solliciter », précise-t-elle.
Un annuaire des investisseurs à impact
Pour identifier les fonds d'investissement conformes aux critères définis par le FIR et France invest, il est possible de se référer à l’annuaire de la commission Impact de France invest. 56 sociétés de gestion sont répertoriées, signataires de la charte France Invest Impact. Le montant et le nombre de fonds dédiés à l’impact, des exemples d’investissement, les stratégies d’investissement et la mesure d’impact sont précisés. « Nous sommes fiers de nos approches variées, de nos différences, de l’hétérogénéité de notre marché. Nous soutenons des entreprises de toute taille, dont les activités vont des économies d’énergie à la mobilité, en passant par l’insertion ou la santé, implantées en régions ou dans des pays en développement », peut-on lire en introduction de ce document.
Ce n’est pas parce qu’on n’a pas adoubé la définition qu’on ne fait pas de l’impact. Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l'investissement responsable
Grégoire Cousté conseille de se référer à cet annuaire. « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas adoubé la définition qu’on ne fait pas de l’impact, précise-t-il toutefois. Certains acteurs sont en démarche de progrès. C’est encore plus vrai dans le coté, où il est difficile de prouver l’additionnalité ».
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Un outil pour les entrepreneurs sociaux
Autre initiative, dans le monde de l’entrepreneuriat à impact : la cartographie des financeurs de l’impact du Mouvement Impact France, une organisation regroupant des entreprises en transition et à impact. Ce travail a été réalisé avec le cabinet de conseil en financement Finetic. Les sociétés référencées ne sont pas forcément adhérentes de la commission impact de France invest. On y trouve des sociétés de gestion spécialisées, comme Citizen capital ou Alter equity, des sociétés ayant au moins un fonds à impact sans être spécialisées et des sociétés de gestion dont au moins 50 % des participations sont à impact dans un de leurs véhicules d’investissement, sans fonds dédié. Des groupes de business angels de l’impact et des plateformes de financement participatif spécialisées, comme Lita.co ou MiiMosa, sont aussi référencés. « Nous avons voulu faire gagner du temps aux entrepreneurs à impact, pour qu’ils puissent comprendre facilement quels financeurs peuvent financer l’impact », explique Octave Kleynjans, directeur de l’Impact lab d’Impact France.
Il existe encore beaucoup d'entreprises à impact qui ne parviennent pas à être financées. ».
Octave Kleynjans, directeur de l'Impact lab du Mouvement impact France.
Sur le site d’Impact France, il est possible de classer les financeurs par type d’investissement ou la maturité du projet à financer, d’identifier les financeurs labellisés Finansol et ceux qui financent exclusivement l’impact. C’est Finetic qui a fourni une liste de financeurs, combinée à la liste des adhérents du mouvement. « Il existe des financeurs pour tous les stades de maturité d'entreprises à impact », assure Octave Kleynjans. Le nombre de financeurs de l’impact recensés par le Mouvement Impact France et Finetic a doublé en trois ans. Mais Octave Kleynjans précise toutefois qu’il « existe encore beaucoup d'entreprises à impact qui ne parviennent pas à être financées. »
Célia Szymczak