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Par Carenews PRO - Publié le 10 juin 2020 - 15:00 - Mise à jour le 10 juin 2020 - 17:55
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L’entreprise mécène : un nouveau rôle à jouer demain !

Dans cette tribune, plusieurs responsables de fondation nous invitent à repenser le rôle des entreprises mécènes. Pour eux, le mécénat d’entreprise est stratégique et son attractivité fiscale ne doit pas en être le principal moteur.

Crédit photo : patpitchaya.
Crédit photo : patpitchaya.

Alors qu’une plus grande responsabilité sociétale des entreprises est attendue et que certaines font le choix de relever ce défi, la place de leur mécénat est questionnée par les pouvoirs publics. À la suite de son adoption en 2003, la loi Aillagon — que les précurseurs du secteur ont obtenu après de nombreuses années de plaidoyer — a permis un réel engouement autour du mécénat des entreprises.

C’était il y a maintenant plus de 15 ans. Aujourd’hui, le contexte législatif évolue et impose aux entreprises de trouver d’autres raisons pour devenir mécènes. La loi de finances 2020 a effectivement baissé le taux de réduction de l’impôt sur les sociétés de 60 % à 40 % pour les dons excédant le seuil de 2 millions d’euros. Cette réforme fiscale —  particulièrement inquiétante pour le monde associatif et leurs bénéficiaires — ainsi que l’agitation qui en a découlé au sein de notre secteur ont été à l’origine de notre envie de partager, humblement, une de nos plus profondes convictions :

À l’heure de la loi Pacte et de l’Accord de Paris, des enjeux sociaux et environnementaux qui sont ceux de nos sociétés, des crises sanitaires comme celles que nous sommes en train de traverser, l’argument fiscal ne peut plus suffire pour entreprendre du mécénat. Nous assumons que le mécénat d’une entreprise n’est pas désintéressé et que son attractivité fiscale ne doit pas en être le principal moteur.

Un mécénat d’entreprise stratégique...

Le don d’une entreprise mécène ne peut pas être désintéressé : avant tout parce qu’il s’agit d’un choix de fléchage du chiffre d’affaires (ou du résultat) de l’entreprise, lui-même généré par ses salarié·e·s. L’entreprise mécène a donc une responsabilité vis-à-vis de cette première partie prenante grâce à laquelle le mécénat est rendu possible. L’implication des salarié·e·s — leur intérêt pour la ou les causes soutenues, leur adhésion aux modalités d’engagement qui leur sont proposées — semble primordiale. Ensuite, parce qu’on voit de plus en plus clairement aujourd’hui les intérêts qu’une entreprise a à entreprendre du mécénat : image d’entreprise engagée en externe, argument de recrutement, de rétention et de sens en interne. 96 % des structures mécènes considèrent contribuer à l’image de leur entreprise (notoriété, image institutionnelle, marque employeur…), et 98 % assument pleinement de contribuer à des sujets RH.

Ces raisons (RH, image de marque, marque employeur) sont un point de départ, le signe d’une ouverture de l’entreprise aux enjeux sociétaux qui l’entourent, mais nous souhaitons aller plus loin et porter le mécénat à un autre niveau : celui d’un engagement qui change in fine les organisations.

... garant d’un impact pour la société

En parallèle de ces enjeux de transformation interne des entreprises, le mécénat doit se préoccuper de l’impact social auquel il participe, au profit de la société. Cette posture hybride qui vise à décloisonner des mondes est très spécifique au mécénat d’entreprise, et c’est notre rôle en tant que délégué·e général·e d’incarner ce pont au quotidien. Il est de notre responsabilité de caractériser la valeur ajoutée que nous apportons à nos partenaires associatifs et de les accompagner à mesurer l’impact de leur projet tout en valorisant ce que nous apportons à l’entreprise que nous représentons. Pour cela, nous devons comprendre fondamentalement et sincèrement ce qu’est l’intérêt général, en connaître les mutations et les enjeux tout en sachant « parler business ».

