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Par Carenews INFO - Publié le 23 janvier 2023 - 16:30 - Mise à jour le 12 avril 2023 - 10:26 - Ecrit par : Christina Diego
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Réforme des retraites : quelles conséquences pour les femmes du secteur de l’ESS ?

Faibles rémunérations des postes dans le médico-social, recours aux temps partiels pour les métiers de l’aide à la personne, peu d’années complètes cotisées par les femmes salariées de l'ESS… Les impacts de la réforme des retraites pourraient encore plus précariser leur situation au moment de partir en retraite. Explications.

Une réforme qui accentue les inégalités. Crédit : iStock
Une réforme qui accentue les inégalités. Crédit : iStock

 

Élisabeth Borne a défendu, le 10 janvier 2023, son projet de réforme des retraites en se félicitant d’avoir particulièrement pris en compte le sort des femmes. La Première ministre a mis en avant le maintien à 67 ans de l'âge plancher à partir duquel un.e salarié.e ne subirait plus de décote en cas de trimestres manquants « notamment pour les femmes », a-t-elle précisé. Sauf que dans les faits, on est loin des 64 ans comme âge de départ légal voulu par la réforme et des inégalités subsistent. Quelles répercussions pour les femmes salarié.e.s du secteur de l’ESS, notamment pour la grande majorité d'entre elles qui travaillent dans l’action sociale ? Éléments de réponse. 

 

Une réforme qui accentue les inégalités

Tout d’abord, la décision de reculer l’âge du départ à la retraite à 64 ans concernera plus de personnes et donc de femmes. Dans les faits, cette décision fait craindre une amplification des inégalités, notamment de l’écart entre les retraité.e.s ayant eu une carrière complète et celles-eux ayant une carrière entrecoupée de périodes d’inactivité, majoritairement des femmes. En effet, ces dernières ont le plus souvent des parcours professionnels interrompus, par des congés parentaux, par exemple, pour élever un enfant. Même si la Première ministre a déclaré que ces congés seraient pris en compte, cela ne concernerait que 3 000 femmes par an, un effet peu visible. 

« Toute augmentation de la durée de cotisation pèse plus fortement sur les carrières incomplètes et donc sur les femmes qui n'arrivaient déjà pas à obtenir leurs trimestres », estime la chercheuse Christiane Marty dans une tribune publiée dans Le Monde. 

Autre point, le taux de pauvreté des femmes retraitées est plus élevé que celui des hommes (10,4 % contre 8,5 %), un écart qui a tendance à se creuser depuis 2012, notait le rapport 2022 du Conseil d’orientation des retraites (COR).  

Les deux points principaux prévus par la réforme des retraites pour obtenir une retraite à taux plein :

– L’augmentation progressive, dès le 1er septembre 2023, de l’âge légal de départ à la retraite, soit une augmentation de trois mois par an. L’âge légal de départ à la retraite devrait alors passer progressivement de 62 ans à 64 ans. Il serait de 63 ans et 3 mois en 2027, puis de 64 ans en 2030.

 

– L’allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. Cette durée est fixée actuellement à 42 ans, soit 168 trimestres. Elle devra augmenter progressivement pour atteindre 43 ans, soit 172 trimestres, en 2027. Ce changement avait déjà été entériné par la loi Touraine, en 2014, mais il devait être effectif seulement à partir de 2035. Élisabeth Borne propose donc d'accélérer et d’avancer cette date de 8 ans.

 

 

Les salariées de l’ESS fortement impactées

 

Dans le secteur de l’ESS, la situation des femmes salariées de l’aide à la personne et de l'action sociale est au cœur des points de bascule du projet. Faibles rémunérations dans le médico-social, majorité de temps partiels pour les métiers de l’aide à la personne, peu d’années complètes cotisées par les salariées du secteur... Les chiffres sont encore plus parlants par classe d’âge et secteur. Benjamin Roger, responsable de l’Observatoire national de l’ESS, précise que « si on regarde les projections de départ à la retraite pour les salariées dans l’action sociale, 20 % ont plus de 55 ans, ce qui représente environ 200 000 emplois qui partiront à la retraite d’ici à 2026. »

Le fait de reculer l'âge légal de départ à la retraite suppose de faire travailler les seniors plus longtemps, catégorie qui connaît un taux de chômage de 12 % (INSEE). Benjamin Roger précise à ce sujet que « Le renforcement du mécénat de compétences est une réponse parmi d’autres pour capitaliser sur les compétences des seniors en emploi» 

Une question demeure, celle de la pénibilité inhérente au travail des secteurs de l’aide sociale, totalement occultée. Des études démontrent que la santé au travail du secteur associatif se dégrade. La CRESS Bretagne a publié en 2016 des chiffres alarmants pour le secteur sanitaire et médico-social.  « On y observe des fréquences d’accidents du travail et de trajet supérieures au reste de l’économie privée, respectivement +20 % et +43 % » et « 73 % des incidents observés en 2016 (accidents du travail, de trajets et maladies professionnelles) concernent des femmes », décrit le rapport. Qu'en est-il pour ces salariées ? Comment vivent-elles cette réforme ? 

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« Triple peine » pour les femmes salariées du médico-social

 

« C’est la double voire la triple peine », déclare d’emblée Lyse Peyrouset, directrice de l’ADMR des Dolmens à Janzé (35). L’impact de la réforme risque d’être très conséquent pour ces salariées concernées par un allongement de la durée de travail. « Elles vivent très mal ce projet ». 

Autre facteur, leur état de santé. « Nos salariées nous disent qu’elles ne pourront pas faire leur travail dans un bon état de santé très longtemps. » La directrice de structure doit déjà réfléchir aux alternatives pour combler les arrêts maladie et éviter les licenciements pour inaptitude en fin de carrière. « Nous avons réfléchi depuis deux ans à proposer systématiquement la retraite progressive à nos salariées afin qu’elles puissent rester en emploi le plus longtemps possible », précise-t-elle. 

 

Pour l’heure, même si la réforme est très impopulaire parmi ses salarié.e.s, peu se mobiliseront. « Le secteur de l’ADMR est très difficilement mobilisable pour faire grève, car les personnes dépendantes sont âgées et les salariées ont des scrupules à ne pas les assister ne serait-ce qu’une journée ». Même si les salariées ne peuvent pas se passer d'une journée de salaire pour faire grève, « de fortes inquiétudes sont de toutes les discussions », détaille Lyse Peyrouset.

Tous les regards sont tournés vers la suite du mouvement anti-réforme des retraites entamé jeudi 19 janvier. L’IFOP a publié un sondage, vendredi 20 janvier, sur le regard des Français sur la réforme. Ils seraient de plus en plus hostiles au projet du gouvernement, avec 72 % qui se déclarent défavorables aujourd’hui contre 68 % les 11 et 12 janvier, soit + 4 points en une semaine. 

 

 

Christina Diego 

 

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