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Par Carenews INFO - Publié le 23 mars 2022 - 15:00 - Mise à jour le 29 mars 2022 - 10:10 - Ecrit par : Lisa Domergue
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Présidentielle : les sortants de prison sont-ils les oubliés de l’Élysée ?

À 18 jours du premier tour de l’élection présidentielle, Carenews a souhaité donner la parole à ceux qui l’ont rarement. Parmi ces populations invisibles, les sortants de prison. Un sujet très peu abordé dans le débat électoral, et lorsque les candidats en parlent, c’est souvent sous l’angle de la criminalité, sans aborder celui de la réinsertion. Détails.

Présidentielle : Les sortants de prison sont-ils les oubliés de l’Élysée ?. Crédit photo : txking.
Présidentielle : Les sortants de prison sont-ils les oubliés de l’Élysée ?. Crédit photo : txking.

 

Près de 70 000 personnes étaient incarcérées en France au 1er décembre 2021. Une population particulièrement vulnérable avec trois détenus sur cinq vivants sous le seuil de pauvreté et un sur cinq n’ayant pas le bac. 

À un peu plus de deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, peu de candidats semblent pourtant s’intéresser à cette question. Et lorsqu’ils en parlent, c’est souvent sous un prisme anxiogène, soutenant une politique répressive. Les sortants de prison sont-ils les invisibles de la République ?

Les coûts de la détention

La question des prisons soulève plusieurs problématiques intrinsèquement liées : les conditions de détention, la récidive et la réinsertion des sortants de prison. Toutes les trois ont un impact sur la société. D’abord économique avec un coût moyen de l’incarcération de 100 euros par jour, et qui se voit divisé par deux pour les peines en semi-liberté. Mais aussi un coût humain avec des conditions de détention qui ont été épinglées à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme. Selon l’Association Possible, qui opère une action de plaidoyer pour la réinsertion des personnes condamnées, les taux d’occupation peuvent aller jusqu’à 200 %.

Outre la question des places dans les prisons, souvent évoquée par les candidats à l’élection présidentielle, la société doit s’emparer de la question de l’« après » avec la lutte contre la récidive des sortants de prison en accompagnant leur réinsertion.

Les associations, des relais pour lutter contre la récidive

Depuis 2014, l’association Wake up Café opère un accompagnement « dedans-dehors » des sortants de prison. « Dedans », en préparant leur sortie et en appuyant leur demande d’aménagement de peine. « Dehors », pour accompagner cette liberté, parfois difficile à retrouver. « Pour les personnes qui sont déjà dans des états de délinquance, parfois multirécidivistes qui ne voient pas des solutions de sortie, il faut des structures comme les nôtres qui prennent en main ce sujet-là et qui font baisser radicalement la récidive », défend Domitie Bourgain, responsable mécénat et communication de l’association.

L’accompagnement proposé par l’association a d’ailleurs fait ses preuves. Seulement 8 % des « wakeurs » accompagnés par l’association ont récidivé, contre 63 % en moyenne à l’échelle nationale. Autre constat : 65 % des wakeurs ont eu une sortie de prison positive, c’est-à-dire avec une formation ou un emploi alors qu’en moyenne en France, seulement un quart des sortants de prison trouvent une activité professionnelle régulière dans les douze mois après la sortie. Pour ce faire, Wake up Café peut compter sur un réseau de 175 entreprises engagées pour la réinsertion professionnelle de toutes et tous. 

L’État a d’ailleurs bien saisi le rôle des associations de terrain dans la prise en charge de ces publics. L’association a par exemple signé une convention nationale avec l’administration pénitentiaire leur facilitant leur installation sur les sites. Aussi, à la demande du ministère de la Justice, l’association est chargée d’ouvrir trois nouveaux sites par an. « Le juste-milieu n’a cependant pas encore été trouvé » prévient Domitie Bourgain :

On ne peut pas compter sur les associations pour qu’elles s'assument toutes seules. Elles ont besoin d’un soutien de la force publique. 

Un soutien plus fort aux associations

Quel rôle l’État doit-il avoir pour garantir la réinsertion de ce public ? L’Association Possible a identifié deux leviers d’actions : une politique de sensibilisation non seulement auprès des citoyens et de la société civile, mais aussi auprès des entreprises ; et une stratégie d’accompagnement, notamment financier, des partenaires associatifs comme le précise la responsable de Wake up Café : « Il faut que la force publique débloque des enveloppes pour soutenir des associations comme la nôtre et qu’elle mette les moyens sur la réinsertion. »

Pour elle, l’État est volontariste sur certaines questions comme celles des peines alternatives ou du travail en détention avec l’Agence du TIG et de l’insertion professionnelle (ATIGIP), mais « cela reste des expérimentations ». D’autant plus que d’autres programmes, comme celui de Wake up Café a déjà fait ses preuves et démontre que cela fonctionne : 

Aujourd’hui on met davantage l’accent sur les problématiques plutôt que sur les résultats. La réinsertion fonctionne. Maintenant, nous devons faire prendre conscience au grand public qu’on doit tous changer notre regard pour que la réinsertion fonctionne.

Changer les regards

Pour l’association Wake up Café, chacun a un rôle à jouer dans la réinsertion des sortants de prison et l’État ne pourra pas en être le seul garant : « Si nous [citoyens, entreprises], on ne les accueille pas, on ne leur offre pas une deuxième chance et un travail, ils vont retrouver ce qu’ils faisaient avant. La responsabilité est à tous les échelons et elle nous concerne tous. »

D’où l’urgence de changer « les » regards. Celui des sortants de prison « qui ne sont pas capables d’intégrer une société qui, pour nous, n’est déjà pas évidente » et celui de la société comme en témoigne Moussa, wakeurs depuis 2017 qui travaille désormais au sein de l’association : 

Une fois que tu es allé en détention, les gens te considèrent comme un voyou, un délinquant. Pourtant, « le délinquant » a beaucoup de choses à apprendre à ceux qui ne sont jamais allés en prison. Aller prison est, certes, une mauvaise chose, mais c’est aussi une force. D’autres vont dire que c’est de la souffrance, mais ce n’est pas cela,  quand tu fais des erreurs, tu paies. J’ai fait des erreurs, j’ai payé. Désormais, je sais que je ne le referai plus.

 

Lisa Domergue 

 

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