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Par Carenews INFO - Publié le 21 juillet 2025 - 18:59 - Mise à jour le 22 juillet 2025 - 10:56 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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La filière du réemploi textile en pleine crise

Le Relais, structure dédiée au tri, à la collecte et au réemploi des textiles de seconde main, tire la sonnette d’alarme concernant la pérennité de son modèle et des structures de l’ESS associées. Explosion de la fast fashion, insuffisance du recyclage, fermeture des marchés étrangers… Les mesures de soutien d’urgence annoncées par le gouvernement révèlent les difficultés du secteur et les divergences au sein de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) du textile.

Le 15 juillet, Le Relais a suspendu l’ensemble des collectes de ses 22 000 bornes en France. Crédit : Creative commons
Le 15 juillet, Le Relais a suspendu l’ensemble des collectes de ses 22 000 bornes en France. Crédit : Creative commons

 

 

Mardi 15 juillet, la société coopérative et participative (Scop) Le Relais a suspendu l’ensemble des collectes de ses 22 000 bornes en France. Le réseau d’entreprises de tri, qui prend en charge plus de la moitié du volume de la filière des textiles de seconde main, soit plus de 100 000 tonnes de vêtements usagés par an, alerte depuis plusieurs mois sur une situation de crise menaçant sa pérennité. 

Asphyxié sous un volume toujours plus grand de vêtements de mauvaise qualité et au bord de la cessation de paiement, Le Relais a déversé dans la même journée des tonnes de vêtements devant plusieurs enseignes de fast fashion, comme Kiabi ou Decathlon. « Le Relais rend aujourd’hui symboliquement les vêtements de la fast fashion aux enseignes concernées », a indiqué la structure dans un communiqué de presse, dénonçant « un système qui fait peser la charge environnementale et sociale sur les structures d’insertion ». « Les centres de tri sont saturés, les coûts de stockage explosent et les revenus issus des ventes de seconde main s’effondrent », s’alarmait dans la foulée Emmaüs France, mouvement dont est membre Le Relais, et appelant les pouvoirs publics à agir rapidement. 

  

Explosion de l’ultra fast fashion et fermeture des marchés étrangers : deux facteurs d’une crise profonde 

  

En toile de fond de cette situation, des relations tendues entre Le Relais et l’éco-organisme en charge de la gestion et de la prévention des déchets textiles, Refashion. Ce dernier est financé par les marques productrices de vêtements, dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP), et a pour fonction de verser une contribution financière aux organismes chargés du tri et de la collecte, dont le principal acteur est Le Relais. 

Or, la somme de 156 euros versée aux trieurs pour chaque tonne de textile collectée ne permet plus d’assurer la pérennité du modèle, alertent les acteurs du tri. « Depuis janvier, alors que les recettes chutent faute de débouchés, aucun accord n’a été trouvé pour revaloriser ce soutien, pourtant essentiel pour couvrir les coûts de nos activités », dénonce Emmaüs France dans un communiqué. La structure, avec ESS France, le Réseau national des ressourceries et recycleries, et le Cercle national du recyclage, demande au gouvernement, dans une lettre adressée à la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, « d’intervenir urgemment afin que Refashion respecte ses obligations de responsabilité des producteurs et assure un soutien à la hauteur des enjeux ». 

Parmi les facteurs pesant sur le modèle, se trouvent notamment la fermeture de marchés étrangers d’exportation des fripes - en particulier les pays africains préférant de plus en plus l’importation directe de pays asiatiques - ainsi que l’accumulation exponentielle de vêtements de mauvaise qualité, issus de l’ultra fast fashion et entraînant un travail de tri de plus en plus lourd pour les structures de l’ESS, pour une revalorisation de plus en plus faible. D’autant plus que, depuis quelques années, les Français ont tendance à ne donner aux acteurs du réemploi que les pièces les moins qualitatives, pour revendre les meilleures via des acteurs du type Vinted.  

