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Par Carenews PRO - Publié le 22 novembre 2023 - 14:00 - Mise à jour le 22 novembre 2023 - 18:12 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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« Les sujets RSE sont tout en haut des agendas des équipes de management » (Frédéric Trinel, cofondateur d’EcoVadis)

Frédéric Trinel a cofondé et est co-CEO de la licorne EcoVadis. Créée en 2007, l’entreprise est leader mondial de l’évaluation RSE des entreprises. Interview.

Frédéric Trinel a cofondé l'entreprise EcoVadis. Crédit : EcoVadis
Frédéric Trinel a cofondé l'entreprise EcoVadis. Crédit : EcoVadis

 

  • EcoVadis, aujourd’hui, c’est quoi ?

 

EcoVadis est leader de l'évaluation des performances de développement durable des entreprises. Nos clients sont essentiellement des sociétés qui utilisent la notation dans le cadre de leurs achats durables. 

On traite avec des grands groupes qui ont des dizaine de milliers de fournisseurs partout dans le monde. Pour chacun des fournisseurs, nous évaluons les performances sur l’environnement, le social et l’éthique. Cela permet à ces sociétés de mieux gérer leurs risques dans la chaîne d’approvisionnement et d’avoir un impact en donnant la capacité aux fournisseurs de s’améliorer sur le sujet du développement durable. 

Nous avons une centaine de milliers de clients évalués dans le monde avec près de 2 350 nouveaux clients par mois, et cela, dans 185 pays. Nous avons 1 800 salariés répartis dans 14 bureaux. Nous bénéficions d’une dynamique de marché incroyable car les sujets RSE sont aujourd’hui tout en haut des agendas de toutes les équipes de management. 


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  • Quelles sont les zones géographiques que vous regardez particulièrement en ce moment ?

 

L’Europe est historiquement un marché important puisque c’est là où il y a eu les premières réglementations autour de la RSE. Mais les marchés sur lesquels nous connaissons de la croissance sont l’Amérique du Nord et l’Asie avec notamment le Japon. 

 

  • Comment expliquez-vous l’intérêt du marché asiatique pour la notation extra-financière ?

 

Ce n’est pas forcément lié aux réglementations locales. Plutôt aux réglementations européennes qui impactent les entreprises sur la planète entière. En effet, toute société qui vend sur le marché européen est soumise à certaines de ces réglementations. 

 

  • Vous avez levé 500 millions d’euros en 2022. Pourquoi une entreprise de notation extra-financière attire-t-elle autant les investisseurs ?

 

Nous attirons les investisseurs car nous enregistrons une croissance très forte. Elle s’établit annuellement autour de 40 %. Pour une société qui a 16 ans, avoir passé le cap des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce n’est pas mal. 

De plus, ils voient l’importance que va prendre le sujet dans les années à venir et l’espace qui existe pour créer de la valeur autour de la notation extra-financière.

 

  • Qu’est-ce que cette levée de fonds vous a permis de réaliser ?

 

Tout d’abord, cela nous permet de mener une stratégie d’acquisition. Sur notre marché, la technologie évolue très vite. La levée de fonds nous permet d’identifier des innovations en externe qui pourraient accélérer et d’augmenter notre impact. 

Ensuite, la levée de fonds nous permet d’investir pour diversifier nos produits. 

Enfin, nous connaissons une croissance très forte aujourd’hui. Les choses peuvent continuer de s'accélérer. C’est bien d’anticiper ces phases d’accélération et de s’assurer que nous avons suffisamment de cash pour bien les vivre.

 

  • Vous commencez à devenir une norme en matière de notation extra-financière. Craignez-vous la concurrence ou peut-on imaginer une situation de monopole qui se constitue progressivement ?

 

Nous ne craignons pas de nous faire concurrencer. En revanche, le marché est gigantesque et la tâche qui se trouve devant nous est incroyable. J’espère qu’il y aura d’autres innovations qui vont accélérer cette transition.

