L’agence Lucie lance un label pour pousser les entreprises à réduire leurs impacts, à partir de la CSRD
L’agence Lucie, spécialisée sur la responsabilité sociétale des entreprises, lance un nouveau label, reposant sur les normes européennes que les entreprises vont devoir adopter dans le cadre de la corporate sustainability reporting directive (CSRD). L’idée est de faire des obligations de publication d’indicateurs prévues par ce texte un levier de leur transformation. L’Agence Lucie déploie aussi un autre label censé leur permettre d’aller plus loin.
Exiger des entreprises qu’elles rendent compte des effets de leurs activités sur les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance : c’est l'objectif d’un texte européen majeur en matière d’engagement sociétal des entreprises, la corporate sustainability reporting directive (CSRD). Les entreprises d’au moins 250 salariés devront s’interroger sur leur impact à partir de 2025. Celles de plus de 500 salariés devront le faire à partir de 2026.
La CSRD représente pour elles un chantier significatif, avec des centaines d’indicateurs à renseigner. « Transformons la contrainte en opportunité », suggère Philippe Vachet, directeur général de l’agence Lucie, spécialisée sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Celle-ci propose aux entreprises un certain nombre de labels dédiés à certifier leurs démarches RSE. À partir de la CSRD, elle en lance un nouveau, intitulé Label ESG. Son objectif : permettre aux entreprises de s’appuyer sur les données recueillies pour se conformer à la CSRD afin de progresser en matière de RSE.
Un plan de progrès requis
En effet, la CSRD est souvent présentée comme un moyen de pousser les entreprises à engager leur transformation écologique et sociale ou à la poursuivre. « La CSRD a permis un décollage de la prise en compte de la RSE dans les entreprises françaises », constate Alan Fustec, le fondateur et président de l’agence Lucie. Mais le texte pose uniquement des obligations de reporting, c’est-à-dire de publication d’indicateurs sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance, à partir de normes standardisées. Les résultats de l'entreprise en la matière ne sont pas évalués.
À l’inverse, sa performance est analysée pour qu’elle puisse obtenir le label ESG de Lucie : elle doit obtenir une note supérieure à 500 sur 1000 au terme d’un audit sur sa politique RSE. Elle doit aussi fournir une « trajectoire de progrès efficace », selon les mots de Philippe Vachet, soit un plan d’action dont le contenu est également pris en compte dans la labellisation. Une évaluation de suivi des actions est réalisée tous les deux ans et le label est éventuellement renouvelé tous les quatre ans.
Les petites entreprises également concernées
Le label se concentrera sur une « sélection d’indicateurs » parmi ceux requis dans le cadre de la CSRD : « les indicateurs principaux qui permettent d’aller sur la performance », indique Philippe Vachet, soit une soixantaine d’entre eux. Ce sont ceux qui concernent les émissions de gaz à effet de serre ou l’artificialisation des sols, par exemple. Avec ce label « nous sommes plus exigeants, mais nous sommes plus souples sur la méthodologie, résume-t-il. Ce qui nous intéresse, c’est la progression de l’entreprise et ses résultats ».
Le label s’adresse à tous les types d’entreprises. Celles qui sont concernées par la directive CSRD, bien sûr, c’est-à-dire les entreprises de plus de 250 salariés. Mais aussi les plus petites : elles fournissent souvent des biens et services à de plus grands groupes, soumis à la CSRD et ayant besoin de données concernant l’ensemble de leur chaîne de valeur, c’est-à-dire les différentes étapes conduisant à la fourniture d’un produit. Les investisseurs peuvent aussi s’intéresser aux performances environnementales, sociales et de gouvernance des petites entreprises qu’ils s’apprêtent à financer. En somme, l’idée est d’utiliser « un langage commun » à l’ensemble des parties prenantes, déclare Philippe Vachet.
S’inscrire dans les limites planétaires
L’Agence Lucie propose aussi d’aller plus loin que la RSE telle qu’elle est appliquée aujourd’hui. L’entreprise s’appuie sur une étude menée avec le cabinet Goodwill management, concluant que les entreprises « engagées en RSE de façon réelle et sérieuse arrivent en moyenne à réduire leur impact de 20 à 30 % », détaille Alan Fustec, aussi fondateur de ce cabinet. Il en déduit que « la RSE classique est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante ».
L’étude s’appuie sur le concept des limites planétaires, élaboré en 2009 par des chercheurs du Stockholm Resilience center. Il s’agit de seuils dans différents domaines, en matière d’érosion de la biodiversité ou d’acidification de l'océan par exemple, à partir desquels les effets sur les écosystèmes ne sont pas connus. Aucune des entreprises d’un panel considéré par les auteurs comme regroupant des entreprises exigeantes en matière de RSE ne respecte les limites planétaires.
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Un autre label
Ainsi, l’agence Lucie entend aider les entreprises à inscrire leur activité dans ces limites planétaires. Pour cela, il faut probablement repenser leur modèle économique. Concrètement, l’agence entend faire réfléchir les entreprises sur les variables politiques, écologiques ou encore sociétales susceptibles de faire évoluer leur chiffre d’affaires sur dix à vingt ans. Elles seront ensuite invitées à définir une raison d’être correspondant aux limites planétaires et répondant à un certain nombre de critères sociaux, puis un modèle d’affaires correspondant.
L’idée est d’inciter à la croissance des activités vertueuses de l’entreprise et à la réduction, voire à l’arrêt de celles fortement responsables d'impacts sociaux et environnementaux négatifs. Lucie pourra ensuite attribuer un label si l’entreprise s’engage dans une trajectoire de conformité aux limites planétaires. Il sera délivré avant que l’entreprise les respecte, afin de l’y « encourager », précise Philippe Vachet. Une date à laquelle cet objectif doit être effectivement atteint sera accolée au label.
La méthode est déjà appliquée par quelques entreprises, précise Arnaud Bergero, directeur général de Goodwill management, mais une première promotion de cinq à six entreprises volontaires devrait s’engager dans cette démarche début 2025.
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Célia Szymczak