[EN IMAGES] La nouvelle campagne de la SPA contre l’enfer de l’abandon
La nouvelle campagne de la Société protectrice des animaux (SPA) met l’accent sur les traumatismes vécus par les animaux abandonnés par leur famille humaine. Pour tenter d’endiguer ce fléau, un court-métrage, un mini-site ainsi qu’une campagne d’affichage et digitale vont être diffusés tout au long de l’été.
La SPA recueille et soigne environ 15 000 animaux dans ses 62 refuges en période estivale, soit près d’un tiers du nombre total d’animaux recueillis par l’organisation chaque année (44 147 en 2018). Difficile de voir des individus derrière ces chiffres. Pourtant, chaque animal abandonné subit cette expérience de plein fouet. Sorti le 10 juin, le court-métrage de sensibilisation de la SPA mêle ainsi le récit d’un humain et d’un chien, façon subtile de rappeler que les animaux, en tant qu’êtres sensibles, font comme nous l’expérience de traumatismes physiques et psychologiques. « C’est un sujet grave, confie Jacques-Charles Fombonne, président bénévole de l’association, Mais je n’avais pas envie de montrer ce que l’on voit les autres années, à savoir des chiens et des chats affamés, malades, avec des plaies partout. J’ai voulu que l’on donne une autre tonalité à la campagne d’été. C’est raide, c’est un peu sombre, mais c’est aussi de l’espoir. »
Un acte criminel aux conséquences dramatiques
Pour les animaux soumis à l’abandon, livrés à eux-mêmes en terrain inconnu et hostile, le choc n’est pas seulement physique. L’errance peut durer plusieurs jours, parfois plusieurs semaines. Au-delà de la faim, des blessures, des mauvaises rencontres et autres dangers, il y a l’incompréhension, rapidement suivie de la détresse et de la peur. L’association évoque ainsi le « traumatisme d’avoir été laissé par des maîtres qui ne sont jamais revenus, de ne pas comprendre ce qui se passe ni pourquoi ». Pour Stéphanie Verdu, vétérinaire référente de la SPA, cette dimension psychologique du traumatisme ne fait aucun doute. « Vous vous retrouvez dans un environnement que vous ne connaissez pas, il y a des odeurs différentes, des bruits différents, c’est un environnement qui peut être beaucoup plus bruyant que celui que vous rencontrez habituellement. »
« Notre objectif est de les remettre sur pattes, physiquement et psychiquement… si la peur de l’humain ne s’est pas inscrite en eux », expose le président de l’association, en poste depuis un peu plus d’un an. Mais les quelque 45 000 rescapés annuels de la plus ancienne organisation de protection animale française ne représentent qu’une fraction du nombre total d’animaux abandonnés, qui reste très difficile à quantifier. Combien passent hors des radars des associations, et n’arrivent jamais jusqu’aux centres de soin ? Les survivants sont « ceux qui ne sont pas morts de soif et de faim, accrochés à un arbre ou à une barrière d'autoroute, ceux qui n’ont pas été écrasés ou battus, soupire l’ancien officier de gendarmerie. Certaines personnes imaginent qu’un animal peut vivre dans la nature. Un chat pourra peut-être attraper une souris ou deux, mais s’il est habitué à son pâté ou à ses croquettes, ça ne fera pas l’affaire ! Les chiens, quant à eux, sont irrémédiablement destinés à mourir de faim et de soif au bout de trois ou quatre jours. C’est vraiment criminel. C’est ça le sens de notre court-métrage : vous avez condamné ces animaux à mort, et s’ils viennent jusqu’à nous, ce sont des survivants. »
C’est ça le sens de notre court-métrage : vous avez condamné ces animaux à mort, et s’ils viennent jusqu’à nous, ce sont des survivants. (Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA)
Le message est clair : l’abandon n’a rien d’anodin. Il est d’ailleurs « considéré par la loi comme une forme de sévice grave, qui relève du tribunal correctionnel et qui peut être puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, énumère celui qui est également docteur en droit. Les condamnations entraînent une inscription au casier judiciaire. » Une partie de la mission de la SPA consiste d’ailleurs à se porter partie civile lors des procès. « L’an dernier, nous avons participé à 415 actions judiciaires. Nous les avons évidemment toutes gagnées : quand les gens comparaissent devant le tribunal correctionnel, c’est que les faits sont avérés. Et en cas de récidive, ça cogne beaucoup plus fort. C’est normal, parce qu’encore une fois, l’abandon est une condamnation à mort quasiment irrémédiable. » Ces quelques victoires juridiques ne correspondent qu’à une toute petite partie des sévices contre les animaux. Il reste bien souvent difficile, voire impossible de retrouver les responsables.
Le nombre d’animaux abandonnés continue d’augmenter
Reste la sensibilisation du public. Mais cela fonctionne-t-il ? « Oui et non. » Si la proportion d’animaux abandonnés est plus faible d’année en année, le nombre d’animaux abandonnés est quant à lui toujours plus élevé. « Ça ne baisse pas vite, reconnaît Jacques-Charles Fombonne. Je suis convaincu qu’en plus des campagnes d’été et des campagnes de Noël, rappelant de ne pas acheter un animal dans une animalerie à son enfant pour lui faire plaisir, il faut que l’on développe des campagnes de fond. C’est ce que nous avons d’ailleurs entamé. » La SPA va en effet bientôt signer un partenariat avec Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, pour obtenir l’autorisation d’intervenir dans les écoles. L’objectif est de sensibiliser les enfants aux conséquences de l’abandon pour les animaux. « Nous avons une mallette pédagogique, conçue pour que les enfants aient une vision de l'animal qui soit une vision d’animal partenaire, d’animal compagnon de la vie. En région parisienne, nous avons déjà touché environ 20 000 enfants, depuis cinq ou six ans. Ce partenariat nous permettra d’officialiser et de généraliser notre démarche. »
Si la proportion d’animaux abandonnés est plus faible d’année en année, le nombre d’animaux abandonnés est quant à lui toujours plus élevé.
En 2017, la SPA a reçu 47,1 millions d’euros de dons du public. L’association, dont 74 % des dépenses sont directement dédiées au bien-être animal (le reste étant alloué à la recherche de fonds et à la gestion interne), déclare sur son site être également opposée aux maltraitances animales liées à la corrida, à l’abattage sans étourdissement, à l'expérimentation animale, aux cirques avec animaux et aux élevages d’animaux pour leur fourrure. « La protection animale est extrêmement multiforme. Cela génère des associations aux missions très spécialisées. Nous profitons parfois de notre notoriété pour donner des coups d’éclairage sur ce que nous appelons des grands combats : la corrida, la fourrure, le traitement des animaux de laboratoire... » Une mission de taille, pour une association qui compte aujourd’hui près de 660 salarié·e·s et 4 000 bénévoles.
Axelle Playoust-Braure