De nombreuses ONG relancent les marches pour le climat : « la justice climatique et la justice sociale vont de pair »
Plus de 280 organisations de la société civile s’allient pour organiser des marches appelées « Climat, justice, libertés ! » en France le dimanche 28 septembre. Elles formulent des demandes en matière de protection de l’environnement, mais aussi de justice « fiscale et sociale », ainsi que de lutte contre le racisme et pour les droits humains.

64 « marches des résistances » auront lieu sur le territoire français les samedi 27 et dimanche 28 septembre, à l’initiative de douze ONG dont Les Amis de la terre, Greenpeace France ou encore Attac France. En tout, plus de 280 organisations ont rejoint ce mouvement appelé « Climat, justice, libertés ! ».
« Nous sommes à l’aune de la COP 30, à dix ans de l’accord de Paris », commence Gabriel Mazzolini, chargé de construction de mouvement pour Les Amis de la terre, lors d’une conférence de presse organisée le 25 septembre. Il rappelle que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 degré est inatteignable, selon des scientifiques, et « la 7ᵉ limite planétaire [concernant l’acidification des océans] est dépassée ». En même temps, « la guerre a pris une part importante dans les discussions publiques (...), ce qui provoque un déplacement de fonds » destinés à financer la transition vers la défense, poursuit-il. Enfin, un « silence médiatique s’est imposé depuis deux ans » déplore-t-il, alors qu’un « déni climatique, un climato-scepticisme politique s’est structuré par et pour l’extrême-droite » dans « différents pays occidentaux ».
La marche s’inscrit dans le mouvement international #Drawtheline, lancé par des « leaders autochtones d’Amérique latine et du Pacifique ». Des actions ont été organisées dans ce cadre entre le 15 et le 28 septembre. « Nous emboîtons le pas » aux mobilisations du 10 et du 18 septembre en France, organisées à l’initiative du mouvement Bloquons tout et des syndicats, ajoute Gabriel Mazzolini. « Nous espérons pouvoir contribuer à leur pérennisation », indique-t-il.
Contre la loi Duplomb
« Le mouvement climat évolue, il a évolué », fait valoir Léa Geindreau, d’Action justice climat, qui estime que la comparaison avec les marches pour le climat de 2018 et 2019, au cours desquelles des milliers de citoyens avaient marché dans plusieurs villes de France, est « un peu erronée ». « Désormais, on le sait, la justice climatique et la justice sociale vont de pair », affirme-t-elle. « Nos marches sont un appel à un changement de système ». Parmi les revendications des ONG : une « sortie juste des énergies fossiles », avec « des financements pour les pays du Sud » et en « [prenant] en compte les enjeux de reconversion et qui garantisse les emplois et les droits sociaux ».
Elles appellent également à l’abrogation de la loi dite Duplomb, « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », décriée pour les reculs environnementaux qu’elle entérine. « Cela fait des années qu’on donne les clés des politiques agricoles et alimentaires aux lobbies », déplore Florent Sebban du Mouvement inter-régional des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Miramap), qui soutient les manifestations. Il pointe les conséquences sur la santé de « toute une série de législations, d’accords, qui ont pour objectif de faire une pression à la baisse sur les protections environnementales et sociales », mentionnant le traité entre le Mercosur et l'Union européenne.
Une prise de position en faveur de la taxe Zucman
Aux côtés des traditionnelles associations de défense de l’environnement, on peut aussi trouver des syndicats : la CGT, FSU et Solidaires. La CGT « est forcément impliquée dans la nécessaire transition écologique », soutient Fabienne Rouchy, secrétaire confédérale en charge des questions environnementales, pour expliquer la participation de l’organisation au mouvement. « Les travailleurs et travailleuses sont les premières victimes des comportements polluants des entreprises, avance-t-elle. Ils ont aussi besoin de pouvoir porter des projets alternatifs. »
Plusieurs des demandes du mouvement portent sur la justice « fiscale et sociale ». Dans le cadre du budget 2026, les ONG revendiquent la mise en place la taxe dite Zucman sur les hauts patrimoines et une « taxation des grandes entreprises polluantes ». « Les ressources pour financer [la] transition et les services publics existent », soutient Soraya Fettih, de l’ONG 350.org. Mais « tant que nous laissons les règles du jeu économiques au bénéfice d’une minorité, nous n’aurons pas les moyens » de le faire, déclare-t-elle. Les ONG exigent aussi l’abrogation de la réforme des retraites, ainsi qu’une revalorisation des salaires, minimas sociaux et pensions de retraite.
Des revendications antiracistes
La mobilisation réunit des organisations qui ne participaient pas forcément aux marches pour le climat de 2018 et 2019. « Nous avons pour habitude d’observer des marches, des espaces, où on ne se sent pas forcément représentés », témoigne Sanaa Saitouli, co-fondatrice de l’association Banlieues climat, qui a pour objectif de permettre aux habitants des quartiers populaires de se mobiliser sur les questions écologiques. « On sent que les lignes sont en train de bouger, se réjouit-elle Ce rendez-vous, dimanche, va nous permettre de nous unir, de lutter, de porter un combat commun ».
Parmi les ONG mobilisées, on trouve aussi Les Impactrices. Cette organisation « œuvre pour une écologie juste, inclusive, décoloniale et anti-raciste », détaille Hala Bounaidja-Rachedi, qui la représente. « Nous portons des mesures climatiques qui prennent vraiment en compte les plus vulnérables », appuie-t-elle. Elle alerte notamment sur les « inégalités de traitement dans les territoires ultramarins », dénonçant une « continuité de politique coloniale ». Le mouvement souhaite notamment le lancement d’un « plan national de prise en charge du scandale du chlordécone », un pesticide dont l’utilisation a causé de graves atteintes à la santé et des pollutions en Guadeloupe et en Martinique.
« Il est uniquement possible de garantir la justice climatique si on inclut la justice raciale, la justice de genre et la justice alimentaire », abonde Andressa Dos Santos Duta, représentant la campagne Rio sans pétrole et Greenfaith. En règle générale, les ONG revendiquent que « le combat contre toutes les formes de discriminations et d’oppressions des minorités soit mis au cœur de l’action publique et politique ».
Un engagement pour la Palestine
Waves of freedom, l’organisation citoyenne qui a organisé l’envoi vers Gaza d’une flottille humanitaire, participe aussi à la mobilisation. « Nous ne pouvons pas, en tant que mouvement climat cohérent et sérieux, fermer les yeux face à un génocide qui se déroule devant nous », soutient Gabriel Mazzolini, des Amis de la terre.
« La France immédiatement toute forme d’aide ou d’assistance qui contribue à maintenir l’occupation illicite du territoire palestinien, notamment en stoppant tous les échanges commerciaux avec les colonies illégales, en mettant en place un embargo complet sur les ventes et transferts d’armes », exige le mouvement d'ONG. « La convergence des luttes sociales, écologiques et politiques peut briser l’isolement imposé à Gaza », soutient Hélène Coron, qui représente Waves of freedom.
Célia Szymczak