Unoc : les ONG demandent davantage d’engagement pour l’océan
Haute mer, aires marines protégées, exploitation minière des grands fonds marins… Alors que la Conférence des Nations Unies sur l’océan s’est achevée vendredi 13 juin, les ONG saluent quelques avancées, mais soulignent de nombreux chantiers persistants pour permettre une véritable protection de l’océan.

La Conférence des Nations Unies sur l’océan (Unoc) s’est achevée vendredi 13 juin à Nice. Durant cinq jours, elle a rassemblé 175 pays, plus de 60 chefs d’État et de gouvernements, 115 ministres et 12 000 délégués.
« C’est un grand succès », se réjouit Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Océan, face à l’intérêt et l’affluence suscités par l’Unoc. « Une dynamique est née, réelle, puissante mais encore insuffisante », souligne de son côté la Fondation de la mer. « Des pays insulaires comme Palau ont pu faire entendre une voix différente, celle des territoires directement menacés par la montée des eaux et la dégradation des écosystèmes marins », pointe également Greenpeace France, soulignant « des avancées pour l’océan mais des combats à continuer ».
50 ratifications du traité international sur la haute mer : une avancée saluée
Parmi les avancées saluées par les ONG, se trouve notamment l’augmentation de 29 à 50 ratifications du traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ), annoncée en ouverture du sommet. « Une belle surprise », estime André Abreu, directeur des politiques internationales de la fondation Tara. « La dynamique est là », relève Greenpeace.
Grâce aux promesses formulées par plusieurs autres États, les organisations espèrent la réunion des 60 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur du texte pour l’Assemblée générale des Nations Unies au mois de septembre. « Cela permettrait au traité d’entrer en vigueur en janvier 2026, avec la mise en place d’une première Cop entre septembre et octobre de l’année prochaine, ainsi que d’un secrétariat et d’un conseil scientifique », explique André Abreu, soulignant les efforts déployés par la diplomatie française pour accélérer le processus de ratification.
Adopté le 20 septembre 2023, le traité sur la haute mer vise à protéger la biodiversité et les ressources marines au-delà des zones économiques exclusives des États. Un espace marin encore peu protégé, malgré son étendue : il représente 50 % de la surface de la planète et 64 % de l’océan.
Au niveau national, nous n’avons pas encore compris comment protéger nos écosystèmes." Romain Troublé
Aires marines protégés : la position française provoque la déception
Concernant la protection des ressources au sein des aires marines protégées, la fondation Tara souligne également « de belles annonces » d’un point de vue international. L’objectif de protection de 30 % des zones marines et terrestres en 2030, fixé en 2022 lors de la Cop 15 de la Convention pour la diversité biologique, s’est rapproché grâce aux annonces de 14 pays dont la Colombie, le Royaume-Uni, le Portugal et la Grèce. De 8,4 % avant le sommet, la protection officielle de l’océan est passée à 11 %.
Les annonces du gouvernement français relatives au territoire national ont en revanche fortement déçu. « Au niveau national, nous n’avons pas encore compris comment protéger nos écosystèmes alors qu’ils vont prendre de plein fouet le changement climatique », alerte Romain Troublé. « Aucune annonce concrète n’a été faite sur la protection des aires marines protégées françaises », déplore Greenpeace France, soulignant « un angle mort inquiétant, alors même que la Méditerranée est l’une des mers les plus abîmées au monde ».
La raison de ces déceptions : la déclaration d’Emmanuel Macron, annonçant l’interdiction du chalutage de fond dans 4 % des eaux françaises hexagonales contre 0,1 % auparavant. Elle est jugée insuffisante, voire mensongère. « Les zones où le gouvernement français parle d’exclure le chalutage de fond ne sont pas chalutées ou pas chalutables », soutient Greenpeace France. Après les annonces d’Emmanuel Macron, l’association Bloom a annoncé attaquer l’État en justice, demandant à ce que ce dernier « répare et fasse cesser les dommages liés au chalutage ».
« Il y a besoin de plus de dialogue avec le monde de la pêche. Le chemin va être long mais il doit être exigeant », soutient Romain Troublé.
Exploitation minière des grands fonds marins : un moratoire qui peine à avancer
Autre sujet de déception pour les ONG, le faible soutien au moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Seuls quatre États (la Lettonie, la Slovénie, Chypre et les îles Marshall) ont rejoint les rangs de ceux opposés à une telle exploitationLes. Les États-Unis, largement absents lors du sommet, ont déjà fait part de leur soutien à un projet d’exploitation.
« Nous avons encore un espoir d’arriver à une centaine de soutiens pour ce moratoire en Jamaïque », défend cependant la fondation Tara. La la prochaine réunion de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se déroulera dans ce pays en juillet prochain. « Ce sera un moment crucial pour empêcher le démarrage d’une industrie aux conséquences irréversibles », alerte également Greenpeace France.
L’ambassadeur français chargé des pôles et des affaires maritimes Olivier Poivre d’Arvor se montre quant à lui rassurant, malgré tout. « Un code minier doit être approuvé à l’unanimité et, avec 37 pays, on va bloquer », a-t-il notamment soutenu.
Une coalition pour un principe de précaution sur l’océan
Concernant la lutte contre la pollution plastique, la fondation Tara déplore « un discours très daté » qui met en avant la gestion des déchets et le « nettoyage » des océans comme axe principal.
« La pollution plastique est beaucoup plus pernicieuse et est lié à un enjeu de pollution climatique et toxique », rappelle Henri Bourgeois Da Costa, expert de l’économie circulaire et de la pollution plastique à la fondation. Un appel pour la réduction de la production de plastique a néanmoins été lancé mardi 10 juin et signé par 95 pays, alors que les prochaines sessions de négociations sur le traité mondial contre la pollution plastique se tiendront en août.
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Des avancées sont également saluées par la fondation Tara et la Fondation de la mer concernant la lutte contre la pêche illicite, notamment grâce à la ratification de l’accord PSMA par la Chine. Celle-ci va permettrede vérifier dans les ports la légalité des captures provenant des navires chinois.
Enfin, en prévision de la prochaine conférence des Nations sur l’océan, la fondation Tara défend avec plus de cent associations un « principe de précaution », demandant une protection par défaut de l’océan. L’idée est d’empêcher une pratique risquée sur le plan environnemental pour l’océan, même en l’absence de consensus scientifique sur le sujet. Une coalition a été lancée.
Élisabeth Crépin-Leblond