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Par Carenews INFO - Publié le 8 janvier 2025 - 15:24 - Mise à jour le 9 janvier 2025 - 10:12 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Généralisation de la réforme du RSA, toujours contestée par les associations

Les associations de lutte contre la pauvreté s’opposent notamment à l’obligation pour les bénéficiaires du RSA de réaliser 15 heures d’activités hebdomadaires.

Les bénéficiaires du RSA doivent désormais signer un contrat d'engagement établissant leurs obligations. Crédits : iStock.
Les bénéficiaires du RSA doivent désormais signer un contrat d'engagement établissant leurs obligations. Crédits : iStock.

 

Depuis le 1er janvier 2025, un changement important s’est produit pour les personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Elles seront désormais inscrites auprès de France Travail et devront signer un contrat d’engagement précisant leurs objectifs d’insertion, ainsi que les actions de leur organisme référent. Mais, sujet clé, ce contrat fixe aussi un nombre d’heures d’activités hebdomadaires pour la personne allocataire, censé être de quinze heures au minimum.  

49 territoires ont d’ores et déjà expérimenté ces nouvelles modalités de versement du RSA depuis 2023, ce qui correspond à l’accompagnement de 170 000 allocataires, selon le ministère du Travail. La généralisation de la réforme était prévue par la loi dite « plein emploi » du 18 décembre 2023, pour les 1,8 million de bénéficiaires. 

« Nous pensons que cette généralisation arrive précipitamment, sans possibilité de tirer toutes les conséquences (...) des effets de cette réforme pour les personnes concernées », estiment Aequitaz, ATD Quart monde et le Secours catholique, soutenues par d’autres associations, dans un rapport publié en octobre 2024 destiné à tirer un « premier bilan » des expérimentations. Elles appellent à la suspension de la généralisation de cette réforme et « notamment de l’obligation de réaliser 15 heures d’activité hebdomadaires ». Elles réitèrent leur opposition dans une tribune publiée le 31 décembre dans le quotidien Les Echos. 

 


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Des modalités de sanction à préciser 

 

Les activités prévues par la réforme peuvent être dédiées à définir un projet professionnel, à la recherche d’emploi, à des démarches d’accès aux droits ou encore à des actions dans le secteur associatif. « La plupart du temps, on voit qu’il s’agit d’heures dites “en autonomie” », précisait en novembre Henri Simorre, qui a participé à la rédaction du rapport pour ATD Quart monde, soit des heures « déclaratives, peu efficaces » alors que celles « utiles et réellement efficaces sont très réduites ». 

Dans le cas où l’allocataire ne peut se projeter dans l’emploi, car il doit résoudre des problèmes de santé ou familiaux ou de logement, on en revient à contraindre de faire des heures sans objectif d’insertion, mais uniquement pour justifier son RSA », peut-on lire dans le rapport.  

En cas de non-respect des engagements ou de refus de signature du contrat, le versement de l’allocation pourra être suspendu voire supprimé partiellement ou totalement. Un décret doit préciser les modalités de ces sanctions, mais il n’est pas encore paru : les associations demandent à ce qu’il ne soit pas publié. 

 

Des risques d’intrusion dans la vie privée 

Dans le rapport, Aequitaz, ATD Quart monde et le Secours catholiques formulent quatre « alertes », à partir de premiers retours issus des expérimentations qu’elles ont regroupés. Leur premier avertissement porte sur un « risque de glissement vers le travail gratuit ». 

« Aujourd’hui, rien ne permet de limiter le risque de substitution de ces activités à de véritables emplois, alors même que ces risques semblent avérés », avancent-elles, citant l’exemple d’une commune de l’Eure où les bénéficiaires ont participé à l’entretien d’espaces publics sans perspectives d’embauche. 

Elles pointent également un risque d’intrusion dans la vie privée des personnes en raison du contrôle des heures réalisées.  

 

Concilier accompagnement professionnel et social  

 

Les associations s’inquiètent également du pré-diagnostic de la situation des personnes réalisé au moyen d’un algorithme dans « la plupart des départements ». Celui-ci est destiné à orienter la personne vers un organisme référent. « Sous couvert de rapidité, il n’est pas prévu que la personne concernée soit associée à ce pré-diagnostic, ce qui est déjà un problème en soi », soulignent-elles, s’interrogeant également sur les modalités d’élaboration de l’algorithme.  

Elles appellent par ailleurs à ne pas réduire l’accompagnement « à la seule dimension du retour à l’emploi ». Elles insistent sur les besoins d’insertion au sens large, en matière d’accès au logement, à l’éducation ou à la santé par exemple, et sur les freins à l’emploi rencontrés par de nombreux bénéficiaires du RSA. Elles s’alarment d’un risque de décrochage de l’accompagnement, si celui-ci s’avère inadapté à leur situation ou en cas de sanction.  

 

Une augmentation probable du non-recours 

 

La réforme vise à proposer une orientation plus rapide aux bénéficiaires vers un accompagnement. Un objectif « louable » selon les associations : la prise en charge des bénéficiaires s’est nettement accélérée avec la réforme. Elles craignent toutefois une augmentation des sanctions voire des radiations dans le cas où les bénéficiaires ne répondent pas à la convocation par « défiance, abandon, méconnaissance et/ou peur de la réforme ». 

Aequitaz, ATD Quart monde et le Secours catholique s’alarment d’un accroissement du taux de non-recours au RSA, évalué à plus de 30 %. Selon le Secours catholique, ce taux a augmenté de 10,8 % dans les départements expérimentant la réforme en un an, contre 0,8 % dans les autres territoires.  

 

Quelle qualité d’emploi ? 

 

Si les auteurs du rapport se réjouissent de « l’amélioration des ratios d’accompagnement dans le cadre des expérimentations (...) grâce à des financements supplémentaires », ils s'interrogent sur «  la pérennité et du renforcement de ces financements », notamment en raison des coupes budgétaires opérées par le ministère de l’Économie début 2024 et dans un contexte de réduction des dépenses publiques.  

Enfin, les associations émettent des doutes sur la qualité des emplois retrouvés par les personnes suivies. Celles-ci pourraient ne pas avoir d’autre choix que de se réinscrire au RSA une fois un contrat à durée déterminée achevé ou être orientées vers les secteurs avec le plus de problèmes de recrutement. Il s’agit de « ceux qui ont les conditions de travail les plus difficiles et les rémunérations les plus faibles », alors que l’état de santé des bénéficiaires du RSA est statistiquement moins bon que celui de la population générale. Aequitaz, ATD Quart monde et le Secours catholique constatent enfin « les difficultés des personnes à trouver des entreprises volontaires pour les accueillir » et des « méthodes de recrutement [restant] bien souvent classiques et marquées par des discriminations diverses ».  

 

Célia Szymczak 

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