Traité sur la pollution plastique : des négociations décevantes
La 3e session de négociations sur un futur traité international sur la pollution plastique a été peu concluante, et n’a pas permis d’aboutir aux avancées espérées par les ONG et par certains États, dont la France.
C’est une immense déception pour les ONG environnementales. Alors que la troisième session de négociations sur un possible traité international sur la pollution plastique s’est tenue toute la semaine dernière au Kenya, les discussions n’ont pas abouti à grand-chose.
175 États étaient en effet réunis à Nairobi, au siège du Programme des Nations-unies pour l’environnement (PNUE), pour essayer de trouver un terrain d’entente sur ce projet de traité. Parmi eux, une soixantaine de pays, emmenés par le Rwanda et la Norvège, sont membres de la « coalition pour une haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique », dont la France et l’Union européenne. Préalablement au sommet, ils avaient exprimé leurs inquiétudes face à l’aggravation de la pollution plastique et avaient appelé à « des dispositions contraignantes dans le traité pour restreindre et réduire la consommation et la production » de plastique.
Ces pays souhaitaient que les discussions débouchent sur un nouveau mandat donné au président des négociations pour rédiger une première version formelle du traité, après la version « zero draft » qui a servi à préparer le sommet.
Aucune disposition contraignante sur la pollution plastique
En réalité, aucune disposition contraignante n’a été décidée en matière de pollution plastique et le sommet ne débouchera pas sur une première version du futur traité. Les délégués se sont simplement accordés pour que le président et le secrétariat des négociations mettent à jour la version « zero draft » du traité, qui ne fait que résumer toutes les options possibles pour faire face aux enjeux de la pollution plastique.
L’autre souhait de la coalition pour une haute ambition était que les travaux se poursuivent en intersession d’ici à la prochaine session de négociations, prévue à Ottawa, du 21 au 30 avril 2024, afin de progresser dans les discussions. Mais face aux divergences des négociateurs, les modalités des travaux d’intersession n’ont pas pu être définies.
« À un an du texte final, cette session ne rassure pas sur l’ambition et l’efficacité du traité », a réagi l’ONG No plastic in my sea. D’autant que, face à la coalition pour une haute ambition, une autre coalition « pour la durabilité des plastiques » s’est formée le 11 novembre dernier, réunissant notamment l’Iran, l’Arabie saoudite, la Fédération de Russie, la Chine et Cuba, tous défenseurs de l’industrie pétrochimique qui produit les plastiques.
Des stratégies d’obstruction de la part de certains pays
Ces pays ont été accusés par les ONG de défense de l’environnement d’avoir fait de « l’obstruction » lors des négociations. « Sans surprise, certains pays bloquent les avancées, jouant de manœuvres procédurales », a ainsi assuré à l’AFP Carroll Muffett, directeur du Center for international environmental law (Ciel).
Les ONG Surfrider Foundation et Zero Waste France estiment de même que les intérêts pétrochimiques « compromettent » les négociations. No plastic in my sea souligne que 143 lobbyistes de l’industrie chimique et des énergies fossiles étaient inscrits aux négociations, contre 38 représentants de la coalition des scientifiques pour un traité plastique efficace.
Les enjeux sont pourtant immenses. La production annuelle de plastique a plus que doublé en vingt ans, pour atteindre 460 millions de tonnes, et pourrait tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or la plupart des plastiques sont à usage unique et peu d’entre eux (9 %) sont recyclés. Le plastique représente par ailleurs 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2019, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060, selon l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE).
Un signal d’alarme pour la suite
« Nous devons trouver un moyen d’aller de l’avant sans que les producteurs de pétrole et de gaz ne dictent les conditions de notre survie », estime Graham Forbes, porte-parole de Greenpeace États-Unis, cité par AEF Info. « L’échec de cette session doit être un signal d’alarme pour les gouvernements […]. Lorsque les négociations reprendront au Canada en avril 2024, ils devront être prêts à faire preuve d’un niveau de courage et de leadership encore jamais vu. »
L’échec de ces négociations constitue en tout cas un signal plutôt négatif à quelques jours du coup d’envoi de la Cop 28, qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre prochains.
Camille Dorival