Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 13 décembre 2023 - 14:00 - Mise à jour le 15 décembre 2023 - 15:06 - Ecrit par : Camille Dorival
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Les Cigales veulent donner du sens à l’épargne

Les Cigales, clubs d’investisseurs citoyens, visent à financer des projets d’utilité sociale de proximité. Plus de 2 000 projets ont ainsi été soutenus depuis 40 ans.

« Les Cigales illustrent bien ce qu’est la finance solidaire », a estimé Frédéric Tiberghien, président de Fair, lors d'un débat organisé à l'Académie du Climat, à Paris, à l'occasion des 40 ans de ces clubs d'investisseurs. Crédit : Camille Dorival.
« Les Cigales illustrent bien ce qu’est la finance solidaire », a estimé Frédéric Tiberghien, président de Fair, lors d'un débat organisé à l'Académie du Climat, à Paris, à l'occasion des 40 ans de ces clubs d'investisseurs. Crédit : Camille Dorival.

 

Se regrouper, en tant que citoyens, pour épargner et investir son argent dans un projet local d’utilité sociale, et ainsi donner plus de sens à son épargne : tel est, depuis 40 ans, l’objectif des Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire (Cigales). 

Ces clubs sont nés en 1983, alors que la notion de finance solidaire émergeait à peine. La France franchissait la barre des deux millions de chômeurs. Des citoyens engagés ont alors l’idée de se réunir pour permettre à des personnes n’ayant pas accès au crédit bancaire de créer leur propre entreprise.

Depuis, les Cigales se sont multipliées : plus de 1 100 clubs ont été créés dans l’Hexagone et dans les départements d’outre-mer ; ces clubs ont soutenu plus de 2 200 projets, pour un montant total d’investissement de 10 millions d’euros, permettant de créer ou de consolider plus de 5 000 emplois. 

 

Le soutien à des projets d’utilité sociale 

Concrètement, un club Cigales est formé de cinq à vingt personnes qui se réunissent pendant cinq ans, renouvelables une fois. Pendant ce laps de temps, les membres de la Cigales (ou cigaliers) épargnent en moyenne 25 euros par mois chacun. Dès que le montant de l’épargne est suffisant, le club peut investir dans un projet, sous forme de prise de participation au capital, de compte courant d’associé, d’apport avec droit de reprise (pour les associations) ou de prêts personnels d’honneur avec des taux très faibles (dans le cas de micro-entrepreneurs sans structure juridique). 69 % des projets financés en 2022 étaient en phase de création, mais le soutien peut se faire aussi durant une phase de développement. 

« Nous choisissons les entreprises dans lesquelles nous investissons selon plusieurs critères, précise Françoise Thomas, cigalière de la région Grand-Est. Le premier est celui des valeurs : l’entreprise partage-t-elle nos valeurs de solidarité, démocratie, justice sociale ? Ensuite, nous cherchons à déterminer si le projet apporte de la valeur ajoutée au territoire. Enfin, nous prenons en compte la viabilité financière du projet, mais cela ne constitue pas le critère principal ». 

Les projets financés sont toujours d’utilité sociale : en 2022, 42 % relevaient de l’alimentation bio, 20 % d’éco-activités, 13 % de cohésion territoriale ou d'économie de proximité, 8 % de culture et d’éducation populaire, etc. Créée en 2009, l’entreprise d’insertion Farinez-vous a ainsi bénéficié du soutien de plusieurs clubs Cigales. « Les Cigales étaient nos premiers financeurs et ont permis de tout débloquer », témoigne Domitille Flichy, la gérante de l’entreprise. Depuis, Farinez-vous s’est développée, à nouveau avec l’aide de Cigales. Elle a désormais trois boulangeries artisanales à Paris, qui forment des salariés en parcours d’insertion. L’entreprise s’est transformée en coopérative en 2019

L’investissement moyen des Cigales dans un projet est de 3 900 euros (plusieurs Cigales pouvant se réunir pour financer un même projet). Un apport financier limité, donc, mais il s’agit souvent du coup de pouce déterminant, du premier financement qui peut décider les banques à accorder un prêt. En acceptant de doter l’entrepreneur de fonds propres et de partager les risques de la création d’entreprise avec lui, les Cigales se portent en effet garantes du projet auprès des banques, qui hésitent moins à accorder le prêt demandé. « Nous sommes la caution morale qui rassure les financeurs », note François Thomas. 

