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Par Carenews INFO - Publié le 1 juin 2021 - 12:00 - Mise à jour le 8 juin 2021 - 09:58 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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La réparabilité, question inévitable pour les entreprises ?

La prise de conscience environnementale incite les entreprises à réfléchir à la réparabilité des produits. Un indice de réparabilité, mis en place cette année, a accentué la tendance.

Les Français se tournent vers la réparabilité. Source : iStock.
Les Français se tournent vers la réparabilité. Source : iStock.

 

Jeter son smartphone à la première panne et en racheter un nouveau. Et si cette façon de consommer était has been ? En 2019, déjà, 81 % des Français avaient une image positive de la réparation selon un sondage de l’ADEME. 

Difficile donc pour les fabricants et les distributeurs de passer à côté de cette tendance de fond. Johanna Gdalia est référente RSE de SGS France, une entreprise de contrôle et de certification qui accompagne notamment les entreprises dans leurs politiques RSE. Selon elle, « c’est aujourd’hui une question d’image de marque. On voit bien qu’il y a une volonté des consommateurs français d’acheter plus durable ».

Seb, pionnier de la réparation

Si cette tendance est très récente, certaines marques ont été précurseures en intégrant très tôt la réparabilité à leurs politiques RSE. Le fabricant d'électroménagers Seb a réfléchi dès 2008 à la notion. En 2015, le groupe a concrétisé son engagement en mettant en place l'engagement « Produit réparable 10 ans » sur beaucoup de ses produits. Un virage nécessaire selon Joël Tronchon, directeur du développement durable du groupe :

Dans les années 2 000, il y avait énormément de concurrence des produits asiatiques avec des produits très low-cost. Avec la réparabilité, on a décidé de sortir par le haut en se disant que ça finirait pas payer et que les consommateurs préféreraient acheter des produits qui durent plus longtemps. Ça a été un pari. 

Pour respecter ces engagements, Seb conserve des pièces détachées nécessaires à la réparation pendant dix ans pour la plupart des produits. En parallèle, la marque écoconçoit ses produits en prenant en compte, dès la phase de création, la démontabilité du produit. Déjà en 2014, 95 % des produits commercialisés étaient réparables.

Une irréparabilité intentionnelle ?

Seb a dû se sentir un peu seul pendant quelques années. La réparabilité n’est pas naturellement dans l’ADN des grandes marques d'électronique. L’association Halte à l'Obsolescence programmée a publié un rapport alarmant sur la réduction de la durée de vie des machines à laver. Elle est passée de dix ans en 2010 à sept ans en 2018. Le rapport précise que l’une des explications principales est l'inaccessibilité des pièces de rechange pour les consommateurs. 

Mais peut-on dire que les marques rendent intentionnellement leurs produits irréparables ? Pas vraiment selon Laetitia Vasseur, présidente et cofondatrice de l’association Halte à l'Obsolescence programmée

Il y a surtout un désintérêt total. Les marques misent plutôt sur le design et la technologie. La durabilité ne les intéresse pas.

Oui mais voilà, il se passe quelque chose depuis plusieurs années. Tout d’abord, du côté des consommateurs qui souhaitent consommer de manière plus durable. Mais également du côté du marché avec l'arrivée de nouveaux acteurs plus sensibles aux problématiques environnementales. Par exemple, le smartphone Fairphone concurrence depuis 2013 les grands noms de la téléphonie en proposant des smartphones réparables et conçus pour durer.

Un indice de réparabilité apparaît  

Pour accélérer cette tendance, l'État a mis en place l’indice de réparabilité. Depuis le 1er janvier 2021, cinq catégories de produits (lave-linges, smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs et tondeuses à gazon) sont soumises à l’affichage d’une note de réparabilité. Le produit est évalué sur dix points et se voit donc attribuer une couleur, entre vert et rouge, selon le résultat. L’indice se base sur plusieurs critères dont la démontabilité du produit, la documentation ou encore la disponibilité des pièces détachées.

L'indice de réparabilité est une note sur dix. Source : ADEME.

Pour Jean-Louis Bergey, expert national en économie circulaire et en matières premières à l’ADEME, l’indice a un vrai impact sur la stratégie des marques :

L’indice joue son rôle car il pousse les entreprises à modifier leurs produits de façon à afficher une note correcte. (...) Les marques se disent que cette note risque d’avoir une influence sur les consommateurs. 

Un engouement plus mesuré du côté de la marque HP. « On aurait aimé que ce soit un indice européen parce que ça aurait été intéressant d’avoir une démarche d’ensemble plutôt qu’une démarche franco-française » estime Catherine Martial, responsable développement durable chez HP France. Elle précise que l’indice n’a pas représenté un grand chamboulement pour la marque.

Une campagne de communication

La mise en place de l’indice de réparabilité a par exemple incité Samsung à adapter sa politique RSE. Le fabricant de produits électroniques met désormais ses pièces détachées à disposition pendant sept ans contre deux auparavant. Petit bémol soulevé par Laetitia Vasseur :

Aujourd’hui les marques se notent elles-mêmes. Pour que ce soient des engagements fiables pour les consommateurs, il faut qu’il y ait plus de transparence. Aujourd’hui, on voit que cette transparence est toute relative. 

Pour l’instant, une tolérance sur l’affichage de l’indice est accordée et cela jusqu’en janvier 2022. Par ailleurs, une campagne de communication a été lancée la semaine dernière pour sensibiliser le grand public avec la diffusion d’un spot publicitaire et la mise en valeur d’un site web dédié à la question (longuevieauxobjets.gouv.fr).

Fnac a lancé son propre indice

Fnac-Darty a participé activement, avec d’autres acteurs, à la conception de l’indice. La marque a lancé en 2018 son propre indice LaboFnac sur les ordinateurs portables qui a servi de base à l'indice actuel de réparabilité. Pour Régis Koenig, directeur de la politique services chez Fnac Darty, cette nouvelle politique peut être un avantage pour la marque : 

Si l’attente des consommateurs est d’avoir des produits qui durent plus longtemps, notre rôle est d’y répondre. Se positionner sur ces sujets permet de fidéliser nos clients et cela peut être une nouvelle activité pour le groupe, une source de diversification. 

En parallèle, le distributeur a également musclé son offre de réparation avec un réseau de 2 500 réparateurs et Darty Max, une offre d’abonnement pour la réparation. Fnac-Darty opère donc une transformation de son modèle en renforçant son offre de services au détriment de la vente.

Vers un indice de durabilité ?

La prise en compte de la réparabilité répond également à une autre évolution selon Johanna Gdalia de SGS France : « La question de la réparabilité est d’autant plus forte qu'à terme, on va manquer de certains minerais pour pouvoir faire la partie composants électriques ou électroniques ». La prise en compte de la notion devient donc inévitable dans une logique de durabilité. 

Mais, en réalité, cet indice de réparabilité n’est qu’un premier pas vers celui de durabilité qui devrait être mis en place en 2024. Cet indice viendrait compléter la réparabilité en intégrant les notions de robustesse et de fiabilité. Johanna Gdalia de SGS France assure avoir déjà reçu beaucoup de questions d’entreprises concernant ce futur indice.

Et pourquoi ne pas réfléchir, à terme, à l’interdiction des produits qui ont une trop mauvaise note de réparabilité ou de durabilité ? Une mesure intéressante selon Laetitia Vasseur de Halte à l'Obsolescence Programmée.  

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Théo Nepipvoda

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