« Transition(s) » : une question de sémantique ?
Le mois de mars de « l’ODD 17 en pratiques » est consacré à la (ré)conciliation entre « Théorie(s) » et « Pratique(s) ». Sans doute l’occasion de revenir sur la place des mots pour résoudre nos maux… et surtout sur leurs limites dans le contexte actuel !
Face aux défis actuels, nous sommes contraints à pAnser le monde aussi bien qu’à le pEnser. Cette double contrainte nous oblige à passer de la logique du « ou » à celle du « et ». Plus facile à dire qu’à faire. Le RAMEAU en propose une méthode dans son dernier livre publié en octobre dernier : « Commun(s) » : discours de la méthode – Vers le « pari de la confiance ».
Cette méthode est issue de la pratique. D’ailleurs, le jour même de la publication du livre, le 5 octobre dernier, le laboratoire de recherche empirique la mettait en pratique autour des trois leviers d’activation de l’intérêt général :
- Sur la vision, le Président-Fondateur du RAMEAU invitait le matin même à se questionner sur la manière de (ré)inventer nos imaginaires collectifs à l’occasion de la Journée des partenaires 2023 de la Fondation Pierre BELLON (cf. vidéo),
- Sur l’action, Jean-Paul DELEVOYE remettait l’après-midi à la ministre Dominique FAURE la note sur les « Compétence(s) » des Territoires, issue du retour d’expérience du programme « Chef de projet innovation territoriale », à l’occasion du lancement des Rencontres du Développement Durable 2023 (cf. note de la Fondation des Territoires),
- Sur la gestion, le soir du 5 octobre, le colloque « Jeunes & Territoires 2050 » rendait compte de l’envie d’engagement de la jeunesse pour contribuer aux Projets de Territoires qui incarnent le « jouer collectif » au plus près des fragilités, des besoins et des envies d’engagement.
Depuis lors, la note « Ensemble, inventons 2050 » a expliqué l’utilité d’Agir à partir de trois trajectoires aux temporalités complémentaires : la performance à 18 mois, l’innovation à 7 ans et la confiance à 28 ans. Le RAMEAU en a pris sa part, en publiant ses propres engagements « vers la territorialisation des Transitions », et en a fait une première « gazette mensuelle » de l’ODD 17 : « l’Esprit des Lieux ».
Pour aller plus loin, Le RAMEAU a partagé ces deux derniers jours son regard sur deux nouveaux mots qui viennent compléter le « dictionnaire des pratiques » qu’il a initié en 2012. Il s’agit d’un retour d’expérience sur la manière dont le laboratoire de recherche empirique a progressivement (re)découvert les mots de « Théorie(s) » (cf. article « Vous avez dit « Théorie(s) » ? ») et de « Pratique(s) » (cf. article « Vous avez dit « Pratique(s) » ? »).
A deux semaines du 4ème séminaire de recherche sur la co-construction du bien commun, organisé comme chaque année avec l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts, c’était le « juste temps » pour partager ses propres convictions sur le thème 2024 : « Territorialisation des transitions, quel(s) rôle(s) pour les acteurs académiques ? ».
Pourquoi prendre le temps d’éclairer la polysémie des mots ?
Comme l’explique le livre publié en octobre dernier, les mots sont trompeurs pour nous aider à résoudre nos maux ! S’ils peuvent aider dans « l’entre soi », ils opposent souvent « l’entre tous », devenant ainsi fréquemment le « pire ennemi » de l’intérêt général. Dans la succession de crises que nous vivons actuellement, nous (re)vivons Babel au sens propre…
Pour le comprendre, il suffit de lire le dernier livre de la philosophe Mazarine M. PINGEOT : « Vivre sans une philosophie du manque ». « L’homme-Dieu » - comme l’écrivait le philosophe Luc FERRY en 1996 - a fini par refuser toute forme de transcendance, sans s’apercevoir que l’immanence seule finirait par le relativiser lui-même. Nous touchons là le sens même de la Vie dans un processus ontologique autodestructeur. Comme bien souvent, l’opposition des notions plutôt que leur « juste équilibre » crée un effet de balancier qui passe d’un maux à l’autre. Ce livre est un passionnant exercice de « confrontation » des philosophies pour comprendre le déséquilibre actuel de nos Sociétés, lié au profond questionnement sur le « JE ».
