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Par Carenews INFO - Publié le 11 octobre 2023 - 18:10 - Mise à jour le 11 octobre 2023 - 18:26
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Inclusion des LGBTI+ au travail : Alexandre Maymat de la Société Générale encourage les entreprises à s’engager

Directeur de l’audit, de l’inspection et membre du comité de direction de Société Générale, Alexandre Maymat fait partie de la liste des rôles modèles dirigeants LGBT+ établie par l’association l’Autre Cercle. À l’occasion de la journée internationale du coming out ce 11 octobre, il confie dans un entretien à Carenews sa vision des enjeux d’inclusion au sein des entreprises.

Pour Alexandre Maymat, les entreprises doivent collaborer et partager leurs bonnes pratiques sur la question de l'inclusion des personnes LGBT + au travail. Crédit :  DR
Pour Alexandre Maymat, les entreprises doivent collaborer et partager leurs bonnes pratiques sur la question de l'inclusion des personnes LGBT + au travail. Crédit : DR

 

L’atmosphère légère et joyeuse était contagieuse ce mardi 11 octobre au soir dans les couloirs du Grand Rex. La salle de spectacle parisienne accueillait la cérémonie de l’édition 2023 des Rôles Modèles LGBT + et Allié·e·s, organisée par l’association l’Autre Cercle, qui promeut l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. 

À tous les étages du bâtiment, le public s’est éparpillé pour siroter un verre après l’événement. Les invités débriefant déjà des temps forts de la soirée. Sans surprise, c’est le témoignage d’Alexandre Maymat qui est resté dans les mémoires. 

Sur scène, le directeur de l’audit et de l’inspection de Société Générale a partagé ce que le titre de « Rôle modèle dirigeant LGBT+ », obtenu en 2022, avait changé dans sa vie. C’est un sourire aux lèvres et avec une certaine émotion qu’il a accepté de se confier à Carenews, pour revenir sur les enjeux de la représentation des différences en entreprise. 

 

  • À l’automne 2021, vous faites votre coming out au sein de Société Générale. En mai 2022, vous vous exprimez sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir décidé de parler ouvertement de votre orientation sexuelle à ce moment-là ? 

 

Je suis issu d’une famille très catholique et bourgeoise. En 1994, mon frère, homosexuel, me confie, la veille de sa mort du sida, combien il est rassuré que je puisse perpétuer notre nom de famille. Ce jour-là, la velléité de vivre ce que j’étais s’arrête (...) Ces mots m’ont beaucoup marqué et ont entravé considérablement mon chemin de libération personnel. J’ai été marié pendant 20 ans, j’ai eu quatre enfants, c’est un cadeau merveilleux. Mais quand j’ai eu 50 ans, je me suis posé des questions. C’est la rencontre de Franck, qui est maintenant mon mari, qui m’a aidé à passer le pas et à vivre ce que j’étais. 

 

  • C’est un événement au sein de votre entreprise qui a été le déclic…

 

En effet, tout s’est joué en juin 2021, lors d’une rencontre avec d’autres collaborateurs de la Société Générale. Je fais l’expérience d’un reverse mentoring (le mentorat inversé est une pratique qui permet aux jeunes d’une entreprise de partager des bonnes pratiques avec des salariés seniors, NDLR) réalisé par le réseau Pride & Allies de la Société Générale. 

Nous étions quatre durant cet échange. Un autre membre du comité de direction de la banque et deux jeunes homosexuels du réseau. Ils m’ont raconté leurs histoires et leurs souffrances. J’ai alors réalisé que pour aller au bout de mon chemin personnel et pour que les 35 ans de souffrance que j’avais vécues servent à quelque chose, il fallait que je m’engage. 

On m’a beaucoup demandé s’il avait été difficile de faire mon coming out . Mon cri du cœur a été de dire non, ce n’est pas cela le plus difficile, c’est le chemin pour en arriver là qui l’est. 