Partant de ces constats et de cette posture, nous avons en tête plusieurs chantiers que nous identifions comme prioritaires :

Démocratiser toujours plus le mécénat sur les territoires. Nous souhaitons rappeler que seules 5 % des ressources du monde associatif proviennent du mécénat d’entreprise. Nous prenons cette donnée avec précaution car nous savons que certaines associations dépendent très fortement du financement d’entreprises mécènes. Cependant, ces 5 % nous font prendre conscience que nous devons continuer à inciter d’autres entreprises à faire du mécénat, notamment les TPE, PME et ETI, afin qu’elles puissent devenir des relais de financement sur les territoires. Leur potentiel est énorme, la relation à leur territoire est privilégiée, et si l’État n’a pas le monopole de l’intérêt général, il ne doit pas non plus être celui des grandes entreprises. C’est en un mécénat collectif et concerté que nous croyons, intelligemment mené en fonction des capacités de chaque mécène : certains peuvent impulser et lancer des expérimentations, d’autres cofinancer, d’autres pérenniser les projets sur les territoires, etc. Notre force viendra de notre capacité à nous rencontrer et à coconstruire. La hausse de la franchise TPE/PME de 10 000 euros à 20 000 euros favorisera cette démarche et nous devons proposer à ces entreprises du territoire d’être partenaires des actions que nous finançons.

Mieux flécher nos financements. Nous aimerions pouvoir nous appuyer sur et/ou faire partie d’une instance représentative des acteurs du territoire mettant autour de la table des parties prenantes publiques, privées, associatives et de la société civile. Cela nous aiderait à identifier des causes d’intérêt général locales ou nationales répondant à des besoins sociétaux prioritaires et aux attentes des contribuables. Cela faciliterait le regroupement de financeurs (mécènes ou autres). Cela légitimerait la défiscalisation des dons des entreprises et apporterait de la puissance à leurs financements. Cette instance pourrait aussi nous aider à monter en compétences sur la notion complexe qu’est l’intérêt général, ainsi qu’à appréhender la notion d’impact social.

Voir les 80 millions d’euros d’économies générées par la réforme du mécénat investis dans l’intérêt général. Nous aimerions obtenir des garanties de l’État quant au fait que les 80 millions d'euros d’économies générées grâce à la réforme du mécénat seront réinvestis au profit de causes d’intérêt général.

Engager les entreprises, et les engager « bien ». Puisqu’il y a un risque à ce que les entreprises diminuent leur mécénat à la suite de la loi de finances 2020 (risque par ailleurs renforcé par la crise sanitaire sans précédent que nous traversons), nous lançons un appel à nous retrouver entre professionnel· le· s du secteur, que ce soit dans des réseaux existants ou autour d’une nouvelle démarche à créer, pour bâtir des solutions concrètes :

  • nous permettant de continuer à renforcer la sensibilisation des TPE, PME et ETI au mécénat en s’appuyant sur les entreprises mécènes existantes et sur les collectivités territoriales ; 
  • nous permettant de prouver qu’un investissement dans l’intérêt général a du sens, avec ou sans défiscalisation ;
  • nous permettant d’affirmer que nous avons besoin, maintenant plus que jamais, de réunir nos forces et de les mettre au service du collectif.

Nos partenaires associatifs sont clés dans cette démarche : nous avons besoin d’eux pour prouver que l’intérêt social et environnemental du mécénat dépasse, pour les entreprises, l’intérêt fiscal.

En tant que délégué· e·s généraux· ales de fondations d’entreprise, nous souhaitions insister sur ce que nous considérons être de notre responsabilité, car nous pensons que l’entreprise de demain sera sociétale ou ne sera pas. Et par-dessus tout, nous aimerions trouver des ébauches de réponses en faisant alliance : car c’est aussi une attente de notre société.

Les vues que nous exprimons ici n'engagent pas les institutions pour lesquelles nous travaillons. Contactez-nous pour en discuter !

Bérénice Broutin, déléguée générale de la Fondation Bouygues Telecom

Olivia Fere, déléguée générale de la Fondation Identicar

Cédric Laroyenne, responsable RSE et délégué général de Fondation EPSA

Agathe Leblais, déléguée générale de la Fondation Groupe Pierre & Vacances-Center Parcs

Bérengère Martinel : responsable mécénat & communication du centre hospitalier Annecy Gennevois, déléguée générale du Fonds de dotation « Initiatives CHANGE » 

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