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Par Carenews INFO - Publié le 2 décembre 2025 - 17:56 - Mise à jour le 2 décembre 2025 - 18:20 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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1 300 projets arrêtés et 10 000 emplois supprimés dans la solidarité internationale, calcule Coordination Sud

Le réseau d’organisations de solidarité internationale Coordination Sud a réalisé une étude avec CartONG, évaluant les effets des réductions de l’aide publique au développement (APD) sur les associations et sur leurs bénéficiaires. Les auteurs de l’étude estiment à 1 282 le nombre de projets humanitaires revues à la baisse ou arrêtés, dans 79 pays différents.

 Les fermetures de programmes ont contraint les associations françaises à mettre fin à leurs présences dans 23 pays. Crédit : iStock / Arkadiusz Warguła
Les fermetures de programmes ont contraint les associations françaises à mettre fin à leurs présences dans 23 pays. Crédit : iStock / Arkadiusz Warguła

 

1 282 projets revus à la baisse ou arrêtés, 15,2 millions de personnes impactées, voyant leurs conditions de vie se détériorer, et 10 000 emplois perdus : telles sont les conséquences de la baisse des financements qui touchent le secteur de la solidarité internationale, estime Coordination Sud, dans une étude réalisée avec CartONG auprès d’un échantillon représentatif de 62 organisations françaises, et soutenue financièrement par l’Agence française de développement. 

« Depuis 2024, la baisse des financements a touché 94 % des ONG françaises, entraînant des réductions d’activités, l’arrêt de certains projets et la suppression d’emplois en France et à l’international », analyse l’organisation de coordination des associations françaises de solidarité internationale.  

  

Une baisse drastique de l’aide publique au développement 

  

Depuis 2023, le budget français consacré à l’aide publique au développement a connu une série de réductions importantes. Après une coupe de 740 millions d’euros en février 2024, la loi de finances 2025 puis un décret au mois d’avril ont acté une réduction des moyens alloués au secteur de 2,3 milliards d’euros. Un mouvement qui ne devrait pas s’arrêter puisque le projet de loi de finances 2026 prévoit une nouvelle baisse de 700 millions d’euros du budget de l’aide au développement, ce qui conduirait en tout à une baisse de 50 % par rapport à 2024.  

« En France, les coupes dans le budget de l’aide publique au développement cumulés sur les années 2023 à 2025 s’élèvent à un total de 4 milliards d’euros », calculent Coordination Sud et CartONG. Or, une partie de ces financements permet à des associations de solidarité internationale de mettre en place des projets humanitaires et de développement, rappellent les ONG. 

 


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Les financements publics français aux associations de solidarité internationale sont ainsi passés de 177 millions d’euros en 2024, à 82 millions d’euros en 2025, indique l’étude. Des réductions budgétaires provoquant des conséquences très concrètes sur les structures œuvrant dans le domaine de la solidarité internationale ainsi que sur leurs bénéficiaires.   

  

79 pays touchés par les restrictions budgétaires 

  

Au sein des 62 organisations interrogées, soit environ un tiers des membres de Coordination Sud, l’étude recense ainsi 641 projets impactés dans le monde. En 2024 et 2025, 309 projets ont été réduits, 169 ont été maintenus par un effort financier de l’organisation et 163 ont été arrêtés.  

7,6 millions de personnes bénéficiaires affectées sont également recensées, dont une majorité dans les domaines de l’hygiène et de la nutrition, de l’eau et de l’assainissement, ainsi que de la sécurité alimentaire. En tout, « 79 pays sont touchés par les réductions budgétaires imposées aux associations françaises de solidarité internationale, soit par une réduction de leurs actions, soit par un arrêt total de leurs opérations dans le pays », rapportent les auteurs de l’étude. Les fermetures de programmes ont également contraint les associations françaises à mettre fin à leurs présences dans 23 pays et donc à « se séparer de leurs équipes locales, abandonner leurs partenaires historiques et cesser des actions parfois vitales pour les populations ».  

 


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Parmi les zones géographiques impactées, se trouvent notamment l’Afghanistan, la Syrie, le Liban et Gaza. « Malgré la situation de grande fragilité de nombreux pays au Proche-Orient, les ONG françaises n’ont d’autre choix que de réduire leur présence pourtant essentielle dans le contexte d’instabilité régionale », alertent les auteurs.  

Le Soudan, le Sahel, Haïti, l’Ukraine, le Sénégal sont également concernés, tandis qu’en France, 17 associations parmi les 62 interrogées ont dû fermer ou réduire leurs activités, dans les domaines du soutien à la société civile et de l’éducation populaire. Active au Soudan, l’ONG Mercy Corps témoigne par exemple : « lorsque les financements sont brusquement interrompus par les donateurs, c'est comme si l'on coupait soudainement l'oxygène dans un hôpital. L'impact est immédiat et dévastateur : les gens commencent à mourir dès la seconde suivante, c'est dire à quel point la situation est critique ». 

  

4 938 emplois supprimés depuis 2024 comptabilisés

  

L’échantillon d’associations interrogées « représentant environ la moitié des ressources publiques obtenues par les associations de solidarité internationale française, les chiffres peuvent être raisonnablement multipliés par deux pour estimer l’impact global à l’échelle du secteur », estime Coordination Sud. 

Du côté des impacts sur les associations, les 95 millions d’euros de financements coupés par la France depuis 2024 ont entrainés des réductions d’effectifs et des difficultés financières. Parmi les associations interrogées, 27 % déclarent ainsi de sérieux problèmes de trésorerie.  

4 938 emplois supprimés depuis 2024 dans les associations sont également compatibilisés, soit l’équivalent de 19 % des effectifs totaux. 

« 10 % des ONG françaises ont déjà engagé ou vont engager un plan de sauvegarde de l’emploi concernant les effectifs de leur siège ; 23 % indiquent ne pas avoir reconduit des postes ou le prévoir ; et certaines anticipent jusqu’à 50 % de réduction d’effectifs en France de manière imminente », rapportent les auteurs de l’étude. « La baisse des subventions limite la capacité à planifier, innover et former leurs équipes, ce qui engendrera une perte de compétence considérable pour le secteur. Les coupes auront également un impact de long terme sur la vitalité du secteur et sa capacité à innover », préviennent-elles. 

  

Documenter l’impact des coupes pour nourrir le plaidoyer 

  

La situation est d’autant plus préoccupante que la baisse des financements se déploie à l’échelle mondiale. Selon une estimation du mois d’octobre 2025, l’ensemble de la baisse de l’aide publique au développement (APD) dans le monde s’élèverait en 2025 à 31,1 milliards de dollars, soit 15 % de l’APD mondiale totale, rapportent ainsi les auteurs de l’étude.  

Face à ce constat, Coordination Sud émet plusieurs recommandations. L’organisation propose ainsi de « déplacer le plaidoyer sur le terrain politique et citoyen, en démontrant la valeur économique, sociale et diplomatique de l’APD ». « Capitaliser les bonnes pratiques et nourrir un plaidoyer fondé sur des preuves est indispensable pour anticiper les crises et crédibiliser les associations de solidarité internationale dans les arènes politiques », estime-t-elle, en appuyant sur l’importance de produire des données fiables et comparables.  

 


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Les auteurs de l’étude appuient en outre sur la nécessité de développer des pratiques de coopération inter-associatives, ainsi que de renforcer l’autonomie et l’accès direct aux financements des partenaires locaux.  

 

Élisabeth Crépin-Leblond  

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