Ticket for change fait entrer l'entrepreneuriat à impact dans les écoles de commerce
L’organisme dédié à l’accompagnement vers l’entrepreneuriat à impact social et environnemental Ticket for change a organisé une session de formation de deux jours au sein du campus de l’Inseec en région parisienne. Le but, promouvoir des manières d’entreprendre différentes. Reportage.

Entre les tours de la Défense, les salariés pressés des grandes entreprises prennent leur pause déjeuner sous le soleil de septembre. Dans l’une d’entre elles, des étudiants du cursus BBA Inseec, une école de commerce postbac, font leur rentrée en première année. À cette occasion, Ticket for change, une école « nouvelle génération » dédiée à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux par le travail, anime une session consacrée à l’entrepreneuriat à impact.
Durant deux journées, qui lancent un travail de plusieurs mois encadré ensuite par les professeurs de l’école, les formatrices enseignent aux étudiants une méthodologie pour monter un projet à impact social et environnemental. Ces derniers doivent repérer en groupe un problème de société et essayer de proposer une solution à travers un projet de création d’entreprise.
Après une journée de formation et le témoignage d’un entrepreneur accompagné par Ticket for change, les élèves « pitchent » le problème qu’ils ont choisi devant l’ensemble de leur promotion. Ce jour-là, les inégalités de genre côtoient le « beauty privilege », la dépendance au numérique, la situation des très jeunes parents, la surpêche de la petite côte de Dakar, le chômage des personnes peu qualifiées et la pollution des mers et des océans.
« Il s’agit de remettre les enjeux de société au cœur », explique Juliette François qui anime la session. Le but poursuivi par Ticket for change dans ces formations est de redéfinir la manière d’entreprendre, explique-t-elle, pour répondre à des besoins réels et accélérer la transition écologique et sociale.

Le défi, sensibiliser des étudiants peu concernés
La session se poursuit par une phase d’exercice pour libérer sa créativité. « Si vous aviez un pouvoir politique, qu’est-ce que vous feriez ? Si vous lanciez un média ? Une application ? Si vous deviez parler à une enfant ? », lance la formatrice aux 36 étudiants qui doivent noter les idées qui leur passent par la tête sur une feuille de papier, dans un temps imparti.
Fraîchement diplômés du baccalauréat, la grande majorité des étudiants présents dans la salle ne portent pas de projet professionnel en lien avec l’entrepreneuriat à impact social et environnemental. La plupart ne connaissait d’ailleurs pas le terme avant la veille. « Ils ne sont pas tous sensibilisés », appuie Juliette François, qui y voit une source supplémentaire de motivation.
C’est contemporain, cela entre dans les aspirations de la société
Si les ambitions de ces futurs diplômés sont autres, la session dispensée par Ticket for change interpelle tout de même certains d’entre eux.
« C’est contemporain, cela entre dans les aspirations de la société », met en avant Ansha Maria, une étudiante de 18 ans qui prévoit de reprendre une entreprise dans le BTP et l’import/export. Son groupe de travail se penche sur la difficulté rencontrée par les personnes moins qualifiées pour trouver un emploi. Lors de la présentation des solutions imaginées, à la fin des deux journées, ils défendent une cabine multilingue installée dans les villes pour permettre aux demandeurs d’emploi de consulter des offres et de postuler.
Adga Mbow, quant à elle, souhaite devenir entrepreneuse, dans le domaine de la mode et des cosmétiques. La session éveille l’intérêt de l’étudiante de 18 ans. « Je trouve cela important d’ajouter un impact social à un projet d’entreprise », juge-t-elle, confiant avoir appris « beaucoup de choses intéressantes » durant ces deux jours, notamment la méthode de la communication non violente.
« C’est inspirant de voir des gens faire ça. Je trouve cela important de travailler pour une entreprise qui a un vrai impact », ajoute Romane-Sarah. Son groupe a choisi de travailler sur le soutien aux très jeunes parents, un thème qui la touche personnellement. Leur solution, un kit constitué de cartes informatives accompagné de l'essentiel à destination d'un nouveau-né.

Un changement dans les écoles de commerce ?
À l’Inseec, le « défi créa », à l’issue duquel les étudiants de première année présentent un projet d’entreprise, n’a pas toujours été consacré à l’entrepreneuriat à impact social ou environnemental. Auparavant les étudiants tiraient au sort entre six univers proposés, dont celui de la RSE. « C’est dans l’air du temps », met en avant Nicolas Longo, intervenant extérieur et codirecteur du « défi créa » pour justifier ce changement. « 40 % des étudiants qui sortent de l’école disent qu’ils veulent être entrepreneurs. Autant bien les orienter pour qu’ils aient un impact positif », argumente-t-il.
La session animée par Ticket for change accompagne le programme d’action citoyenne de terrain (Pact), déployé dans les écoles du groupe Omnes auquel appartient l’Inseec. Résultant d’un partenariat avec le groupe SOS, le dispositif vise à favoriser l’engagement des étudiants en leur permettant de réaliser des missions bénévoles auprès d’associations ou des missions d’innovation sociale ou environnementales au sein de structures. Ils sont également encouragés à participer à des conférences ou des rencontres métiers avec des intervenants actifs dans le champ de l’ESS et de la RSE.
« Il y a une différence entre faire mieux ce que l'on fait déjà et avoir une mission sociale au cœur dès le départ »
« Cela vise à insérer les étudiants dans un réseau », met en avant Maroua Ben Maaouia, professeure permanente à l’Inseec. Une vision partagée par Nicolas Longo qui juge la connaissance de la RSE comme un élément important pour les futurs professionnels. « Il ne s’agit pas de former des personnes déconnectées de l’environnement dans lequel ils vont évoluer », défend-t-il.
« Les écoles de commerce sont en train de changer », assure ce professeur en négociations commerciales. Pour lui, ces sessions sont l’occasion de montrer « que l’on peut continuer à faire du business tout en étant conscient de son empreinte sociétale ». « C’est intéressant de leur montrer qu’on peut être acteur », ajoute-t-il.
Un discours qui diverge un peu de celui de Ticket for change. « Il y a une différence entre faire mieux ce que l'on fait déjà et avoir une mission sociale au cœur dès le départ », nuance ainsi Juliette François. Pour instiller un esprit de changement dans la posture entrepreneuriale enseignée et placer les questions sociales et environnementales dans les formations,Ticket for change propose de former les professeurs à leurs ateliers. « Le but est que l’enseignement de l’entrepreneuriat social et environnemental devienne la norme pour tous les étudiants », défend-elle.
Élisabeth Crépin-Leblond