L’inquiétude des Français face à l’avenir risque se répercuter sur les dons aux associations et fondations
Le Baromètre de la solidarité de la Fondation Apprentis d’Auteuil, publié annuellement depuis 2020, met en lumière une hausse des inquiétudes des Français, liée au contexte économique et politique. Alors que le nombre de donateurs et le montant des dons sont plutôt stables, une aggravation du contexte pourrait se répercuter sur les dons, estime le baromètre.

Pour la sixième année consécutive, la Fondation Apprentis d’Auteuil publie son Baromètre de la solidarité, réalisé entre le 26 février et le 12 mars 2025 par Ipsos. Cette étude mesure depuis 2020 les intentions de dons des Français, répartis en deux groupes : la population générale des plus de 18 ans et les très hauts revenus (les 2 % de foyers fiscaux aux revenus les plus élevés). Elle évalue également les sentiments de ces deux groupes face à l’avenir.
Alors que l’édition de 2024 marquait une augmentation des dons effectués par la population, « cette année, nous remarquons une tendance à l’inquiétude avec une menace de la part des Français de se replier sur eux-mêmes », pointe du doigt Salomé Quetier Parent, cheffe de groupe Affaires publiques chez Ipsos. « Nous avons pu observer des élans de solidarité lors de la crise sanitaire ou au moment du pic de l’inflation, des évènements qui avaient une capacité forte de fédérer. Actuellement, il y a un accroissement des discours nationalistes et individualistes qui produisent plutôt l’effet inverse », analyse-t-elle.

L’avenir, une source d’inquiétudes susceptible de limiter les dons
Selon le baromètre 2025, 64 % des Français se disent inquiets pour leur avenir personnel et 73 % pour celui de leurs proches, soit des hausses de cinq points par rapport à l’édition précédente. 88 % des sondés dans la population générale se disent également inquiets pour l’avenir des jeunes et 84 % pour l’ensemble des Français - soit des hausses de quatre points par rapport à l’année précédente -, tandis que 86 % des Français sont inquiets pour les personnes en situations de précarité.
« Le contexte politique international, l’instabilité politique en France et le niveau d’endettement sont autant de causes d’inquiétudes partagées par les répondants », met en avant Félix Tentillier, chargé d’études Affaires publiques chez Ipsos. 83 % des Français sont également inquiets de l’évolution du pouvoir d’achat et 82 % de la fiscalité en France.
Au sein des populations à hauts revenus, l’inquiétude est moindre mais reste significative. 58 % d’entre eux sont inquiets pour leur avenir et 44 % pour celui de leurs proches, soit des augmentations de respectivement cinq et sept points par rapport à 2024. 57 % sont également inquiets pour leur pouvoir d’achat.
Ces tendances nous inquiètent particulièrement dans un contexte où les jeunes que nous accompagnons ont des besoins qui montent en flèche et où les financements publics se resserrent. Stéphane Dauge.
Ces inquiétudes entraînent des répercussions sur les prévisions de dons aux associations et fondations. 42 % des donateurs estiment ainsi qu’en cas d’aggravation des situations dans les prochains mois, ils réduiraient leurs dons pour préserver leur sécurité financière. Ils sont 33 % parmi les hauts revenus à répondre la même chose. « Ces tendances nous inquiètent particulièrement dans un contexte où les jeunes que nous accompagnons ont des besoins qui montent en flèche et où les financements publics se resserrent », partage Stéphane Dauge, directeur de la communication et de la collecte à la Fondation Apprentis d’Auteuil. 15 % de la population générale estime en revanche qu’elle serait plus encline à augmenter ses dons car elle considère « que soutenir les plus vulnérables est d’autant plus important dans un contexte difficile ». 30 % des hauts revenus s’identifient également à cette attitude.
Un nombre de donateurs stable depuis cinq ans
Du côté des dons, mis en perspective avec l’inflation, le montant moyen versé par le grand public en 2024 est de 344 euros, soit une légère baisse par rapport à l’année précédente où il s’élevait à 371 euros. « C’est un chiffre stable qui peut donner l’impression que la générosité des Français a atteint sa limite dans une contexte de baisse du pouvoir d’achat et d’inquiétude », analyse Félix Tentillier.
Chez les hauts revenus, ce montant s’établit à 2 322 euros en 2024, contre 2 686 euros en 2023. « L’année 2023 a été exceptionnelle pour les dons car il y a eu beaucoup de situations d’urgence. Cette situation touche notamment les hauts revenus qui ont la capacité de se mobiliser dans ces situations », rappelle le chargé d’études Affaires publiques chez Ipsos.
Le nombre de donateurs est quant à lui plutôt stable depuis cinq ans. 52 % des Français disent avoir réalisé au moins un don à des fondations ou des organismes caritatifs en 2024, soit un point de plus qu’en 2019. Ce chiffre monte à 84 % parmi les hauts revenus, soit sept points de plus qu’en 2019. 53 % des répondants du grand public prévoient également de donner au cours de l’année, contre 83 % des hauts revenus.
Cependant, à la question « avez-vous déjà fait des dons depuis le début de l’année ? », seulement 20 % des Français ont répondu « oui » en 2025. « C’est plutôt inquiétant », relève Salomé Quetier Parent. Parmi les hauts revenus, 56 % ont indiqué avoir déjà réalisé un don.
« Au sein de la Fondation Apprentis d’Auteuil, nous ressentons une baisse des dons depuis le début de l’année. Il y a également un renforcement de la saisonnalité du don vers la fin de l’année », témoigne Stéphane Dauge.
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La santé et la recherche médicale, première cause soutenue par les donateurs
Parmi les causes qui mobilisent les dons déjà effectués ou prévus, la santé et la recherche médicale revient en première position avec une mobilisation de 44 % des donateurs, soit sept points de plus que l’année précédente. Vient ensuite l’aide aux démunis, qui baisse de six points pour atteindre 32 % des donateurs. La troisième cause est la défense des animaux, qui mobilise 26 % des donateurs, puis l’enfance, la jeunesse et l’éducation, qui mobilisent 24 % des donateurs.
« Nous sommes très sensibles à ce que la jeunesse reste dans les causes principales soutenues par les dons. Nous accueillons des jeunes et des familles de plus en plus fragiles, avec des besoins de plus en plus massifs pour construire leur avenir et celui de leurs enfants », met en avant le directeur de la communication et de la collecte à la Fondation Apprentis d’Auteuil.
Élisabeth Crépin-Leblond