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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 16 septembre 2022 - 08:02 - Mise à jour le 16 septembre 2022 - 08:02
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[INTERVIEW] Célia Verot (Fondation du patrimoine) : « Nous aidons le patrimoine parce que cela rend la France plus belle »

Au moment des Journées européennes du patrimoine, Célia Verot, directrice générale de la Fondation du patrimoine, nous apporte un éclairage sur une fondation au statut spécifique qui touche le petit patrimoine local et favorise la cohésion sociale.

Célia Verot, Fondation du patrimoine. Crédit photo : DR.
Célia Verot, Fondation du patrimoine. Crédit photo : DR.

La Fondation du patrimoine, un statut spécifique

  • Célia Verot, vous êtes directrice de la Fondation du patrimoine. Pourriez-vous préciser ce qu’est la Fondation du patrimoine et son statut assez spécifique ? 

 

La Fondation du patrimoine est une organisation qui a été créée il y a 26 ans, en 1996, à l’initiative de douze grandes entreprises, notamment AXA France, Michelin, Fimalac, EDF, L’Oréal, pour soutenir le patrimoine en France, avec une spécificité très marquée de s’intéresser prioritairement au patrimoine rural et non protégé. L’idée était de compenser un manque d’investissement dans les territoires pour le « petit » patrimoine, dit patrimoine vernaculaire, celui qui fait le paysage de la France qu’on apprécie. 

 

  • C’est le patrimoine ni inscrit, ni classé, n’est-ce pas ?

 

Oui, prioritairement, même si la fondation ne s’interdit pas de  participer à des projets qui portent sur du patrimoine classé ou inscrit.

 

  • Cela concerne donc des châteaux, des lavoirs…

 

Des moulins, des fermes, des églises de village, du patrimoine public appartenant à des collectivités, notamment des communes, mais aussi du patrimoine privé appartenant à des particuliers. Cette initiative de grandes entreprises était menée par la personne qui a créé la fondation, Edouard de Royère, ancien président d’Air Liquide. Ce projet a rencontré l’intérêt des pouvoirs publics, et notamment de Jacques Chirac à l’époque Président de la République dont on sait l’intérêt qu’il portait à ces sujets.

Il a donc été décidé de doter cette fondation d’un statut particulier qui a fait l’objet d’une loi en lui confiant la mission d’intérêt général que je vous ai décrite, donc complémentaire à celle exercée par l’État et les collectivités. En 26 ans la fondation s’est bien développée. Nous avons pu soutenir au fil de ces années un nombre très important de projets partout en France évalués à plus de 35 000.

Une adaptation permanente des moyens de collecte

  • À travers le temps, vous avez eu une évolution de votre statut fiscal.

 

Au fil du temps, les outils de la Fondation du patrimoine se sont développés. D’abord la fondation a inventé le financement participatif ou ce que l’on nommerait aujourd’hui le crowdfunding. Elle l’a appelé à l’époque le mécénat populaire, car les donateurs et les philanthropes allaient pouvoir non pas faire un don à la fondation, comme cela se fait en général pour les ONG, mais financer des projets qu’ils choisissent eux-mêmes. Ce don fléché est une invention qui date du début des années 2000. Elle a permis de développer un mécanisme très transparent où chaque projet est porté à la fois par la Fondation du patrimoine, les propriétaires, les maîtres d’ouvrage locaux. Ils engagent des collectes en faveur de projets de proximité pour lesquels il y a une affinité familiale ou un coup de cœur. Cela permet de collecter des fonds en toute transparence, de manière très participative, mais aussi de mobiliser et fédérer la population. Cela aide les communes qui s’engagent dans la restauration de leur patrimoine. C’est important car nous avons pu constater que lorsque l’on parle de patrimoine qui n’est ni classé ni inscrit, d’une certaine manière il n’est pas reconnu comme ayant une valeur patrimoniale par l’État.  Cette implication locale a une force politique d’appropriation par les collectivités locales et très mobilisatrice pour les citoyens.

 

  • Pour revenir sur la fiscalité, j’ai souvenir que M. de Royère était attristé au début de pas trouver beaucoup de financements jusqu’à ce que la Fondation du patrimoine ait la possibilité de recevoir une partie des successions en déshérence.

 

La première évolution est l’invention du mécénat populaire, c’est-à-dire des dons affectés par les donateurs à des projets, 20 ans avant la révolution numérique et du crowdfunding. La deuxième évolution très marquante est la création du mécanisme du label. Cela donne notre statut fiscal particulier. Le label est un outil que la Fondation du patrimoine est seule à pouvoir utiliser. Il permet de reconnaître la qualité patrimoniale de biens qui appartiennent à des propriétaires privés, qui ne sont ni classés ni inscrits et qui vont pouvoir accéder aux déductions fiscales dans des conditions fiscales similaires à celles des monuments historiques. Concrètement, cela veut dire que le propriétaire pourra effectuer des travaux qui bénéficieront d’une déduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 50 % du montant des travaux. Il y a toutefois certaines conditions à respecter. Il n’y a pas de plafond et ce qui est intéressant aussi c’est que ces travaux sont déductible sur cinq ans. Lorsque la fondation décerne ce label, elle octroie aussi une aide dont le montant minimum est de 2 %, mais qui peut être complétée par des financements de donateurs, mécènes ou de collectivités telles que les communes, les départements ou les régions.

 

  • C’est déductible de l’impôt et non pas du revenu imposable.

 

La déduction porte sur l’assiette du revenu imposable. Ce qui est intéressant aussi du point de vue de la philanthropie, c’est que le fait d’accorder ce label autorise aussi le propriétaire, s’il pense que c’est intéressant et qu’il y a un potentiel, à organiser une collecte de mécénat pour son bien. Évidemment, cela ne s’adresse pas à la maison de « Monsieur tout le monde ». Ce sont des biens qui ont un intérêt particulier, qui accueillent des activités culturelles, qui peuvent intéresser la population de proximité. C’est là une possibilité dont on faisait assez peu usage dans le passé qui s’est développée ces dernières années et cela fonctionne bien. 

 

  • Et la troisième évolution ? 

 

Ce sont les successions en déshérence dont l'État a décidé de doter la fondation pour lui permettre de financer son fonctionnement courant et de soutenir les collectes.  Ce financement provient des successions en déshérence sans héritiers. S’il n’y a pas de destinataire, l’État se saisit de ces successions et nous les transmet ensuite à hauteur de 75 % du produit.

Cela a représenté des montants très importants dans les années 2010 – 2012, allant jusqu’à 12 millions d’euros. Cette année le chiffre atteint 7 millions d’euros. Ces montants sont distribués à toutes nos délégations régionales animées par des bénévoles qui les donnent aux projets dont les collectes sont les plus dynamiques. Cela crée une sorte de mécanisme incitatif.  

 

  • Pouvez-vous aussi l’affecter à votre fonctionnement ?

 

Nous l’utilisons en partie pour notre fonctionnement, ce qui nous donne une stabilité et une indépendance qui sont utiles.

Un ancrage territorial

  • Pourrions-nous revenir sur le point que vous venez d’évoquer relatif à la répartition nationale sur le territoire de la Fondation ?

 

La Fondation du patrimoine est une organisation de terrain très déconcentrée. Le siège assure une fonction support de relative petite taille et nous agissons à travers les délégations régionales et départementales, soit 21 délégations régionales qui regroupent aujourd’hui plus de 850 délégués bénévoles. Nous sommes dans une stratégie de développement de notre réseau de bénévoles. L’année dernière nous en avons recruté 250, un quart de l’effectif est nouveau. Nous souhaitons vraiment nous appuyer sur cette force populaire. Les bénévoles sont là pour accompagner les propriétaires publics, associatifs et privés grâce à l’ensemble de nos outils.

 

  • Comment fonctionne une délégation régionale ?

 

Chacune de nos 21 délégations est dirigée par un délégué régional. Il est secondé par un délégué régional adjoint, et s’appuie sur tout un réseau de délégués départementaux, de pays, et même de délégués thématiques. Comme je le disais, tous sont bénévoles et passionnés de patrimoine. Nos délégués régionaux sont souvent issus du milieu économique et ont des compétences très entrepreneuriales.  

Nous avons conservé plusieurs délégations dans les nouvelles régions actuelles parce que nous avons choisi le parti de la proximité. Dans chaque délégation,  quelques salariés accompagnent et structurent le travail des bénévoles, assurent la gestion financière et le suivi des projets.

 

  • Je suis M. Durand et je souhaite avec la mairie rénover une aile de l’église du village qui est en danger. Que dois-je faire ? Qui dois-je contacter ?

 

Pour répondre à votre besoin, vous contacterez le délégué de pays qui est le plus proche de votre village. En partenariat avec le porteur du projet, la Fondation du patrimoine lancera une collecte de dons. Grâce à notre plateforme, vous pourrez faire des dons en ligne et gérer vos reçus fiscaux. 

Cela s’accompagne aussi par l’organisation d’une campagne de communication, de la création d’animations comme une exposition de peinture ou une vente aux enchères qui permettront de dynamiser la collecte. De plus, la fondation va pouvoir venir aider le propriétaire, la commune en l’occurrence dans votre exemple, avec des financements complémentaires à envisager selon la nature du projet. Là, par exemple, vous dites que l’église est en train de s’effondrer, les travaux sont urgents, elle est en péril… Nous allons peut-être pouvoir mobiliser le Loto du patrimoine que nous gérons, et qui vient en aide au patrimoine en péril.  Ou bien, si les travaux font par exemple intervenir des jeunes en insertion, nous solliciterons des mécènes qui seraient heureux de financer ce genre de projet. Nous avons aussi des aides diverses qui viennent doter des projets, comme le programme Patrimoine naturel et biodiversité, le programme Patrimoine et Tourisme local, etc.

La labellisation

  • Vous devrez donc labelliser mon projet ?

 

Le label est pour les propriétaires privés. La rénovation d’une église n’entre pas dans cette catégorie.

 

  • Admettons que le bien soit privé, pourrez-vous le labellliser ?  

 

On le labellisera s’il répond aux conditions définies par la fondation. Mais le label est effectivement une manière pour nous d’aider des propriétaires privés.

Pour être labellisé, il y a une condition essentielle qui est liée à notre vocation, c’est-à-dire que nous aidons le patrimoine parce que cela rend la France plus belle. Nous avons été inspirés par la phrase de Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à vous, à moi, à tout le monde. » Il faut donc que le bien soit visible de la voie publique pour que tout un chacun puisse profiter de sa beauté, ou alors qu’un accès soit possible pour le public pour qu’il puisse par exemple, rentrer dans la cour. Il n’y a pas d’exigence de devoir ouvrir au public la maison. Ensuite la deuxième condition est que l’on ne financera que les travaux extérieurs comme la toiture, la façade, les menuiseries extérieures. 

Il y a une exigence constante qui est renforcée pour ces biens privés, c’est la qualité des travaux réalisés. Dans le cadre du label, c’est l’architecte des Bâtiments de France qui va vérifier à partir des devis que les règles de l’art sont respectées. Pour obtenir la déduction, il faut que l’ABF ait donné un avis conforme. C’est donc assez exigeant ce qui semble logique pour de l’argent public.  

Le loto au service du patrimoine

  • Pouvez-vous me parler du loto ?

 

J’ai retracé l’évolution historique originale de la Fondation du patrimoine, sa création, la création du mécénat populaire, l’ouverture sur les labels négociée avec le ministère des Finances, et les successions en déshérence. Il y a cinq ans, la fondation a connu une nouvelle phase de développement très importante. Entre 2017 et maintenant, nous avons multiplié nos ressources par 2,8. C'est donc une très grosse phase de développement liée à une impulsion nouvelle par la création du Loto du Patrimoine. Il nous a apporté en 2018 vingt millions d’euros. Aujourd’hui, ce sont 28 millions d’euros de ressources supplémentaires. Ces sommes ne sont pas du tout saupoudrées, elles sont au contraire concentrées pour des dotations importantes que l’on donne chaque année à environ 118 projets ayant un intérêt et une visibilité particulière. Cela reste du patrimoine local, il ne s’agit pas de Chambord, mais des projets importants et structurants pour les territoires concernés. Ils peuvent appartenir indifféremment à des propriétaires privés ou publics. Le Loto du Patrimoine s’est aussi accompagné d’une action de communication, de médiatisation de notre cause qui a produit beaucoup d’effets très vertueux. Cela a permis de faire prendre conscience que tout le monde est attaché au patrimoine. C’est quelque chose que les Français et les gens qui viennent visiter notre pays partagent. Collectivement, nous aimons tout le patrimoine, car c’est ce qui fait la beauté de la France, et nous sommes prêts à le soutenir en jouant au Loto, ou en faisant des dons.

