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Par Carenews INFO - Publié le 16 octobre 2024 - 16:19 - Mise à jour le 17 octobre 2024 - 10:14 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Entreprises : quelles bonnes pratiques pour protéger la santé mentale des salariés ?

Les entreprises ont aussi une responsabilité sur les questions de santé mentale. Elles jouent parfois un rôle important dans la détérioration du mal-être des travailleurs. Il existe pourtant des moyens de limiter les risques et d’accompagner les salariés.

Les entreprises doivent jouer un rôle : le Code du travail exigent des employeurs qu'ils protègent la santé mentale de leurs salariés. Crédits : iStock.
Les entreprises doivent jouer un rôle : le Code du travail exigent des employeurs qu'ils protègent la santé mentale de leurs salariés. Crédits : iStock.

 

 

« On a déployé des moyens, on veille à ce qu’ils soient adaptés », assure Geneviève Thiaucourt, directrice médicale et santé au travail pour Saint-Gobain. Le groupe de 160 000 collaborateurs - dont 38 000 en France - affiche une préoccupation pour la santé mentale de ses salariés.  

Au niveau international, Saint-Gobain propose le « Mental well-being program ». Parmi les dispositifs mis en place : un portail en ligne, présentant aux collaborateurs des « bonnes pratiques » sur des sujets relatifs au management, à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ou l'environnement physique de travail. Des modules de formation en ligne sont aussi proposés. Les salariés peuvent rencontrer des psychologues dans l’urgence, en cas « d’événement traumatisant » lié à leur travail ou à leur vie personnelle, s’ils en font la demande. Dans « la plupart des sites » du groupe, ils peuvent par ailleurs obtenir des rendez-vous gratuits auprès de psychologues vacataires.  

En France, un programme spécifique consiste à déployer des webinaires de 45 minutes et des ateliers sur site « en petit comité » sur des sujets relatifs au bien-être au travail. 3 000 personnes disposent d’un accès à l’application Holivia, fournissant « des outils d’information et de sensibilisation » et à « quatre ou cinq consultations gratuites avec des psychologues par salariés ». « Nous sommes très sensibilisés à ces questions », estime Geneviève Thiaucourt. 

 

Une obligation légale qui doit être remplie avec conviction 

 

Comme Saint-Gobain, beaucoup d’entreprises prennent conscience de leur rôle pour la santé mentale des collaborateurs. « Il y a les situations de handicap psychique et d’inaptitude, où quelque part les entreprises sont obligées d’agir. Il y a aussi toutes les situations d’anxiété, de mal-être, de souffrance », indique Claire Le Roy-Hatala, sociologue, intervenante en entreprise sur le sujet et auteure de l’ouvrage La vérité sur les troubles psychiques au travail (Payot, 2024). En France, une personne sur quatre déclare souffrir d’au moins un problème de santé mentale, selon une enquête Ipsos pour Axa menée fin 2023. De plus, la santé mentale est variable dans le temps. Une personne n’ayant pas de problème aujourd’hui en rencontrera peut-être un jour et inversement.  

 

Il y a les situations de handicap psychique et d’inaptitude, où quelque part les entreprises sont obligées d’agir. Il y a aussi toutes les situations d’anxiété, de mal-être, de souffrance

Claire Le Roy-Hatala, intervenante en entreprise sur le sujet, auteure de La vérité sur les troubles psychiques au travail (Payot, 2024)

 

Selon le Code du travail, toutes les entreprises doivent prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Mais au-delà de la contrainte, « il y a un bénéfice socio-économique majeur pour l’entreprise, un enjeu de performance et d’attractivité », souligne Claire Le Roy-Hatala, également vice-présidente de la Communauté internationale de pratiques santé mentale et travail. En effet, les mesures en faveur de la santé mentale, si elles sont correctement mises en place, limitent les risques d’absentéisme et de turn-over. Elles améliorent la productivité. Mais attention, « s’il n’y a pas de sincérité dans la démarche, elle va être cosmétique », prévient la spécialiste. Les dirigeants doivent être convaincus de l’importance de cette question et afficher clairement leur engagement.   

 

Le rôle clé des managers

 

Dans une entreprise, il faut d’abord briser les tabous sur la santé mentale. L’objectif est notamment de créer un climat propice à la prise de parole des personnes concernées. Pour sensibiliser les équipes, Claire Le Roy-Hatala promeut les fresques sur la santé mentale. « Ce sont des outils extrêmement complets et sérieux, qui permettent un vrai temps d’échange dédramatisant le sujet. Il y a un grand soulagement quand on participe à ces actions », explique-t-elle. « Il y a aussi de formidables conférences réalisées par des personnes concernées. Ce sont de très bons leviers pour libérer la parole et lutter contre les stéréotypes ». 

