Droit des femmes : quelles sont les solutions contre le « backlash » ?
Dans un rapport, la Fondation Jean-Jaurès fait le constat d’une menace permanente envers les droits des femmes dans le monde. Pour la contrer, elle établit plusieurs recommandations pour la politique française. Détails.
Le rapport de la Fondation Jean-Jaurès « Droit des femmes : combattre le « backlash », publié le 13 février, décrypte une vague de mouvements conservateurs qualifiés d’anti-droits. Partout dans le monde, ils « réagissent violemment dès que les droits des femmes connaissent de nouvelles avancées, (...) déploient des stratégies pour non seulement saper ces progrès, mais aussi faire reculer les droits des femmes de façon générale ».
Si les autrices considèrent que « La France figure actuellement parmi les États les plus progressistes en la matière au niveau européen », elles notent aussi « des résistances au niveau national, que ce soit dans le débat autour de la constitutionnalisation de l’IVG ou sur la question des violences sexistes et sexuelles dans la société. De nombreux responsables politiques sont maintenus à leur poste alors qu’ils sont mis en cause pour des faits de violences ». Face à ce constat, elles effectuent un certain nombre de recommandations visant à améliorer la politique de la France contre les mouvements anti-droits.
Qui sont ces « mouvements anti-droits » ?
Constitués d’acteurs étatiques ou non-étatiques « issus des milieux économiques, politiques et religieux », les mouvements anti-droits forment des « alliances hétéroclites ». Quel est leur « point de ralliement » ? Le contrôle du corps des femmes et en particulier celui de leur droit à l’avortement.
« Les mouvements anti-droits nient les droits de toute personne qui ne répond pas au modèle hétéronormé et cisgenre. Ces attaques s’exercent sous diverses formes, dans un continuum de violences sexuelles et institutionnelles : renvoi systématique des corps des femmes à leur fonction reproductrice, négation de l’identité des personnes trans, criminalisation de la sexualité des personnes homosexuelles. »
Sur notre continent, ces mouvements « s’organisent à travers » la coordination Agenda Europe, « qui regroupe plus de 100 associations de plus de 30 pays européens » et s’en prend aux droits des personnes LGBTQIA+ ou à la Convention d’Istanbul. Ce texte, adopté dans le cadre du Conseil de l’Europe, vise à prévenir les violences fondées sur le genre, protéger les victimes et sanctionner les auteurs.
Comment la France peut-elle les combattre ?
Les autrices jugent que la France, qui s’est engagée à déployer une politique étrangère féministe, a un « rôle particulier à jouer pour contrer les attaques des anti-droits, mais aussi pour entraîner dans leurs rangs les États plus silencieux et moins volontaristes sur ces enjeux ».
« Il faut occuper le terrain partout (aux plans local, national, international) et avancer sur tous les fronts, en soutenant les associations et en rendant possible la création d’alliances féministes transnationales. C’est aussi un enjeu de cohérence pour la France, car la crédibilité d’une politique étrangère féministe dépend également des investissements financiers, de l’exemplarité institutionnelle et des avancées législatives portées sur le territoire national. »
Ainsi, à l’échelle nationale, faire aboutir la constitutionnalisation du droit à l’avortement renforcerait la protection du droit des femmes en France et « enverrait aussi un signal puissant à l’international ». Selon les autrices, il faut par ailleurs renforcer l’application des séances d’éducation à la sexualité en milieu scolaire et les moyens dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Actions à l’échelle transnationale
Pour contrer le backlash, les associations féministes constituent le « meilleur rempart », estiment les autrices. Ainsi, il faut accroître « de façon substantielle » le soutien financier qui leur est accordé. La France doit aussi mettre en œuvre « une protection renforcée et spécifique des activistes et défenseures des droits humains » : veiller à leur liberté de circulation et de communication, assurer leur participation « dans toutes les institutions de la société » ou mesurer les risques qu’elles encourent.
Enfin, le rapport recommande que la diplomatie française fasse « des luttes féministes un sujet prioritaire ». Plusieurs mesures visent cet objectif : former les personnels politiques et administratifs des ministères et des cabinets à ces questions, affirmer la voix de la France en faveur du droit des femmes et de l’égalité de genre « dans toutes les instances internationales », « agir pour une régulation des GAFA contre les discours en ligne sexistes » ou encore « augmenter les contributions financières de la France aux instances multilatérales de promotion des droits des femmes » et de suivi des droits humains.
Célia Szymczak