L'ANTISÈCHE - Au fait, c'est quoi la différence entre intérêt général et utilité publique ?
Intérêt général et utilité publique constituent, à première vue, des notions assez proches. Dans les faits, la notion d'utilité publique, qui concerne aussi bien les associations que les fondations, est plus exigeante que celle d'interêt général, et donne droit à des avantages supplémentaires. Explications.
![L'utilité publique, appliquée aux associations et aux fondations, est une notion plus exigeante que celle d'intérêt général. Crédit : Carenews.](/sites/default/files/styles/large_actualites/public/2024-11/Antis%C3%A8che_0.png?itok=UuX1talY)
Que recouvre la notion d'intérêt général ?
Les associations sont dites d'intérêt général lorsqu'elles présentent un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, la défense de l’environnement naturel.
Elles doivent en outre remplir trois critères :
- Elles ne doivent pas exercer d'activité lucrative.
- Leur gestion doit être désintéressée : la gestion de l’association ne doit pas apporter d’avantages matériels à ses dirigeants et membres, et les éventuels excédents de recette doivent être réinvestis dans le projet associatif.
- Aucun avantage ne doit être attribué à leurs membres. En particulier, l'association ne doit pas fonctionner pas au profit d'un cercle restreint de personnes.
Lorsqu'une association est d'intérêt général, elle peut émettre des reçus fiscaux, ouvrant droit à des réductions fiscales pour ses donateurs.
Pour que l'association puisse s'assurer qu'elle remplit bien les critères d'intérêt général et qu'elle peut délivrer des reçus de dons, il existe une procédure dite de « rescrit fiscal » : l'association remplit un dossier qu'elle envoie en recommandé avec accusé de réception à l'administration fiscale, qui a six mois pour lui faire un retour. L'absence de réponse dans ce délai de six mois vaut approbation.
À quoi correspond la notion d'utilité publique ?
La reconnaissance d'utilité publique (RUP), quant à elle, est plus complexe et plus contraignante. Il s'agit d'une procédure d’accréditation, par laquelle le Premier ministre délivre à une association ou à une fondation un « label », par décret en Conseil d’État et sur rapport du ministère de l’Intérieur.
Pour les associations, cette reconnaissance est prévue par l'article 10 de la loi de 1901. Elle permet à la structure de disposer de la « grande capacité » juridique, c’est-à-dire de recevoir des dons manuels comme toute association loi 1901, mais aussi des libéralités (donations) et des legs. Elle lui confère également une légitimité particulière.
Pour obtenir ce statut, une association doit en faire la demande et répondre à des conditions très strictes. Elle doit ainsi :
- Être d'intérêt général.
- Avoir une influence et un rayonnement qui dépasse le cadre local.
- Avoir au moins 200 adhérents, une activité effective et une réelle vie associative (c'est-à-dire une participation incontestable de la majorité des adhérents aux activités de l'association).
- Avoir un fonctionnement démocratique et organisé en ce sens par les statuts de l'association.
- Avoir une solidité financière sérieuse, c'est-à-dire un montant minimum de ressources annuelles de 46 000 €, un montant de subventions publiques inférieur à la moitié du budget et des résultats positifs au cours des trois derniers exercices.
La reconnaissance se fait à la suite de la demande de l'association auprès du ministère de l'Intérieur. Celui-ci fait procéder, s'il y a lieu, à l'instruction du dossier. Dans ce cas, la demande est transmise pour avis au Conseil d'État. Le cas échéant, la reconnaissance d'utilité publique se fait par décret en Conseil d'État.
La reconnaissance entraîne des contraintes administratives et fiscales.
Une période probatoire de fonctionnement d'au moins trois ans après la déclaration initiale de l'association à la préfecture est nécessaire avant de demander la reconnaissance d'utilité publique, sauf si les ressources prévisibles sur trois ans sont de nature à assurer l'équilibre financier de la structure.
En 2023, un peu plus de 1 800 associations, sur 1,4 million, étaient reconnues d'utilité publique.
Qu'en est-il pour les fondations ?
Pour les fondations, la RUP se fait selon la loi du 23 juillet 1987 relative aux fondations. Pour être reconnues d'utilité publique, les fondations doivent :
- Être d'intérêt général.
- Être pérennes, ce qui signifie qu'elles doivent disposer au départ d'une dotation financière suffisante pour produire des revenus leur assurant cette pérennité (disposer d'au moins 750 000 €, voire plus dans la pratique).
- Être dotées d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance avec un directoire.
Environ 650 fondations sont reconnues d'utilité publique.
Les dons aux fondations reconnues d'utilité publique donnent droit à des réductions de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 60 %, d'impôt sur le revenu à hauteur de 66 % ou d'impôt sur la fortune de 75 %.
Utilité publique et intérêt général : quelles différences ?
Ces deux notions d'intérêt général et d'utilité publique ont des buts proches : permettre aux structures d'être reconnues comme participant « officiellement » à une œuvre publique et d'acquérir à ce titre certains avantages fiscaux. Il s'agit pour les pouvoirs publics de reconnaître les structures qui oeuvrent pour certaines causes et pour le bien commun, et de les « labelliser » en ce sens.
On peut voir l'utilité publique comme la grande sœur de l'intérêt général, mais surtout comme un sceau de confiance supplémentaire qui est apposé aux associations et fondations.
Farouchement défendues par le milieu associatif, elles sont les clés de voûtes des dispositifs fiscaux qui encadrent le mécénat. La transparence et les garanties qu'elles apportent permettent un développement sain du secteur non lucratif.
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Camille Dorival