Au-delà de la sensibilisation, la loi exige des entreprises qu’elles forment et informent les salariés. À cette fin, Margaux Bergamelli, psychologue du travail, suggère par exemple de financer et de prendre en charge la formation Premiers secours en santé mentale, déployée par l’association du même nom et organisée sur deux jours. Les participants apprennent à reconnaître les troubles de santé mentale et les moyens d’aider des personnes concernées. 

 


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S’il est important d’informer tout le monde, c’est en effet parce que chacun joue un rôle dans l’entreprise, y compris les collègues. « Il y a des cas où tout un service savait qu’une personne était harcelée et n’a rien dit, c’est parfois de la non-assistance à personne en danger », illustre Margaux Bergamelli. En dehors de ces cas, « être attentif les uns aux autres, à l’écoute, non stigmatisant, c’est aussi un vecteur de santé mentale », soutient Claire Le Roy-Hatala. Des salariés peuvent même être désignés référents sur la question. Ils sont alors chargés de repérer des situations de souffrance puis de communiquer des informations aux personnes pour qu’elles puissent trouver de l’aide. 

Les managers, quant à eux, ont bien sûr un rôle essentiel dans la détection des signaux de mal-être et l’orientation des personnes. Il faut les former à aller vers elles et à faire face à cette situation. « Il faut qu’ils garantissent aux personnes qu’on ne va pas les “mettre au placard”, les renforcer dans leurs capacités à agir, ouvrir le dialogue pour rechercher une solution et en même temps, ne pas être un thérapeute », précise Claire Le Roy-Hatala. 

 

Des applications parfois peu utiles

 

Parmi les autres solutions déployées par certaines entreprises : des lignes d’écoute. Elles peuvent être utiles, mais ne constituent pas une solution parfaite. « Elles sont peu utilisées, soit par manque de confiance, soit parce que ce n’est pas évident lorsque l’on a l’impression que les maux sont liés aux travail », constate Claire Leroy-Hatala.  

Si l’entreprise ne met pas de moyens pour des formations ou l’accès à des soins, [les applications peuvent être]un peu gadget »

Margaux Bergamelli, psychologue du travail

Des entreprises proposent aussi un accès à des applications ou plateformes, à l’instar de celles utilisées par Saint-Gobain. « Il y a de plus en plus d’applications qui donnent des conseils de nutrition, de santé, de sport… C’est mieux que rien, mais si l’entreprise ne met pas de moyens pour des formations ou l’accès à des soins, c’est un peu gadget », alerte Margaux Bergamelli. D'autres applications fournissent des informations et mettent parfois en lien les salariés avec des psychologues. « Toutes les propositions permettant d’apporter un soutien sont importantes et valables. Mais il ne faudrait pas croire que c’est la solution à tous les problèmes », confirme Claire Leroy-Hatala. « Une erreur à ne pas faire, c’est de laisser la santé mentale aux salariés seuls devant un écran ou une application ». 

 

L’organisation du travail au centre du sujet 

 

Le risque : ignorer la question des conditions de travail, cruciale dans le développement de troubles de santé mentale. Ceux-ci peuvent être liés à l’intensité et à la charge de travail, à des relations tendues ou encore au manque d’autonomie par exemple. « Des entreprises m’appellent pour que j’intervienne sur le harcèlement mais sans évoquer l’organisation du travail. Je refuse ! On met la responsabilité d’être résilient dans les mains d’une personne et on se dédouane si elle n’est pas résiliente, déplore Margaux Bergamelli. Oui, certaines personnes ont des traumatismes avec lesquels elles viennent au travail. Mais pour beaucoup, les troubles se développent en raison du travail. » Des ateliers impliquant des personnes représentant différents niveaux et postes dans l’entreprise peuvent selon elle être bénéfiques pour réfléchir collectivement à ces sujets.  

 

Pour beaucoup, les troubles se développent en raison du travail.

Margaux Bergamelli, psychologue du travail

 

La loi impose de toute façon aux entreprises de prévenir les risques psychosociaux, en appliquant neuf principes (voir  ci-dessous). Ces risques sont de trois ordres : les violences externes comme des insultes prononcées par des clients, les violences internes comme le harcèlement, et le stress. Toutes les entreprises doivent faire un audit de ces risques. « Il en existe quoi qu’il arrive », souligne Margaux Bergamelli. 

 

Les obligations légales en matière de santé mentale
Les obligations légales des employeurs en matière de santé mentale. Crédits : Carenews.

 

Célia Szymczak 

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