Infographie : une couverture territoriale de l’ESS croissante, mais partielle
Un chapitre du livre Les politiques locales de l’ESS, rédigé par Michel Abhervé, permet de mieux connaître le nombre d’élus locaux en charge de l’ESS et les raisons qui peuvent pousser une collectivité à créer ou non une délégation à l’ESS.
Combien de collectivités nomment des élus en charge de l’ESS ? C’est la question que se pose Michel Abhervé, ancien professeur associé à l’université de Paris Est-Marne la Vallée et ancien élu local, dans Les politiques locales de l’ESS. Cet ouvrage, dirigé par Laurent Fraisse, Marie-Catherine Henry et Jean-Louis Laville et publié en 2024, vise à dresser un bilan des politiques locales de l’ESS déployées depuis une vingtaine d'années.
Michel Abhervé est un observateur attentif de l’actualité de l’ESS : dans un blog publié sur le site du magazine Alternatives économiques, il effectue depuis 2008 une veille « systématique » sur les sites des collectivités à propos d’économie sociale et solidaire. Il a donc combiné les informations qu’il a recensées avec celles du Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES), une organisation réunissant les collectivités qui « s’engagent pour le développement de l’économie sociale et solidaire sur leur territoire ».
Premier constat : le nombre d’élus ayant une délégation à l’ESS progresse de manière « continue ». Le RTES est passé de 22 élus adhérents en 2003 à 188 en 2022. Cette croissance se vérifie dans les données collectées par Michel Abhervé. Pour autant, « il n’y a pas de généralisation de ce nouveau domaine de l’action publique à l’échelle de la France entière », souligne l’auteur, rappelant que l’ESS n’est pas une compétence obligatoire des collectivités.
Taille et développement économique
Michel Abhervé identifie des « facteurs explicatifs » de la couverture territoriale « partielle et inégale » de l’ESS. D’abord, il existe un « effet taille ». 90 % des métropoles et 71 % des communautés urbaines disposent d’un élu chargé de l’ESS en 2020. Ce n’est le cas que de 32 % des communautés d’agglomération et de 4 % des communautés de communes. « La mise en place d’une politique spécifique de soutien à l’ESS est d’autant plus aisée que la collectivité dispose d’un nombre important de délégations, de services administratifs spécialisés et de marges de manœuvre budgétaires conséquentes », observe l’auteur.
L’autre explication avancée par Michel Abhervé tient aux compétences des collectivités et notamment au fait qu’elles disposent ou non des compétences de développement économique. Par exemple, en 2021, deux tiers des régions ont nommé un élu en charge de l’ESS, contre un tiers des départements. Le développement économique est une compétence économique des premières, pas des seconds.
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L’ESS, une politique de gauche ?
« L’ESS demeure un domaine de l’action publique locale marqué politiquement », poursuit l’auteur. Historiquement revendiquée par les élus écologistes, sa prise en compte « s’est progressivement élargie à l’ensemble des composantes de la gauche » et a « gagné certaines franges centristes avant d’impliquer une partie de la droite ». En 2021, la droite est à la tête de la moitié des départements affichant une délégation à l’ESS. Cependant, « les élus de droite en charge de l’ESS demeurent une minorité », tempère Michel Abhervé.
L’ESS demeure un domaine de l’action publique locale marqué politiquement »
Michel Abhervé, "La progression du nombre d'élus locaux en charge de l'ESS", Les politiques locales de l'ESS, 2024.
À noter, l’ancrage territorial des principales forces politiques puissantes au niveau national demeure limité. Ainsi, peu de villes sont aux mains de Renaissance ou de La France insoumise. « Il est donc difficile de tirer des enseignements de l’existence ou de l’absence d’un élu » dans les rares communes où c’est le cas, souligne Michel Abhervé. Par ailleurs, aucune des villes dirigées par des maires se réclamant du Rassemblement national ne fait référence à l’ESS.
Pour conclure, Michel Abhervé note que les élus référents RTES sont rarement à des postes prestigieux ou d’influence. Il indique aussi que « certaines collectivités locales peuvent conduire des politiques actives de soutien à l’ESS sans élu en charge de l’ESS ». Il appelle donc à une enquête à l’échelle nationale, afin d’améliorer les connaissances sur le sujet, mais aussi « d’évaluer l’importance relative des différents facteurs explicatifs » et de « tester d’autres hypothèses qui n’ont pas pu être discutées » dans l’ouvrage.
Célia Szymczak