Le mécénat de compétences de fin de carrière, un « nouvel élan de vie » pour les seniors ?
Le mécénat de compétences des seniors permet à des salariés en fin de carrière de réaliser des missions auprès d’organismes d’intérêt général, tout en continuant à être rémunérés par leur employeur. Un mécanisme de RSE qui permet d’adapter le passage du monde du travail à la retraite, défend l’entreprise Koeo.

Adapter la fin de carrière des salariés en mettant leurs compétences au service de l’intérêt général ? L’idée était au cœur de discussions matinales organisées jeudi 30 janvier à la Cité de refuge de l’Armée du Salut à Paris, dont l’objet portait sur le mécénat de compétences des seniors.
Le mécénat de compétence est un mécanisme de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), « qui consiste en un bénévolat réalisé pendant le temps de travail », résume Jean-Michel Pasquier, fondateur de l’entreprise Koeo, organisatrice de l’évènement.
Encadré par la loi Aillagon de 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, il permet à une entreprise de mettre à disposition des salariés au profit d’un organisme éligible au mécénat, par exemple une association ou une collectivité locale, pour la réalisation d’une mission d’une durée plus ou moins longue. Il repose sur le volontariat des salariés et peut être décliné sous différentes modalités : en temps plein ou partiel, en présentiel ou en télétravail.
Une passerelle entre le monde du travail et la retraite
L’accompagnement vers la mise en œuvre de ce dispositif est au cœur de l’entreprise Koeo, depuis sa création en 2009. Chaque année, l’entreprise agréée entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) coache une centaine de seniors, parmi les salariés répartis en France qui souhaitent l’adopter.
« Nous nous sommes aperçus très tôt que qu’il y avait une appétence de la part des travailleurs seniors. Le mécénat de compétences est vu comme un rebond de carrière ou de vie », met en avant le fondateur de la plateforme.
À l’échelle de toutes les populations, le mécanisme a pourtant connu une baisse, passant d’une pratique réalisée par 21 % des entreprises mécènes en 2019 à 15 % en 2021, avant de se stabiliser, rapportent les baromètres Admical sur le mécénat d’entreprises de ces dernières années. Selon l’édition publiée fin 2024, 16 % des entreprises mécènes proposent aujourd’hui du mécénat de compétences. 20 % le placent également dans leurs deux priorités dans les deux ans à venir.
Mais, dans un contexte post-réforme des retraites, marqué par des départs des salariés de plus en plus tardifs, le mécénat de compétence des seniors peut répondre au besoin croissant des entreprises d’être accompagnées dans l’élaboration de leurs plans de transitions des salariés vers la retraite, argumente Koeo.
Le dispositif, qui permet de maintenir le contrat de travail et donc les cotisations pour la retraite, est mis en place pour une durée de 6 à 36 mois via une convention tripartite entre l’entreprise, le salarié et l’organisme éligible au mécénat.
« Il peut apporter une réponse à un moment où le salarié commence à être fatigué de son poste et souhaite créer une passerelle entre le monde du travail et celui de la retraite », détaille Jean-Michel Pasquier.
Des missions personnalisées au projet des seniors
« Plus ça allait, plus je trouvais mon activité pesante. J’avais besoin de passer à quelque chose de radicalement différent et d’évacuer de la charge mentale », témoigne ainsi Yves Morin, salarié chez Allianz et désormais en mission de mécénat de compétences au sein du Cercle nautique de France, un club d’aviron basé en Île-de-France. Le salarié y réalise des missions représentant 60 % de son ancien temps de travail, rémunérées à 90 % de son salaire et lui permettant de cotiser à 100 % pour sa retraite.
Le choix de la structure d’accueil de ses missions lui a été laissé complétement libre et répond à une de ses passions de longue date. Un critère d’adhésion important pour que le dispositif voit le jour, estiment aussi bien Stéphanie Morzynski, en charge des ressources humaines chez Allianz, que les membres de Koeo.
Dans ses accompagnements auprès des salariés sur une durée de trois mois au maximum, et dont le but est de trouver une mission de mécénat de compétences adaptée, Koeo défend une construction du dispositif fondée sur un projet global de vie des seniors. Cela permet notamment de garder potentiellement un lien avec l’organisme accueillant après le passage à la retraite, via le bénévolat.
« Il est important de border un maximum la mission par des pré-immersions et par des échanges », ajoute le fondateur de la plateforme. « Tout part du vécu du collaborateur », abonde en ce sens Gilles Meyer, coach au sein de la structure.
Au point de créer, parfois, des ruptures avec les missions attendues ? « Beaucoup d’associations demandent au départ des missions copiés-collés à celles réalisées en entreprise. Mais souvent, les seniors demandent des mission hybrides. Ils ont aussi envie de mettre les mains dans le cambouis », décrit Gilles Meyer.
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Un modèle d’avenir ?
Pouvant être réalisé dans des structures portant toutes sortes de causes, le mécénat de compétences des seniors est destiné à prendre de l’ampleur dans les années qui viennent, estime quant à elle Aurélie Soria, consultante retraite au sein du cabinet Mercer.
« Le mécanisme remplit tous les objectifs potentiels des mesures de transition emploi-retraites », met-t-elle en avant. La consultante pointe également du doigt l’accord national interprofessionnel sur l’emploi des seniors signé en novembre 2024, qui prévoit de faciliter les aménagements de fin de carrière, et le conclave sur les retraites prévu jusqu’à fin mai. Pour les entreprises, le mécénat de compétences s’accompagne enfin de réductions fiscales potentiellement avantageuses, souligne-t-elle.
Élisabeth Crépin-Leblond