Laurence Lamy, (Fondation groupe EDF) : « Nous concevons nos expositions avec un regard transverse »
À l’occasion de l’exposition « Faut-il voyager pour être heureux ? », nous avons rencontré Laurence Lamy, déléguée générale de la Fondation groupe EDF. Elle nous a fait part de la façon dont la fondation appréhende le mécénat culturel.
La Fondation groupe EDF propose jusqu’au 29 janvier 2023 l’exposition « Faut-il voyager pour être heureux ? ». Située à Paris, à l’Espace Fondation EDF, elle est visitable gratuitement sur réservation. L’exposition regroupe les œuvres de 32 artistes contemporains qui invitent à réfléchir à notre conception du voyage. Elle couple le regard artistique à une approche sociologique grâce à un commissariat collectif qui comprend un spécialiste de l’art et un universitaire.
Cette approche aux multiples regards est la marque de fabrique de la Fondation groupe EDF. Elle utilise le mécénat culturel pour interpeller les jeunes et le grand public sur des sujets de société. Rencontre avec Laurence Lamy, déléguée générale de la Fondation groupe EDF.
- Quelle est l’histoire de l’Espace Fondation EDF ?
L’Espace a été créé en 1987 pour accueillir des expositions autour de l’art contemporain et de la lumière, ce qui se rapprochait du cœur de métier d’EDF. Puis récemment, les expositions « 1, 2, 3 Data » et « La Belle Vie Numérique ! » nous ont montré qu’un public plus jeune était intéressé par des expositions autour de sujets de société.
C’est donc devenu notre marque de fabrique, avec une approche transversale et multidisciplinaire. Nous cherchons à toucher la raison et la sensibilité. Pour ce faire, nous convions des artistes qui ont des choses à nous dire sur la société. Nous ne souhaitons pas miser uniquement sur un discours rationnel : nous proposons également « un choc sensible », une émotion, grâce à la représentation de l’artiste.
- Vous mêlez donc les approches d’artistes et d’universitaires. Comment cela se passe concrètement ?
Nous avons délibérément choisi de concevoir nos expositions avec un regard transverse en organisant des commissariats collectifs composés d’un responsable des propos sociologiques, d’un responsable artistique et d’un représentant du Pôle culture de la Fondation pour sourcer les artistes et leurs œuvres. Cette combinaison est fondamentale pour construire le récit et l’exposition.
Chacun, artiste et universitaire, apporte son champ de compétences et d’actions. Ensemble, ils donnent un nouvel éclairage à la thématique, susceptible d’interpeller nos visiteurs selon leur propre sensibilité.
- Comment sont choisis les sujets qui vont être traités ?
Nous faisons une veille qui nous permet de détecter les sujets majeurs pour notre société et ceux susceptibles de l’être. Ils sont ensuite soumis à un « comité culture » multidisciplinaire qui prend la décision finale. Dans la composition même de ce comité, on retrouve l’enchâssement entre représentants du monde de l’art et universitaire.
- La question environnementale est de plus en plus présente dans les débats de société. Également dans vos expositions ?
Elle est effectivement très prégnante. On vise des sujets touchant un public plus jeune et sur lesquels les artistes sont engagés. L’environnement en fait partie. Il s’agit d’un sujet sur lequel il faut déplacer les représentations et toucher l’émotion, au-delà des rapports du GIEC.
- Votre dernière exposition traite donc du voyage. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Paradoxalement, l’idée est née pendant le confinement. L’importante réduction de la mobilité a produit un bienfait au niveau de l’environnement et chacun de nous a été confronté à sa propre pratique de mobilité et au sens qu’on lui donne.
En étudiant le sujet, nous nous sommes rendu compte de la grande richesse des propos des économistes, sociologues et également de celle existante dans les représentations artistiques. Certaines dénoncent et alertent. Mais d’autres proposent aussi une vision positive qui nous invite dans le monde de l’imaginaire.
- Quelles leçons, personnellement, avez-vous tirées de l’exposition ?
L’exposition a redéfini mon rapport au trajet. Nous avons tendance à oublier qu’il fait partie intégrante du voyage.
Autre enseignement : la diversité des imaginaires artistiques qui émerge autour du voyage, avec notamment cette réhabilitation du voyage local, de proximité, et également du voyage virtuel.
- Comment faites-vous pour toucher en particulier les jeunes et les enfants ?
D’abord, nous choisissons des œuvres que nous voulons accessibles à tous. Ensuite nous utilisons la médiation. Nous mettons en place des visites guidées pour les collégiens et les lycéens, suivies d’un débat, d’un échange autour du voyage.
Nous avons aussi fait le choix de mettre en place de la médiation les week-ends pour accompagner les visiteurs qui le souhaiteraient dans leur découverte de l’exposition.
- Pourquoi vouloir mettre la culture, les œuvres, au service de l’éducation et de la réflexion environnementale ?
Nous avons voulu rendre cohérent notre mécénat culturel et faire le lien avec nos actions menées dans le domaine de l’éducation. La culture est donc devenue un levier fort de notre engagement sociétal.
- Vous proposez ensuite vos expositions en itinérance. Cela est important pour la fondation ?
L’itinérance est importante car elle nous permet de toucher plus de gens, dans différentes villes. Nous proposons donc des formats de poche, des mini-expositions qui peuvent facilement être installées par exemple dans les établissements scolaires. Elles sont accompagnées d’un guide de médiation.
Nous proposons aussi de rendre nos expositions itinérantes dans des lieux culturels, et ce, afin de faciliter l’accessibilité à tous de nos expositions.
Propos recueillis par Théo Nepipvoda