 

  • Votre position hiérarchique au sein de la Société Générale a-t-elle facilité votre coming out ? 

 

Bien sûr, je suis protégé par le fait qu’à mon niveau, quoi que l’on pense de moi, on ne me le dit pas, ou pas directement. De plus, je vis à Paris, en France. J’ai reçu plein de témoignages de gens qui vivent en banlieue, dans des petites villes de province, où la situation est bien plus compliquée et où les enjeux d’inclusion se jouent dans des équipes beaucoup plus réduites. J’ai également été le patron de nos équipes africaines. Je sais à quel point cela peut être difficile d’être homosexuel sur ce continent.  

J’ai conscience de mon privilège. C’est pour cela que j’ai décidé de mettre à profit mon expérience, mon histoire et ma sincérité pour aider celles et ceux pour qui c’est plus difficile. 

 

  • Comment agissez-vous pour les protéger ?

 

On s’engage fermement en adoptant des politiques très offensives de lutte contre les discriminations. Quand vous êtes homosexuel, vous avez l’impression que les vexations que vous subissez au quotidien, depuis que vous êtes né, font partie du package. Vous finissez donc par accepter des comportements inacceptables. Dénoncer avec force l’inacceptable et le punir, ça libère la parole. 

 


À lire aussi : 4 actions indispensables pour lutter contre la discrimination des personnes LGBT+ au travail


 

  • Le milieu de la finance et de la banque est-il plus fermé d’esprit que d’autres secteurs d’activité ? 

 

Il est vrai que c’est un monde assez masculin, viril et phallocrate. Mais le problème d’inclusion ne concerne pas seulement les LGBT+, il est plus global. On peut observer en interne, la multiplication des réseaux de lutte contre les discriminations comme le sexisme, le racisme ou le validisme qui se battent contre la culture historique de notre banque. On peut donc se désespérer qu’on en soit toujours là, ou bien s’émouvoir du fait qu’on a beaucoup progressé. Je choisis la deuxième option. 

 

  • Vous avez également décidé d’échanger sur les bonnes pratiques en matière d'inclusion avec d’autres grandes entreprises comme Accor ou IBM. Quel message cherchez-vous à transmettre ? 

 

De nombreux secteurs d’activité connaissent le plein emploi en France. Si on se prive de recruter des gens parce que ce sont des femmes, des homosexuels ou parce qu’ils viennent de milieux sociaux moins favorisés, on aura énormément de mal à pourvoir ces postes.

De plus, une culture d’entreprise qui valorise l’inclusion et la diversité est un critère indispensable pour les jeunes générations qui ont besoin de trouver du sens et de l’authenticité dans leur travail. 

Il faut passer d’un modèle français de culture d’entreprise où la différence n’existe pas à un modèle où la différence est promue et recherchée. Il faut qu’elle soit considérée comme une source de richesse et comme un atout pour créer de la performance. 

 

  • Nous venons de vivre la cinquième édition de la cérémonie des Rôles Modèles LGBT + et Allié·e·s devant plus de 2 000 personnes au Grand Rex, en présence de dirigeants des plus grands groupes français, mais également de décideurs politiques de premier plan. Une reconnaissance inédite.  Qu’est-ce que cela vous inspire ? 

 

Plus nous sommes forts, plus nos messages passent, plus nos détracteurs se renforcent. Nous vivons dans un monde où les difficultés économiques, sociales, géopolitiques et le poids des religions peuvent conduire à un retour en arrière. Il existe une polarisation de plus en plus forte entre ceux qui sont dans la voie du progrès et ceux qui sont dans celle de la régression. Nous devons donc rester extrêmement vigilants. Ce n'est pas parce que nous sommes 2 700 ce soir qu’il faut croire que le combat est gagné. Il faut continuer à faire de la pédagogie pour faire reculer l’ignorance. 

 

Leticia Farine 

 

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