De son côté, dans un communiqué de réponse, Refashion accuse Le Relais d’abuser de sa position dominante par « un geste de blocage délibéré », en arrêtant les collectes. L’éco-organisme demande une refonte « du système de gestion des textiles et chaussures usagés » qu’il estime « à bout de souffle ». « Persister dans cette voie, c’est continuer de maintenir un système sous perfusion et c’est là le vrai danger », met en avant Refashion. 

 


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Une aide d’urgence débloquée par le gouvernement 

  

« C’est le concept de la REP de faire dialoguer des acteurs qui ont des intérêts divergents », tente de tempérer le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, quelques jours plus tard face à la presse. Les services de la ministre de la Transition écologique appuient à leur tour sur la fermeture des marchés étrangers ainsi que sur la faible capacité de recyclage des textiles en France, comme source, selon eux, de complications pour le secteur. 

Pour « faire survivre les acteurs de la filière » jusqu’à la refonte du cahier des charges de la REP textiles, linge de maison et chaussures (TLC), prévue pour le 1er janvier 2026, une mesure « de soutien exceptionnel » a été annoncée par le gouvernement, vendredi 18 juillet. Elle comprend un rehaussement de l’enveloppe des contributions à 49 millions d’euros pour 2025 et à 57 millions d’euros pour 2026. Selon les estimations du cabinet de la ministre, cet arbitrage devrait permettre de rémunérer les acteurs du tri et de la collecte à 223 euros la tonne de textiles collectés en 2025 et à 228 euros la tonne en 2026. Une position « d’équilibre », estime le gouvernement, prenant effet à partir de début août.  

« Il s’agit d’une première victoire », se sont réjouis Emmaüs France, ESS France et le Réseau national des ressourceries et recycleries à la suite de cette annonce. « Mais il faut encore que Refashion applique rapidement cette décision de l’État, pour que les acteurs de la filière de collecte, tri et réemploi textile puissent poursuivre leur activité », appuient les structures de l’ESS. Elles ajoutent également la nécessité d’« identifier des solutions de plus long terme pour développer le tri, la réutilisation, le recyclage », et « pour éviter l'incinération, qui n'est pas souhaitable d'un point de vue environnemental » ainsi que pour « lutter contre la surproduction textile, efficacement, durablement ». 

  

La réduction des volumes de production : un tabou dans le futur cahier des charges ? 

  

Ces deux derniers points notamment ne font pas l’unanimité parmi les différents acteurs. Dans son projet de réforme de la filière REP, le ministère de la Transition écologique prévoit plutôt pour l’instant de favoriser l’incinération des textiles usagés comme réponse à la baisse des débouchés étrangers. « Alors que l’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde dans sa fabrication, vous annoncez une réforme qui prévoit de réduire l’ambition de donner une seconde vie aux textiles usagés et d’en brûler plus d’un sur deux, augmentant ainsi les émissions de gaz à effet de serre », interpellent Emmaüs France, ESS France et le Réseau national des ressourceries et recycleries.  

« Le véritable problème de cette filière réside avant tout dans la quantité de textiles vendus chaque année en France. La loi fast fashion que vous avez portée constitue un premier pas important pour s’attaquer au problème environnemental majeur que constituent les montagnes de déchets textiles produites mais il faut aller plus loin ! », appuient les structures de l’ESS, tout en se disant « conscientes » de la nécessaire évolution de la filière de seconde vie des textiles.  

 


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Interrogés lors des annonces de soutien, les services du ministère indiquent « avoir un regard clair » sur la surconsommation, mais insistent davantage sur un financement « un peu différent » de la REP, davantage tourné vers le recyclage, tout en continuant le soutien au réemploi. 

« L’idée est qu’à terme, la REP permette de financer des investissements dans des installations de recyclage », indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Les services du ministère appuie sur un gisement de textile qui « augmente en volume mais baisse en qualité », imposant de penser l’avenir des déchets textiles au-delà du réemploi.

Élisabeth Crépin-Leblond

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