Par ailleurs, le club a vocation à accompagner l’entrepreneur dans la création de sa structure : les cigaliers, aux compétences variées, peuvent ainsi l’aider à monter des dossiers de financement, trouver des locaux ou des clients, communiquer sur son activité, régler les problèmes de gestion, etc. « Nous sommes aussi là pour rompre la solitude du chef d’entreprise, faire en sorte qu’il se sente entouré et épaulé », souligne Françoise Thomas. 

 

Une démarche plus citoyenne que capitaliste 

Contrairement à un investisseur ordinaire, un cigalier n’est pas motivé par la recherche d’une plus-value qui, quand elle existe, demeure très limitée. La démarche est davantage citoyenne que capitaliste : les cigaliers choisissent de gérer leur épargne autrement, de façon responsable, avec un objectif de développement local et de création d’activité. 

Selon une étude d'impact menée en 2023 par la Fédération nationale des Cigales et le cabinet Kimso, les cigaliers disent retirer trois types d’effets positifs de leur implication dans un club. Des rencontres enrichissantes et une montée en compétences dans le domaine de l’entrepreneuriat, d’abord : ainsi 89 % des cigaliers indiquent que faire partie d’une Cigales leur a permis de rencontrer d’autres personnes avec des cultures professionnelles et/ou une manières de travailler différentes. 

Deuxième type d’apport : un sentiment d’utilité et d’ancrage territorial. 91 % des cigaliers déclarent que leur engagement auprès des Cigales leur permet de participer au développement économique et social de leur territoire. 

Enfin, l’adhésion à un club est pour les cigaliers une manière de vivre et transmettre des valeurs. 93 % d’entre eux ont le sentiment d’investir dans des projets alignés avec leurs valeurs personnelles, et 78 % déclarent être plus positifs face à leur avenir grâce à leur engagement dans les Cigales. 

Quant aux entrepreneurs soutenus, ils soulignent trois vertus principales à l’accompagnement par un club Cigales : le développement de leur activité grâce à une crédibilité accentuée, un gain de confiance en eux grâce à l’écoute et au soutien des membres de la Cigales, et un lien renforcé avec le territoire, les incitant à placer l’impact social et/ou environnemental encore plus au cœur de leur stratégie. 

 

Une forme d’éducation populaire

Par ailleurs, l’expérience présente un aspect pédagogique intéressant : elle permet à des gens qui ne sont pas toujours initiés de mieux comprendre l’économie et le fonctionnement de l’entreprise, de s’impliquer dans la vie économique du pays à un niveau local. À ce titre, la Fédération nationale des Cigales bénéficie de l’agrément « jeunesse, sport et éducation populaire ». « Les Cigales, c’est l'anti-élitisme : nous réunissons des citoyens non pas sur des critères de compétences, mais parce que nous partageons des valeurs et avons envie d’apprendre les uns des autres et de développer une économie vivante sur notre territoire », témoigne ainsi Jacques Ravaillault, cigalier des Pays-de-la-Loire. La démarche permet ainsi aux citoyens de se réapproprier le contrôle des circuits financiers sur leur territoire.

Comme le souligne Frédéric Tiberghien, président de Fair, l’association qui gère le label Finansol, dont bénéficient les Cigales, « ces structures illustrent bien ce qu’est la finance solidaire : il s’agit d’un mouvement citoyen né de l'initiative de la société civile pour répondre à une problématique sociale, et résoudre les problèmes d’accès aux financements de certains petits entrepreneurs ». 

 

Camille Dorival 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer