Stéphane Vatinel, président de Sinny&Ooko : pourquoi faut-il essaimer les tiers-lieux ?
Stéphane Vatinel défend le modèle des tiers-lieux comme des espaces conviviaux facilitant des échanges d’idées sur l’écologie. Au micro du douzième épisode de la saison 7 de Changer La Norme, il raconte l’histoire de Sinny&Ooko, son modèle économique et sa vision de l’ESS.
Dans les années 1980, le sociologue étasunien Ray Oldenburg définit le concept de tiers-lieux : les personnes qui s’y rendent intentionnellement n’y habitent pas et n’y travaillent pas. Elles y réalisent d’autres activités parmi un « millefeuille » de possibilités. Ce faisant, elles rencontrent d’autres personnes qu’elles n’auraient pas nécessairement croisées dans d’autres contextes.
C’est Stéphane Vatinel qui rappelle cette définition. Il a fondé et préside Sinny&Ooko, une société qui possède six tiers-lieux en France. L’entreprise agit dans un objectif « clair » : multiplier leur nombre, dans toutes les communes de France.
Des lieux éco-culturels
Sinny&Ooko naît de deux lieux dédiés à la programmation culturelle : GlazArt et le Divan du Monde. Au bout de quelques années, les amis fondateurs décident d’en créer d’autres, dédiés à l’écologie. À ce moment-là, « On repart de zéro », se souvient Stéphane Vatinel.
Ils conçoivent d’abord Le Comptoir Général, un ancien centre d’aide par le travail (CAT). En raison de contraintes liées à l’espace, des concerts, expositions ou pièces de théâtres ne peuvent pas s’y dérouler. Son propriétaire souhaite y proposer une programmation relative à l’écologie et à la dénonciation de la « Françafrique. » Il fait alors appel aux quatre fondateurs de Sinny&Ooko.
Ces derniers poursuivent leur aventure en ouvrant La Recyclerie, dans le nord de Paris, une ancienne gare achetée grâce à un « montage scabreux. » D’autres lieux suivront. Aujourd’hui, Sinny&Ooko emploie 280 salariés. Le modèle économique repose essentiellement sur la vente de nourriture et de boissons dans les tiers-lieux, mais aussi sur des partenariats avec des entreprises passés par un « tamis » éthique. Si la participation de celles-ci au financement est minoritaire, elle n’en reste pas moins contestée. Stéphane Vatinel réfute les critiques et « revendique » notamment le partenariat de La Recyclerie et Veolia.
Un public de « bobos » ?
Au Comptoir Général, l’équipe de Sinny&Ooko rencontre un public intéressé par l’écologie qu’elle n’avait « jamais vu dans les lieux de culture. » Ce public est divers : un million de visiteurs se rendent chaque année dans les différents espaces de Sinny&Ooko, parfois situés dans des territoires à revitaliser. Le jour de l’ouverture de la Recyclerie, « un raz-de-marée de personnes » arrive avec intérêt dans le quartier alors « très largement abandonné. » La Cité Fertile, à Pantin, revitalise un ancien « coupe-gorge » dans lequel « personne n’allait jamais. »
Le succès s’accompagne parfois de méfiance. Ces lieux seraient-ils des endroits destinés aux bobos ? Stéphane Vatinel réfute cette critique et s’interroge sur ce mot qu’il considère « auto-flagellant. » Pour lui, les personnes rencontrées dans les lieux, sont ni « immensément riches », ni « immensément pauvres », elles viennent de tous horizons.
Leur point commun est surtout d’être « très souvent engagés » et de vouloir proposer un autre mode de vie « heureux, en étant un peu décroissant et moins consommateur. »
Économie « environnementale », sociale et solidaire
En effet, aux yeux de Stéphane Vatinel, les tiers-lieux font d’abord office d’outils efficaces pour susciter des discussions autour de l’écologie. La question se trouve au cœur de son action : « il ne pourra pas y avoir d’économie sociale et solidaire sans avoir un vrai prisme écologique et environnemental », déclare celui qui « milite » pour ajouter un à E à ESS pour économie environnementale, sociale et solidaire.
Les tiers-lieux nourrissent la vie des idées liées à l’écologie tout en permettant de « ré-irriguer des territoires qui sont abandonnés » en soutenant les économies locales. Dans le monde rêvé de Stéphane Vatinel « chaque commune mérite » de profiter de ces bénéfices en disposant d’un ou plusieurs tiers-lieux. C’est pour cela qu’au-delà de ses propres espaces, Sinny&Ooko forme et incube désormais des porteurs de projets qui voudraient s’inspirer du modèle dans un « campus des tiers-lieux ».
Quelles rencontres amènent Stéphane Vatinel et ses amis à se lancer et fonder Sinny&Ooko ? Comment est-il « reparti de zéro » pour fonder la société ? Comment déployer une offre de tiers-lieux partout en France ?
L’invité revient sur son parcours et l’histoire de Sinny&Ooko (2’45), le modèle économique et le fonctionnement de l’entreprise (12’07) puis donne sa vision de l’économie sociale et solidaire et du modèle des tiers-lieux (18’27).