 

  • Stéphane Bern est un bon animateur pour votre cause.

 

Tout à fait, il nous a vraiment aidés et le Loto est devenu une source de fonds très importante. La Française des Jeux est très efficace dans la commercialisation de ce jeu. En fait, nous avons permis d’établir un intérêt collectif autour de la cause du patrimoine, et d’obtenir beaucoup plus de mécénat. Les entreprises, elles aussi, se sont rendu compte que dans leurs actions en faveur du patrimoine, il était intéressant de doter non seulement les grands monuments, mais aussi des bâtiments ou des sites dans toute la France. Cela correspond aux lieux auxquels leurs clients, leurs agents, et d’une manière plus générale nos citoyens sont tous très attachés. Il y a tout de même un déficit d’investissement qui est structurel. En France, les financements pour la culture et le patrimoine sont très concentrés dans les grandes métropoles. C’est logique parce que la population y est plus importante. Mais le patrimoine est présent partout. D’une certaine manière, ces sites répondent au manque d’équipements culturels dans les régions.

 

  • Quelle est la fréquence du Loto ?

 

Une fois par an à l’automne, au moment des Journées européennes du Patrimoine. La Française des Jeux met alors en vente un ticket de grattage spécial et un certain nombre de tirages du loto qui vont venir financer ce fonds que nous gérons. L’opération se déroule sur trois ou quatre mois. Cette année, c'est à partir du 29 août et cela durera jusqu’à la fin de l’année 2022. 

 

  • Que ce soit au niveau national ou au niveau régional, comment choisissez-vous vos projets ? Quel est le processus de décision ? 

 

Nous avons des politiques ou des critères qui ont été définis, mais il appartient aux bénévoles et donc aux délégations locales de déterminer quels projets ils veulent soutenir. Ils sont autonomes pour cela. Ce sont les délégations régionales qui accordent les labels et ouvrent des collectes. Par ailleurs, les financements nationaux comme le Loto du Patrimoine et les grands mécénats sont distribués aux meilleurs projets, les plus dans le besoin, les plus impactants. Les délégations nous proposent les projets qui leur paraissent correspondre aux critères du Loto du Patrimoine, aux critères des mécènes. Ensuite, nous organisons avec ces mécènes des comités de sélection et des comités de pilotage qui vont identifier les projets. Là, ce sont des sommes plus importantes qui peuvent venir récompenser ces projets.

 

  • Avez-vous d’autres formes de distribution ?

 

En effet nous avons des prix que nous donnons, par exemple le Prix du mécénat populaire qui récompense les meilleures dynamiques de collecte. Il y a des lieux où des municipalités avec des associations, parfois dans des communes très petites sont très dynamiques. Par exemple, un hameau de 80 habitants ou une commune de 300 habitants ont fait tout leur possible et réalisé une très belle collecte. Ils sont allés frapper à toutes les portes et ont organisé des événements. Ce sont des histoires formidables et nous les récompensons et les mettons en valeur. Les projets viennent du terrain et à Paris nous avons la possibilité de les proposer à de grands mécènes. Nous faisons en sorte que les projets présentés par les délégations correspondent bien aux critères de responsabilité sociale et environnementale que chaque entreprise a décidé de se donner. Ce qui est le plus intéressant c’est que nous travaillons à partir d’une base locale qui donne beaucoup de proximité et de réalisme dans nos choix. Nous-mêmes à Paris, nous ne connaissons pas les projets, alors que les délégués connaissent les lieux parce qu’ils se sont déplacés et connaissent les personnes qui les portent. 

 

  • Quel est votre budget annuel ?

 

En 2021, la Fondation du patrimoine a collecté 85 millions d'euros de ressources pour son activité de base, mais au total ce sont 127 millions d'euros si l’on compte aussi la grande collecte pour Notre-Dame, pour laquelle il y a des fonds qui sont versés chaque année jusqu’à la fin des travaux en 2024.

