Budget 2025 : « un plan social à bas bruit a déjà commencé dans l’économie sociale et solidaire », alerte l’Udes
186 000 emplois sont toujours menacés par le budget de l'État voté en février dernier, s'inquiète David Cluzeau, le nouveau président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes). Il appelle à l'organisation d'un « tour de table des collectivités », pour fixer des priorités. Il espère ainsi éviter une « catastrophe industrielle », qui aurait des conséquences extrêmement négatives sur l'emploi dans l'ESS, mais aussi sur la cohésion sociale.

« 186 000 emplois de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont menacés par le budget de l’État 2025 », assure David Cluzeau, le nouveau président de l’Union des employeurs de l’ESS (Udes), invité à s’exprimer devant les adhérents de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) le 7 mars. Ce chiffre avait déjà été avancé en octobre dernier, face à la première version du budget de l’État présentée par le gouvernement de Michel Barnier. « Avec le nouveau budget, nous maintenons ces prévisions, même si les coupes des dotations accordées par l’État aux collectivités sont moins élevées que prévu », explique David Cluzeau.
Plusieurs facteurs jouent en effet. D’abord, « certaines collectivités avaient déjà décidé de réduire les budgets ESS avant l’adoption définitive du budget de l’État, et ne comptent pas revenir sur leur décision », souligne-t-il. Ensuite, trois mois se sont écoulés depuis le début de l’année « sans budget à exécuter », ce qui a incité certaines associations à suspendre des projets, ou a fragilisé leur trésorerie, les mettant dans une situation financière difficile. Enfin, David Cluzeau souligne « l’effet domino » de la baisse des financements à l’ESS : « un euro de moins pour l’ESS, ça veut dire moins de capacité pour ces structures à aller chercher des cofinancements ou des recettes d’activité ».
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Des conséquences très lourdes pour les emplois et la cohésion sociale
Le président de l’Udes souligne par ailleurs que le budget de l’État est encore difficile à lire et interpréter : « nous recevons des précisions au compte-goutte sur telle ou telle enveloppe budgétaire ». Mais il dénonce des conséquences très lourdes pour l’ESS, et un « plan social à bas bruit qui a déjà commencé ». « Des réductions d’effectifs sont déjà en cours, et on sait que certaines structures de l’ESS, notamment dans le social et le médico-social, vont disparaître », déplore le président de l’Udes.
Des réductions d’effectifs sont déjà en cours, et on sait que certaines structures de l’ESS, notamment dans le social et le médico-social, vont disparaître », selon David Cluzeau.
Outre les effets sur l’emploi, ces difficultés auront des impacts sur la cohésion sociale et sur les « services rendus à la population », si l’ESS n’a plus les moyens de les assurer. « Cela va aussi poser des problèmes d’attractivité des territoires, et va poser la question de la réorganisation des solidarités dans la sphère intra-familiale, réorganisation qui risque d’être défavorable aux femmes », insiste David Cluzeau.
L’appel de l’Udes à un « tour de table des collectivités »
Face à cette situation, l’Udes appelle à l’organisation d’un « tour de table des collectivités », visant à réunir les différents niveaux de collectivités pour déterminer avec elles « les priorités » et pour « éviter les catastrophes industrielles », en envisageant comment les missions de service public assurées par les acteurs de l’ESS pourront continuer à être effectuées, et en se préoccupant d’accompagner les structures en difficulté. Un courrier officiel a été envoyé en ce sens à l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, Régions de France, Intercommunalités de France et France Urbaine.
Une demande qui rejoint le projet de la ministre chargée de l’ESS, Véronique Louwagie, de réunir une « conférence des financeurs » de l’ESS, associant les collectivités, l’État, mais aussi la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la Banque publique d’investissement (BPI) et des financeurs privés, au mois de juin 2025. « Pour nous, juin, c’est trop tard, alerte néanmoins David Cluzeau. Il y a urgence à agir. Et par ailleurs, les financeurs privés ne pourront pas compenser le désengagement des financeurs publics. »
Des financements en baisse dans certaines collectivités
Plusieurs régions ont d’ores et déjà décidé d’une diminution des budgets consacrés à l’ESS, notamment les Pays-de-la-Loire, Auvergne-Rhône Alpes ou la Provence-Alpes-Côte d’Azur. D’autres, comme la Nouvelle-Aquitaine, qui accueillera à la fin octobre le Forum mondial de l’ESS, auraient au contraire choisi de maintenir leur soutien à l’ESS. « En ce qui concerne les régions, cela correspond à des choix politiques. Mais les départements, eux, sont en grande difficulté, et risquent d’agir plus par contrainte que par choix politique, d’autant qu’ils ont peu de possibilité d’aller chercher des recettes fiscales », note David Cluzeau, qui craint d’importantes baisses de crédits de ce côté. « Le département de Seine-et-Marne (77) a déjà décidé de supprimer tous ses financements au secteur de l’éducation populaire », souligne-t-il.
Les départements sont en grande difficulté, et risquent d’agir plus par contrainte que par choix politique, d’autant qu’ils ont peu de possibilité d’aller chercher des recettes fiscales. »
David Cluzeau enfonce le clou : « Le budget de l’État pour 2025 a été voté avant même qu’Emmanuel Macron annonce les efforts de la France sur sa défense, face aux menaces géopolitiques, et c’était déjà très compliqué pour l’ESS. Mais avec cette nouvelle donne, les conflits d’arbitrage vont être vertigineux. » Et sans doute encore plus défavorables à l’ESS et à la cohésion sociale, suggère-t-il.
Dans ce contexte, les salariés du secteur de la santé, du social et du médico-social ont appelé à une mobilisation le 1er avril prochain.
Camille Dorival