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Par Carenews INFO - Publié le 21 novembre 2019 - 15:12 - Mise à jour le 13 septembre 2021 - 10:15 - Ecrit par : Mélissa Perraudeau
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Diariata N’Diaye : « C’est avant tout mon profil qui a pu constituer un obstacle »

À l’occasion du Mois de l’ESS, nous avons décidé de consacrer à la question de l’égalité femmes-hommes une série d’articles. Aujourd’hui, c’est Diariata N’Diaye, notamment créatrice de l’application App-elles, destinée aux femmes victimes de violences, qui répond à nos questions.

Crédit photo : Résonantes.
Crédit photo : Résonantes.

Créations artistiques, ateliers pédagogiques, structure associative, application mobile… Depuis plus de dix ans, Diariata N’Diaye lutte sur tous les plans contre les violences faites aux femmes. En 2008, elle monte, avec son groupe Dialem, un spectacle de slam « Mots pour Maux » pour sensibiliser adolescents et adultes de toute la France. Le début d’une longue série, puisqu’elle n’a cessé depuis de se rendre dans les collèges et lycées pour jouer ses créations, ainsi que pour animer des débats et des ateliers d’écriture. 

En 2015, elle décide de créer des outils permettant aux victimes de violences et leurs proches d’accéder facilement à de l’information et de l’aide. Diariata N’Diaye créé alors à Nantes l’association Résonantes. L’un de ses principaux outils ? L’application App-Elles, créée la même année par l’entrepreneuse et depuis enrichie d’un bracelet connecté. App-Elles permet aux femmes victimes de violences d’appeler discrètement à l’aide, et d’obtenir des conseils et informations concrets et immédiats. 

À l’occasion du Mois de l’ESS et de notre semaine spéciale égalité femmes-hommes, Diariata N’Diaye nous a livré sa vision de l'entrepreneuriat social. 

  • Est-ce qu’être une femme a été un obstacle pour entreprendre ?

C’est avant tout mon profil, le fait que je n’ai pas fait d’école de commerce, qui a pu constituer un obstacle dans ma démarche. Dans ce secteur, j’ai aussi pu constater que s’il n’y pas énormément de femmes, il y a encore moins de femmes noires. Autant dire que mon profil n’était pas typique, et que j’étais perçue comme une entrepreneuse improvisée. Cela ne m’a pas valu de réflexions directes, mais beaucoup se sont sentis obligés de m’imposer une certaine norme, de m’encourager à coller à leurs modèles avec des conseils non sollicités. J’ai eu l’impression de ne pas être à ma place.

Il y a très peu de femmes dans le digital et elles ne seraient pas visibles sans les concours qui mettent en avant leurs projets, comme Femmes du Digital Ouest. C’est grâce à ce concours que j’ai pu parler d’App-Elles pour la première fois et rencontrer un partenaire. Le besoin d’organiser des concours de femmes entrepreneuses montre bien qu’il y a un sérieux problème.  

  • D’où vient ce manque de parité dans l'entrepreneuriat social ? 

Cette inégalité est à l’image de la société, l'entrepreneuriat ne fait malheureusement pas exception. Les femmes sont peu présentes partout où elles pourraient obtenir plus d’argent ou de libertés. On retrouve ces inégalités même dans le digital et l'entrepreneuriat dit « social ». Mais en même temps, j’ai l’impression qu’il y a une vigilance particulière dans ces domaines. Nombres de programmes et d’associations cherchent à augmenter la présence des femmes. Je pense à l’accélérateur Willa, au réseau des Digital Ladies & Allies ou encore aux femmes qui viennent de créer le magazine Chut !. J’ai l’impression que le problème du manque de parité est traité plus rapidement que dans d’autres domaines. Ce qui est dommage, par contre, c’est que ce sont généralement les femmes qui portent le sujet. Les hommes ne s’en saisissent pas parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Je trouve cela injuste, mais cela ne me surprend pas : il ne faut pas attendre des personnes qui ont les privilèges qu’elles se décident à les partager. Toutes les avancées pour les droits des femmes ont été portées par des femmes, ce qui est logique.

  • Comment rendre l'entrepreneuriat plus égalitaire ? 

Concernant la parité, je suis pour un rééquilibrage forcé grâce aux quotas. Je pense qu’il s’agit d’une première étape difficile mais nécessaire. Mais je ne peux pas compartimenter les luttes pour l’égalité selon les secteurs : tout dépend d’un combat global contre les stéréotypes de genre et pour une société égalitaire. Il faut agir contre les stéréotypes dès l’enfance pour les femmes se sentent à l’aise dans tous les domaines. De la même façon, c’est parce que l’on rééquilibrera l’emploi du temps des femmes, avec notamment un véritable partage des tâches familiales, qu’elles auront le temps de prendre des responsabilités professionnelles. 

Ensuite, les profils uniformes des entrepreneurs posent question. J’ai du mal à généraliser à partir de ma propre expérience, mais force est de constater que je croise rarement des gens qui me ressemblent dans ce milieu. C’est bien qu’il y a un problème, car dans la vie de tous les jours, je vois énormément de femmes noires, nées en France et issues des quartiers populaires. Si dans les réseaux d’entrepreneuses et d’entrepreneurs on ne les voit pas, c’est que plein de choses les ont empêchées d’arriver là. C’est pour cela que je trouve essentiels l’association « Les Déterminés » de Moussa Camara, qui accompagne des entrepreneurs issus de milieux populaires, ainsi que la startup Mixity, travaillant sur la mixité et la diversité dans les entreprises. Comme de façon générale, c'est un travail global qu'il faut mener sur ces questions pour enfin arrêter de fon­ctionner en cercles fermés.

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau 

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