 

  • C’est-à-dire qu’en 2021, vous avez reversé 40 millions pour Notre-Dame sur un montant total de combien ?  

 

De 232 millions d'euros au total. Évidemment, c’est totalement hors de proportion par rapport à ce que nous collectons ordinairement.

 

  • Combien êtes-vous de salariés ?

 

Nous sommes 80 personnes dont 30 au siège. Nous bénéficions aussi de mécénat de compétences offert par des entreprises qui affectent des salariés, souvent en fin de carrière, pour nous aider dans des fonctions très spécialisées. Par exemple, jusqu’à il y a très peu de temps, notre contrôleur de gestion était un ancien responsable financier d’Air Liquide. Elles nous offrent aussi des prestations, comme des prestations juridiques par des avocats qui interviennent en pro bono, sans reçu fiscal. Nous avons également des entreprises de communication qui nous aident à concevoir nos messages. 

Clarifier les limites entre le secteur lucratif et non lucratif

  • Nous avons fait un peu le tour de vos activités. D’une manière plus générale, que pensez-vous de l’organisation de la philanthropie en France aujourd’hui ? 

 

Que voulez-vous dire par organisation ?

 

  • Comment les choses se passent-elles avec les associations, les fondations, les différents statuts de fondation ? Voyez-vous des points positifs ? Pensez-vous qu’il y a des efforts à fournir ou trouvez-vous que le système est assez efficient ? Vous êtes Conseillère d’État, vous connaissez donc la rigueur de la reconnaissance d’utilité publique. Pensez-vous que le système est assez adapté aujourd’hui à l’évolution de la société ? Cette connaissance d’utilité publique n’a-t-elle pas un côté un peu ancien et un peu dépassé, c’est quand même un héritage des biens de mainmorte ? 

 

Je n’ai pas de remarque particulière à faire sur le statut des fondations, nous vivons bien avec . 

 

  • Peut-être parce que vous avez un statut spécifique. 

 

Mais il y a peut-être des choses à améliorer. On a vu dans les dernières années le développement du phénomène de crowdfunding qui est très intéressant parce que cela permet de mobiliser des communautés nouvelles autour de la générosité avec une forme d’efficacité et de pouvoir d’attraction qui sont très forts.

Pourtant il y a un vrai problème parce qu’en réalité il existe un double statut. Il y a les fondations et les associations qui ont tout un appareil de contraintes et de contrôles, dont certains pourront dire que c’est trop rigide. Nous, nous avons toujours bien vécu avec cela. Nous sommes contrôlés très régulièrement par la Cour des Comptes et nous apprécions ce statut et ces contrôles parce que cela offre des garanties aux donateurs de transparence, de sérieux dans la gestion des fonds. Comme je vous l’ai dit, nous sommes stricts dans notre gestion. Nous accordons des fonds à des projets quand nous savons que les travaux sont réalisés. Nous ne donnons pas l’argent à n’importe qui, sans vérification. À côté de cela, il est un monde complètement différent qui est le monde du crowdfunding, qui n’a aucun appareil de contrôle, qui en réalité est un monde lucratif, puisque ce sont des entreprises qui gèrent toutes ces plateformes. Le fait que ce soient des entreprises pourquoi pas, mais ce qui nous dérange, c’est qu’elles invoquent la générosité comme mission. Cela crée finalement beaucoup de confusion dans l’esprit du public entre un secteur lucratif qui en réalité est un secteur de cagnotte, et un secteur non lucratif, qui est un secteur de philanthropie. 

