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Par IÉSEG School of Management - Publié le 15 décembre 2025 - 09:32 - Mise à jour le 15 décembre 2025 - 10:04
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Pourquoi les plus de 48 ans sont écartés des promotions, et comment y remédier ?

Les employés plus âgés font souvent face à un « silver ceiling », un plafond invisible qui freine leur évolution. À cause de certains stéréotypes managériaux et biais d’âge, ils peuvent être écartés des promotions dès 48 ans. Alors que les carrières s’allongent, ce phénomène devient un véritable enjeu pour les entreprises. Une nouvelle étude explique pourquoi il existe et comment adapter les évaluations pour éviter la discrimination liée à l’âge et mieux repérer les talents.

Une enquête de 2020 menée par Robert Walters auprès de 7 500 professionnels a révélé que, au cours des trois premières années de travail dans une organisation, un nombre significativement plus faible d’employés âgés de 40 ans et plus (47 %) ont reçu des promotions par rapport à ceux âgés de 25 à 39 ans (65 %).

Une équipe de chercheurs de l’IÉSEG, de KU Leuven (Belgique) et de la Kühne Logistics University (Allemagne) a étudié les raisons pour lesquelles les travailleurs de plus de 45 ans sont souvent négligés lors des décisions de promotion. Leur attention s’est portée sur un type particulier d’évaluation utilisé dans de nombreuses grandes entreprises : l’évaluation du potentiel.

La distinction entre performance et potentiel

Contrairement aux évaluations de performance, qui évaluent la contribution passée d’un employé dans son rôle actuel, les évaluations du potentiel se réfèrent à l’évaluation de la capacité des employés à réussir dans des postes plus complexes et avancés à l’avenir. En d’autres termes, elles permettent d’identifier les talents en interne pour des rôles futurs.

En pratique, de nombreuses grandes organisations demandent aux managers d’évaluer simultanément le potentiel et la performance des employés à l’aide d’une grille à 9 cases (« 9-box grid »). Dans cette grille, les managers doivent indiquer si la performance et le potentiel des employés sont faibles, moyens ou élevés, respectivement, sur les axes X et Y, créant ainsi une matrice de 3 par 3 avec neuf cellules. Les talents se trouvent généralement dans la cellule en haut à droite de la grille en 9 cases, qui résulte d’une combinaison de haut potentiel et de haute performance.

Cette grille oblige les managers à faire la distinction entre performance et potentiel, deux notions qu’ils ont souvent tendance à traiter comme étant quasiment identiques.

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« Dans notre étude de terrain au sein d’une grande entreprise, nous avons constaté que les ‘évaluations de potentiel’ sont un élément clé du puzzle, car elles peuvent constituer un canal important par lequel les préjugés liés à l’âge influencent les décisions de promotion », explique Giverny DE BOECK, professeure à l’IÉSEG et auteure principale de l’étude.

« En résumé, lorsque les managers ont des stéréotypes négatifs sur les salariés plus âgés, ils sont plus susceptibles de leur attribuer des évaluations de potentiel plus faibles, ce qui réduit ensuite leurs chances d’être promus l’année suivante. »

Un enjeu important pour les seniors mais aussi pour les entreprises

Dans leur étude, les chercheurs ont découvert que ce mécanisme affecte des employés dès l’âge de 48 ans.

C’est un phénomène inquiétant : les entreprises risquent de passer complètement à côté d’un vaste vivier de talents, qui possède une expérience significative et encore de nombreuses années de carrière devant eux. Et avec des personnes travaillant plus longtemps – soit par choix, soit en raison de changements imposés par les gouvernements – ce vivier va encore s’agrandir dans les années à venir », explique Melvyn HAMSTRA, professeur à l’IÉSEG et co-auteur de l’étude.

« De plus, les chercheurs soulignent que les employés plus âgés qui perçoivent une injustice dans le processus de promotion risquent d’être moins engagés, ce qui peut nuire à leur motivation et à leur performance. »

Enfin, ce plafond représente aussi un obstacle majeur pour les personnes qui souhaitent changer de carrière à un âge plus avancé.

Les 4 mesures à adopter pour des évaluations plus justes

« La solution n’est pas d’abolir complètement les évaluations de potentiel, car elles restent utiles lorsqu’elles complètent les évaluations de performance », ajoute la professeure DE BOECK.  « Mais pour qu’elles soient réellement pertinentes, les entreprises doivent veiller à ce qu’elles fournissent des informations fiables et objectives sur la capacité des employés à réussir dans des rôles plus complexes à court terme. »

Selon les professeurs De Boeck et Hamstra, il y a quatre étapes que les entreprises peuvent suivre :

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1/ Demander une justification claire des évaluations de potentiel

Plus précisément, les organisations devraient demander aux managers d’expliquer comment ils ont évalué le potentiel de chacun de leurs employés. Les managers peuvent le faire en précisant le type d’informations qu’ils ont utilisées lors du processus d’évaluation et les raisons qui les ont guidées.

2/ Définir précisément ce que signifie “avoir du potentiel”

Les managers doivent être formés pour se référer à une même définition, cohérente, de ce qui constitue un potentiel faible ou élevé au sein de l’organisation. Cependant, cela nécessite que les organisations répondent d’abord à la question « potentiel pour quoi ? ».

3/ Utiliser des critères concrets et observables

Plutôt que d’utiliser une évaluation abstraite générale du potentiel (comme la grille à 9 cases), les entreprises peuvent envisager d’opter pour des mesures plus concrètes en utilisant un système d’évaluation ancré dans le comportement. Plutôt que de demander aux managers d’utiliser une seule évaluation globale du potentiel (faible, moyen, élevé), les organisations devraient lister des compétences spécifiques pour évaluer le potentiel des employés.

Par exemple, les managers peuvent évaluer l’agilité d’apprentissage (une compétence typique du « potentiel ») en répondant à la question ci-dessous basée sur le comportement observé des employés : « Lorsqu’il est confronté à une tâche inconnue, comment réagit habituellement cet employé ?»

  • Faible : évite la nouvelle tâche, insiste pour la faire de la manière habituelle ou devient visiblement frustré lorsqu’il est confronté à l’inconnu.
  • Modéré : essaie la nouvelle tâche avec un certain effort, utilise les retours lorsqu’on le lui demande, mais revient à ses anciennes méthodes si cela devient difficile.
  • Élevé : aborde la nouvelle tâche avec curiosité, recherche activement du feedback et ajuste ses méthodes en fonction de ce qu’il apprend.

 

4/ Surveiller les données pour détecter les biais

Les départements des ressources humaines peuvent suivre et analyser les données de l’entreprise pour déterminer s’il existe des différences démographiques systématiques dans les évaluations potentielles qui ne peuvent pas être expliquées de manière rationnelle.

Si les entreprises constatent de telles différences, elles peuvent examiner le processus d’évaluation et mener des entretiens avec les parties prenantes concernées pour explorer les causes sous-jacentes. Les organisations peuvent ensuite utiliser ces informations pour apporter des améliorations structurelles, dont les résultats peuvent être suivis ultérieurement avec de nouvelles données.


L’étude complète :

Why Is the Ceiling Silver? Uncovering the Role of Potential Appraisals in the Age–Promotion Relationship (Personnel Pyschology, 2025) Giverny De Boeck (IÉSEG), Melvyn R. W. Hamstra (IÉSEG), Nicky Dries (KU Leuven/BI Norwegian Business School), Prisca Brosi (Kühne Logistics University).

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