Il en va de même de l’analyse ontologique par la dimension géopolitique du philosophe François JULLIEN dans la « Conférence sur l’efficacité ». Nous y ajoutons à la même profondeur du questionnement… mais sur le « NOUS ». Là où l’Occident incarne l’arbre qui pousse, l’Orient est fondé sur la philosophie de l’eau qui coule… Comment (ré)articuler horizontalité et verticalité ? Telle est l’impossible (ré)conciliation apparente que certains n’hésitent pas à qualifier de « choc civilisationnel ».
Et si cette double crise du « JE » et du « NOUS » nous invitait à (ré)inventer nos articulations du « JE » / « NOUS » ? Non sans humour, Patrick LONCHAMPT, chroniqueur de l’émission « L’Echos des solutions » sur RCF et producteur de la série « Comment vas-tu bien la planète ! », reprend ainsi la métaphore de son professeur de philosophie : « pour marcher, tout le monde sait que ce n’est qu’une histoire d’articulation du genou ! ». Et si dans l’Histoire de l’humanité, les crises du « JE » / « NOUS » n’étaient pas la « fin du monde », mais au contraire les périodes de gestation pour une naissance nouvelle ? Et si, comme aime à le dire le Président-Fondateur du RAMEAU, Charles-Benoît HEIDSIECK, nous ne vivions en direct pas tout simplement la métamorphose de la chrysalide qui devient papillon ?
C’est le sens du « Pari de la confiance » auquel Le RAMEAU appelle depuis 2015, lorsqu’il a pris conscience de la valeur de ses travaux empiriques (cf. article « Vous avez dit « Théorie(s) » ? »).
Dès lors, comment faire pour Agir en confiance ?
Après avoir ouvert un « dialogue en confiance », nous devons commencer par nous entendre sur les mots… avant de vouloir trop vite définir une méthode qui serait universelle par nature. Face à la double impasse ontologique du « JE » et du « NOUS », les mots sont devenus impuissants à être source de (ré)conciliation.
Le RAMEAU en a fait souvent l’expérience apprenante : de la « dispute philosophique » de très haute facture à Cerisy lors de la publication de la Traversée sur le Développement Durable « Du développement durable aux Transitions » coordonnée par Sylvain ALLEMAND, à l’altercation sur les réseaux-sociaux avec un ami, avocat bien connu de l’ESS, qui affirme que « Les ODD sont morts » entrainant dès lors le risque de la perte de toute légitimité d’un Etat de Droit, en passant par le passionnant cycle sur le bien commun de l’Institut des Etudes Appliquées de Paris… les exemples sont nombreux. A chaque fois, ils rappellent l’ampleur de l’impact des questions sémantiques. Il devient incontournable de s’y confronter, et c’est bien modestement que Le RAMEAU y apporte sa « pierre » à l’édifice en « Commun(s) » en constituant depuis 2012 un « dictionnaire des praticiens » qui croise les regards pour en tirer la polysémie des mots.
Si personne ne peut aujourd’hui avoir l’arrogance de savoir décrire la vision systémique de ce qui « EST », combien moins encore nous sommes collectivement capables de définir ce qui « SERA ». Dès 2016, le livre « Bien commun : vers la fin des arrogances ! » l’avait anticipé. Huit ans plus tard, il est donc urgent de (re)trouver une capacité à dialoguer « entre tous », et non pas seulement « entre soi ». Pour prendre une métaphore philosophique issue de la littérature théologique : il nous faut passer de Babel à la Pentecôte. Autrement dit, de l’opposition stérile sur le modèle le plus performant à la capacité d’un dialogue sincère et réel sur la complémentarité de chacun pour retrouver un équilibre en « Commun(s) ». Il est intéressant de constater que si les mots ont divisé à Babel, c’est la compréhension de leur diversité qui permet un nouveau souffle à la Pentecôte…
C’est le sens profond du 17e Objectif de Développement Durable : Comment inventer ensemble ce qu’aucun ne saurait faire seul ? Pour cela, il nous faut dépasser « l’homme-Dieu » pour revenir à un équilibre entre les Hommes où la place de chacun, y compris du « vivant », est respectée. Selon le texte religieux, il aura fallu 4.000 ans de cheminement pour faire cette découverte, et dans les faits du premier texte de la Bible au dernier près de 1.000 pour l’écrire. Gageons que notre Sagesse collective nous permettra aujourd’hui d’en tirer les leçons du passé car nous n’avons plus que 7 ans pour réussir l’Agenda 2030 !