Il me semble important de ne pas mélanger les deux, parce que les deux n’offrent pas les mêmes garanties et ce n’est pas la même motivation. Nous considérons que le don n’est pas un produit de commerce. Il est possible que d’autres pensent différemment et toutes les opinions sont recevables, mais pour moi il y a quand même là un double statut juridique. Cela s’est vraiment matérialisé à l’occasion de la collecte pour Notre-Dame. Pourquoi la Fondation du patrimoine a-telle lancé une collecte, pour Notre-Dame de son propre chef, dès 21h au moment où nous avons tous vu l’incendie ? C’est parce que nous avons constaté qu’il y avait déjà 22 collectes en cours. Nous avons pensé que s’il y avait une multitude de cagnottes, les donateurs seraient perdus. Le fait qu’avec deux autres grandes fondations, la Fondation Notre-Dame et la Fondation de France nous ayons lancé ces collectes a permis à la générosité de s’exprimer dans toute son ampleur, parce que les citoyens tant de France que du monde entier ont compris qu’ils pouvaient faire confiance. Si nous comparons ce que nous avons collecté pour Notre-Dame et ce qui s’est passé par exemple quand il y a eu les incendies en Amazonie, en Australie où il y a eu un grand mouvement d’émotion et de nombreux influenceurs qui ont lancé des collectes spontanées, il n’y a pas eu finalement autant d’argent pour ces causes-là. C’est quand même une grande leçon.

Je pense donc que les plateformes de crowdfunding sont un outil intéressant, mais il faudrait qu’un statut clair soit établi entre les uns les autres. Si ces structures veulent mobiliser de la générosité, leur activité doit être encadrée, ou bien il doit être clairement explicité qu’il s’agit de financement participatif, mais hors de la dimension de la générosité.

 

  • Du moins avec retour sur investissement pour les entreprises. Il y a en ce moment au niveau de la coordination Générosités des associations et des fondations un débat qui est en cours et que l’on essaie de porter aussi au niveau de la Commission Européenne sur le fait qu’il existe un secteur lucratif et qu’il existe un secteur non lucratif. Cette non-lucrativité est une chose extrêmement difficile à mettre en œuvre parce que beaucoup d’institutions ne voient que le marché, et notamment l’Europe d’ailleurs. Tous les crowdfunders, tous les prestataires de service de la philanthropie essaient de grignoter la déduction fiscale en disant qu’ils sont « social et solidaire ». L’idée est qu’il faut établir un périmètre du secteur non-lucratif de façon claire pour que l’on sache ce qu’il est. Ensuite, éventuellement, on crée des passerelles claires quand elles sont nécessaires avec le secteur non-lucratif. On entre dans un monde dont les bords aujourd’hui sont devenus trop gris, pour que le risque sur la déduction fiscale et sur la fiscalité ne devienne pas de plus en plus important.

 

Oui et le public ne comprend pas bien la différence, ce qui est d’ailleurs normal.

Une ouverture vers le patrimoine naturel

  • Le public c’est une chose, mais les parlementaires et bien d’autres gens ne comprennent pas la différence. De ce fait cette bataille du non-lucratif est une vraie bataille très importante. Je suis d’accord avec vous.

 

Avant de finir, nous pouvons peut-être évoquer notre nouvelle orientation. J’ai en effet parlé d’élargir encore notre assise bénévole, il y aussi le fait que dans les statuts de la fondation dès l’origine, a été inscrite une double mission qui est la protection et la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel. Au cours de notre histoire, nous avons réalisé des projets autour de notre patrimoine naturel, même si cette action reste minoritaire par rapport au patrimoine bâti qui est notre grande activité.

Aujourd’hui nous souhaitons vraiment développer ce secteur du patrimoine naturel. Nous pensons que ce ne sont pas deux choses différentes et dissociées, mais qu’en réalité si nous considérons ce que l’on appelait dans les années 1970 le cadre de vie, c’est un tout. C’est la beauté des villages, ce sont des espaces verts aménagés, des jardins, des parcs et ce sont aussi naturellement les espaces naturels autour et la biodiversité. Tout cela fonctionne ensemble parce que les bâtiments ont été construits à une époque pour correspondre à un climat, pour correspondre à des matériaux locaux et réciproquement ils sont influencés par l’environnement extérieur. On va donc développer des projets autour de l’éco-rénovation avec des efforts sur la rénovation thermique en s’efforçant de combiner les deux approches : patrimoniale et écologique. Il faut alors trouver les matériaux adaptés pour préserver le caractère ancien du bâtiment et en même temps le mettre aux normes. Cela nécessitera des financements plus importants parce que cela coûte plus cher. Nous financerons aussi la sauvegarde de sites naturels, des parcs naturels ou des projets dans des parcs régionaux. C’est vraiment là un axe que nous souhaitons développer et je pense que cela répond aussi à l’intérêt du public. 

 

Propos recueillis par Francis Charhon. 

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