Vers une société de l’engagement en 2040 ?
Dans un travail de prospective participatif mené pendant deux ans, La Fonda a identifié quatre scénarios possibles sur la manière dont les individus et organisations s’engageront en 2040. Elle en retire un « futur souhaitable », celui d’une « société de l’engagement », que les différents acteurs engagés peuvent contribuer à faire advenir.

De quelle manière nous engagerons-nous à l’horizon 2040 ? C’est la question que s’est posée la Fonda, dans un exercice de prospective participatif inédit. Le think tank spécialisé sur les associations a en effet associé à ses travaux près de 70 experts et chercheurs, mais aussi des militants associatifs et partenaires qui ont participé à plusieurs journées d’études et séminaires de travail pendant deux ans. La démarche a abouti à la production d’un ouvrage, Vers une société de l’engagement ? Futurs possibles à horizon 2040, qui en livre les conclusions.
De multiples façons de s’engager
La démarche de la Fonda a d’abord consisté à définir ce qu’est l’engagement. Pour le think tank, « il ne se limite pas au bénévolat » au sein des associations. Il existe « une diversité de façons de s’engager, dont l’entraide, le don, la philanthropie, le vote, le mécénat de compétence, le syndicalisme, le militantisme, la manifestation (…) ». Ainsi on peut s’engager auprès d’acteurs de la société civile (associations, syndicats, partis politiques…), mais aussi au sein d’entreprises (mécénat de compétences…), ou en lien avec les institutions publiques (vote, candidature à des élections…).
On peut aussi s’engager de manière moins visible et moins conscientisée, auprès de sa famille, de ses amis, de son voisinage (entraide, pétition, projet collectif, etc.). « Ces réseaux de proximité créent (…) un réseau de solidarité dans les territoires et permettent à leurs habitants de construire dès aujourd’hui des lendemains qui chantent », souligne la Fonda à propos de ces formes d’engagement souvent invisibilisées.
62 % des Français s’estiment engagés
Selon une étude de 2021 de la Fondation Jean Jaurès, 82 % des Français voient l’engagement comme quelque chose de positif. La même année, 62 % des Français s’estimaient eux-mêmes engagés, même si l’intensité de leur engagement varie : ainsi 54 % des Français déclaraient alors signer une pétition souvent ou de temps en temps, 52 % faire un don à une association souvent ou de temps en temps, 9 % être membres d’une association et 2 % d’un parti politique, selon les données des chercheuses Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic (Les Français sur le fil de l’engagement, éd. de L’Aube, 2022).
On s’engage évidemment différemment selon son âge, son milieu social, ses convictions religieuses, ou encore en fonction de son parcours de vie ou du contexte socio-économique.
Quatre scénarios pour 2040
Et en 2040, qu’en sera-t-il ? Sur la base des travaux de prospective menés pendant deux ans et avec l’aide de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles, la Fonda a élaboré quatre scénarios possibles. « Ces scénarios n’ont pas de valeur prédictive, prévient Hannah Olivetti, cheffe de projet prospective du think tank. Il s’agit de quatre futurs possibles, quatre scénarios schématiques, qui ont vocation à susciter la discussion, pour nous demander quel avenir nous souhaitons faire advenir. »
- Dans le premier, intitulé « scénario de la société des engagements pluriels », l’engagement a une place centrale dans le fonctionnement de la société de 2040. Il devient un élément de plus en plus structurant de la réalisation de soi, si bien qu’un nombre croissant d’individus s’engagent, en fonction de leurs aspirations propres, dans la continuité des dynamiques actuelles. Cela contribue à réduire les fractures sociales et les discriminations et permet de mobiliser les citoyens sur des progrès sociaux et écologiques. Les associations, l’État mais aussi les entreprises jouent sur le désir d’engagement. Ils sont dans une lutte d’influence les uns par rapport aux autres pour capter les ressources de l’engagement. Toutefois, la multiplication des engagements risque d’épuiser à la fois les individus et les organisations.
- Dans le deuxième scénario, celui « de la société de l’engagement administré », les besoins sociaux s’accroissent mais les capacités d’action directe de l’État se réduisent. Si bien que celui-ci organise la prise en charge des besoins par la société civile, en s’affirmant comme le « chef d’orchestre » de l’engagement. L’engagement, obligatoire et encadré, opéré par les acteurs de la société civile, devient un devoir civique et un élément central du fonctionnement de la société. Il complète les services publics puis finit par s’y substituer. Dans ce scénario, le risque d’une instrumentalisation des acteurs de la société civile et de restriction des libertés associatives est souligné.
- Dans le troisième scénario, celui « de la société des engagements identitaires », les individus s’engagent toujours davantage en fonction de leur identité ou ce qu’ils considèrent comme tel. La société se structure de plus en plus autour de communautés, qui sont plus ou moins fermées sur elles-mêmes et plus ou moins exclusives. Les solidarités sont fortes au sein des communautés ; en revanche les méfiances réciproques entre individus issus de communautés différentes s’accroissent. La société se polarise et se fragmente.
- Dans le dernier scénario, celui « de la société de l’engagement auto-organisé », les besoins sociaux s’accroissent et les services publics ne sont plus capables d’y répondre. Face à cela, des collectifs de citoyens, structurés ou non en associations, prennent en charge des pans de plus en plus grands de la vie collective (éducation, services sociaux, santé...), tandis que l’État se replie sur ses fonctions régaliennes (sécurité, justice…). L’État abandonne donc son rôle de protection et « sous-traite » l’engagement aux acteurs de la société civile.
La « société de l’engagement », un futur souhaitable ?
À partir de l’analyse de ces quatre scénarios, la Fonda esquisse un « futur souhaitable » : celui d’une « société de l’engagement », dans laquelle l’État est le garant de la conservation des ressources communes (naturelles, immatérielles ou matérielles). À ce titre, il crée un cadre juridique qui facilite et protège l’engagement des individus, regroupés autour de causes par des réseaux virtuels, financés et animés par la philanthropie. Les initiatives d’entraide et de coopération se développent. L’engagement est reconnu et valorisé.
Le think tank rappelle que les acteurs de l’engagement ont des marges de manœuvres pour agir d’ici 2040 et influencer le futur, notamment en contribuant à développer une « culture de l’engagement » dès le plus jeune âge.
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Camille Dorival