Ainsi, pour nous entendre sur les mots, il n’est sans doute pas suffisant d’en écouter la polysémie actuelle ; encore faut-il aussi les (ré)inscrire dans l’Histoire. Ce fut le cas en 2014 lorsque l’exercice collectif sur la « définition » de l’intérêt général a obligé à revenir sur 1 500 ans d’histoire de France pour en (re)découvrir les racines (cf. rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance », publié en novembre 2015). Nous y avons alors compris que s’il était impossible de définir l’intérêt général sans en détruire la valeur intrinsèque, il était possible d’en déduire les « principes actifs » dans un espace-temps donné. Ils sont au nombre de trois : la vision partagée, l’action collective transformatrice, et la gestion régulatrice. Mieux encore, grâce au cheminement collectif, nous y avons appris que ce n’est pas tant l’activation de chaque levier qui était important, mais leurs articulations. Constituant ainsi une forme de « barycentre » en équilibre dont les évolutions doivent être en harmonie afin de garantir non seulement la performance de gestion, mais aussi la pertinence de l’action et la cohésion des acteurs. Seul ce triple résultat est capable de donner l’élan nécessaire au changement dans une période de transformation systémique.
C’est à partir de ces principes d’intérêt général que les 7 forces du changement systémique ont été déclinées (cf. article « Eclairer le 3ème levier du changement »).
Prendre le temps de la pédagogie !
Si les mots sont parfois amplificateurs de nos maux, il faut donc les utiliser avec prudence.
Le philosophe Albert LICHTEN dans « la peinture : écriture ou métamorphose ? » invite à voir dans l’Art la capacité à transcender les mots. C’est aussi la position du philosophe Olivier FREROT qui rappelle que dans l’Histoire de l’humanité, les Arts ont toujours joué un rôle pédagogique avant que les mots ne soient capables de traduire ce que les sens ont déjà compris depuis longtemps.
Ainsi, plus que de dire, il nous faut en faire vivre l’expérience. C’est le meilleur moyen de nous réapproprier le Sens de l’action, tant en tant de direction que de valeur. C’est bien l’intuition partagée qui ressort des études IMPACT-Citoyens en 2019, 2020 et 2022, ainsi que de l’étude « La parole des jeunes en Actions » dans le cadre du programme « Jeunes & Territoires 2050 » : Aujourd’hui, « Seule l’Action est Engagement ! ».
Celle du RAMEAU est notamment de mettre en débat les mots dans leur pluralisme afin de favoriser un dialogue fécond qui encourage le « Pari de la confiance ». Après l’articulation « Commun(s) »/ « intérêt général » qui incarne celle du « JE » / « NOUS » dans le livre : « Commun(s) » : discours de la méthode – Vers le « pari de la confiance », les mots « Jeune(s) », « Territoire(s) », « Valeur(s) », « Trajectoire(s) » ont été déclinés en début d’année en rétrospective des enseignements acquis en 2023. Cette semaine, le glossaire en complète le cheminement avec « Théorie(s) » (cf. article « Vous avez dit « Théorie(s) » ? ») et « Pratique(s) » (cf. article « Vous avez dit « Pratique(s) » ? »). C’est la façon qu’a choisi Le RAMEAU de répondre à l’Appel de Claude ALPHANDERY.
Après ces 6 premiers mots en 2024, le 7e sera celui de « Transition(s) » ! Après l’invitation « Ensemble, accélérons les Transitions », notre laboratoire de recherche empirique se donne 9 mois – le temps d’une gestation – pour en identifier la diversité de Sens.
N’hésitez pas à y apporter votre contribution ! Chaque pierre compte dans cette démarche de co-construction de la (re)découverte de nos « Commun(s) » …