« Comment j’ai transformé mon entreprise classique en coopérative SCIC »

L’idée trottait dans la tête de Domitille Flichy depuis la création de Farinez’vous en 2009 : transformer l’entreprise « classique » en coopérative.

Lors de la création, l’entrepreneuse n’a pas forcément eu le temps de réfléchir à une telle structuration de la gouvernance. D’autant plus qu’en 2009, elle était plutôt solitaire et cela ne s’y prêtait pas forcément. La juriste de formation crée donc une SARL qui lui permet de conserver le pouvoir de décision et ainsi de développer efficacement Farinez’vous. 

Trois boulangeries et une formation

Depuis, Domitille Flichy a ouvert trois boulangeries d’insertion dans le 12e et le 13e arrondissement à Paris. Farinez'vous, agréée entreprise d’insertion, propose des CDD à des personnes débutantes éloignées de l’emploi dans des boulangeries artisanales et durables. Une formation de quatre mois a également ouvert ses portes l’année dernière.

Mais petit à petit, l’idée de la coopérative fait son chemin : « La gouvernance a toujours été un sujet pour moi, dès le début de Farinez’vous », considère Domitille Flichy. Elle estime que la coopérative lui permettrait notamment d’être plus soutenue : « Quand on monte une entreprise, on se sent très seule. La coopérative me permet d’être plus entourée ».

Pourquoi transformer une SARL en SCIC ?

C’est donc en 2019, après deux années de travail notamment juridique, que Farinez’vous devient une SCIC, société coopérative d’intérêt collectif. Il s’agit d’une forme de coopérative particulière puisqu’elle associe plusieurs catégories de sociétaires : on parle de multisociétariat. Comme dans toute coopérative, les décisions sont prises, lors des assemblées générales, selon le principe « 1 sociétaire = 1 vote ».

Petite particularité du multisociétariat : quatre collèges ont été créés avec une pondération des votes : les salariés (30 % de droit de vote), l’association Les Amis de Farinez’vous (30 %), les sympathisants (20 %) et les partenaires (20 %).  

Désormais, Farinez’vous fait partie du cercle très fermé des SARL devenue SCIC : en France, seulement une dizaine de sociétés ont fait ce cheminement. 

« Ils m’aident à prendre des décisions mûries »

Domitille Flichy, en tant que directrice, conserve des pouvoirs assez larges et prend les décisions du quotidien. Mais une telle gouvernance permet la concertation pour les grandes orientations. Par exemple, pour l’ouverture de la troisième boutique il y a quelques mois, la directrice a dû demander l’accord des sociétaires : « ils m’ont challengé sur la raison d’une telle ouverture », raconte Domitille Flichy. « Ils m’aident à prendre des décisions mûries tout en me faisant plutôt confiance ». 

Un avantage financier à ce changement

Il existe également un avantage financier. Dans une SCIC, la valeur des parts sociales est fixe. Le changement de Farinez’vous a donc permis de clarifier le positionnement des investisseurs : l'investissement d'une somme ne pourra pas conduire à une plus-value lors d'un retrait. L’entreprise d’insertion, dont la lucrativité est fortement freinée, n’a donc pas à craindre d’un changement des valeurs des parts sociales. Les investisseurs sont présents par convictions et non par recherche de rendement.

Enfin, une telle gouvernance, plus collégiale, permet de dépersonnaliser le projet : 

Peut-être qu’un jour, j’aurai envie de partir. À ce moment-là, si ma présence est trop forte, le projet peut pérécliter. L’objectif est que je devienne un échelon moins indispensable », Domitille Flichy, directrice de Farinez’vous.

Théo Nepipvoda