« Nous espérons que la réglementation ne va pas détourner le regard des sociétés de l’impact vers uniquement la validation de la réglementation. »

Aujourd’hui, nous sommes en forte croissance grâce à l’évolution réglementaire. En Europe, la directive CSRD sur le reporting extra-financier et bientôt la CS3D, directive sur le devoir de vigilance. Cela crée une dynamique avec des sociétés qui se positionnent sur ces questions purement réglementaires. 

Nous espérons que la réglementation ne va pas détourner le regard des sociétés de l’impact vers uniquement la validation de la réglementation. Nous avons peur que les sociétés se disent qu’elles n’ont pas besoin de faire plus que les réglementations. Cela ne serait pas bon pour notre cause. 

 

 

  • Les sociétés qui viennent vers vous le font-elles toujours car un donneur d’ordre leur à demander ou viennent-elles de plus en plus par conviction ?

 

Il est vrai que la majorité des entreprises viennent chez nous car leurs clients demandent des informations sur leurs performances en termes de développement durable. 

Mais, elles restent sur la plateforme car elles se rendent compte qu’il y a tout un écosystème créé avec de l’e-learning, des outils de mise en place de plans correctifs, et puis la mise à disposition d’un réseau. 

Certaines sociétés viennent nous voir directement car elles en ont entendu parler et qu’elles comprennent qu’il faut démarrer quelque part. Elles vont s’enregistrer sur la plateforme pour s’engager dans une démarche d’amélioration.  

 

  • Certaines petites entreprises se plaignent du caractère chronophage de l’évaluation. Le comprenez-vous ?

 

C’est totalement justifié. Cependant, il est nécessaire d’aller en profondeur des choses si l’on souhaite parvenir à un résultat instructif, qui atteint un niveau de fiabilité permettant aux donneurs d'ordre et à l’entreprise de prendre des décisions.

« Il est nécessaire d'aller en profondeur des choses si l'on souhaite parvenir à un résultat instructif. »

Pour une société donnée, on s’efforce de maximiser la qualité et la fiabilité du résultat de l’évaluation avec le minimum de demande. 

 

  • Certains évoquent une prime à ceux qui ont les moyens de répondre et non à ceux qui mettent vraiment en place une politique de développement durable.

 

C’est quelque chose que l’on entend souvent. Nous faisons attention à prendre en compte les spécificités des petites sociétés qui n’ont pas un système de management aussi sophistiqué qu’une société de grande taille et qui fonctionnent souvent avec peu de documents.

Nous avons un processus dédié à ces très petites sociétés. Elles ne sont pas pénalisées dans la notation si elles n’ont pas de documents. Nous chercherons à comprendre leur niveau d’engagement et de maturité, mais nous n'aurons pas la même exigence dans la formulation de leur stratégie RSE. 

 

  • Y a-t-il une volonté de faire de votre notation un outil de communication grand public ? 

 

Beaucoup de sociétés communiquent avec leur médaille EcoVadis. C’est un moteur pour inciter les sociétés à devenir meilleures. 

En revanche, notre objectif n’est pas que les médailles soient connues du grand public, notre modèle n’est pas BtoC. Notre ambition est plutôt que les entreprises et les salariés connaissent ces médailles car elles sont des moteurs d’amélioration.

 

  • Est-ce déjà arrivé qu’une entreprise se serve de la notation EcoVadis dans un but de greenwashing ?

 

Nous avons un processus de vérification avancé notamment avec l’intelligence artificielle. Nous avons des outils de détection de plagiat et d'incohérence de documents.

Nous avons un processus de vérification avec une équipe dédiée qui va revoir les documents et qui dialogue avec la société si besoin.


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Nous sommes conscients des limites. C’est comme les compagnies aériennes : personne n’a envie que les avions se crashent et il y a des process pour l’éviter, pourtant cela arrive. 

Notre objectif est de mettre toutes les chances de notre côté pour éviter que la notation EcoVadis soit utilisée à mauvais escient. 

 

Propos recueillis par Théo Nepipvoda

 

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