Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 5 octobre 2022 - 16:00 - Mise à jour le 5 octobre 2022 - 17:43 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Peut-on être riche et sobre ?

Beaucoup pointent du doigt les plus riches, considérés comme les plus gros pollueurs. Une mise en cause légitime ? Faire rimer richesse et sobriété, est-ce une illusion ? Décryptage.

Découvrez la série sur la sobriété. Crédit : Carenews.
Découvrez la série sur la sobriété. Crédit : Carenews.

 

Avec des revenus atteignant certains mois 4 000 euros net, Yannis Sioudan est considéré comme riche par l’Observatoire des inégalités. Pourtant, le fondateur de l’agence Interférence Press ne goûte que très peu aux privilèges de l’argent. « Chaque mois, je dépense uniquement 500 euros pour ma vie quotidienne », relate-t-il.

Le guadeloupéen d’origine mène une vie que l’on peut qualifier de sobre. « Dans mon armoire, j’ai uniquement trois pulls et trois pantalons chauds. Mon objectif est de faire tenir toute ma garde-robe dans deux grosses valises », explique Yannis.  Le chef d’entreprise a également revu sa façon de voyager : « Je tends vers des expériences de vie en régions, en France, et toujours en train », affirme-t-il.

Ayant la capacité financière de réfléchir à sa consommation, Yannis estime qu’il a un devoir : « Étant privilégié, c’est normal de faire des efforts dans les gestes du quotidien ».

Une classe supérieure écoresponsable

Yannis en serait donc la preuve : une personne aisée peut mener une vie sobre. D’ailleurs, comme Yannis, de nombreux individus appartenant aux classes supérieures s’adonnent à la consommation responsable, en faisant leurs achats dans les magasins bios, en pratiquant le « slow travel » et utilisant leur vélo… Une étude du CRÉDOC de 2019 démontre que les individus dotés d’un fort capital économique et culturel affichent une sensibilité écologique plus forte que les personnes qui en ont moins.

Mais alors, peut-on affirmer que plus on est riche, plus on est écoresponsable ? Pas vraiment. Au contraire ! Paul Malliet, économiste à l’OFCE, s’intéresse aux effets de la transition énergétique. Il explique que « le revenu est le premier facteur explicatif des émissions ». « Pour 1 % de hausse du revenu, nous observerions une hausse de 0,5 % des émissions de CO2 ». 

Le constat s’aggrave si l’on s’intéresse aux très riches. Selon le rapport du Laboratoire des inégalités mondiales, publié fin 2021, les 1 % les plus riches de la planète sont à l’origine de 17 % des émissions de CO2. 

 

Une différence entre chiffres et discours

Comment expliquer alors cette contradiction entre discours et réalité ? Selon l’étude réalisée par le CRÉDOC, les efforts de ces consommateurs aisés se concentrent en général sur  les « petits gestes », tout en conservant, en parallèle, d’autres habitudes dont l’impact écologique est élevé. L’étude ajoute que ceux qui ont fait au moins un trajet en avion sont ceux qui ont le plus déclaré limiter la viande et acheté de produits issus de l’agriculture biologique au quotidien.

Ce constat est partagé par Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités : « Il faut remettre les choses au point et arrêter les exagérations. Cette sobriété sert à se donner bonne conscience alors qu’à côté de cela, on continue de partir en vacances, en week-end…», estime-t-il.

 

Existe-t-il des exceptions ?

Voilà pour le cadre global. En revanche, les revenus n‘expliquent pas tout. Certaines personnes riches peuvent avoir un mode de vie sobre. D’autres facteurs entrent alors en jeu. Situation géographique, éducation, âge, emploi… Par exemple, une personne aisée habitant au coeur de Paris, ayant la capacité d’aller au travail en vélo ou en métro aura un mode de vie moins émetteur qu’une personne devant faire 100 kilomètres en voiture par jour pour aller travailler :

Il peut y avoir des cas de décorrélation entre niveau de richesse et niveau d’émission. Cela s’explique par d’autres déterminants que ceux des revenus, et qui sont liés à un ensemble large de facteurs, comme celui de la préférence de lieu de résidence ou de type d’emploi », Paul Malliet.

 

Le déterminant géographique peut d’ailleurs venir en opposition au déterminant économique : « Lorsque vous êtes en haut de la pyramide des patrimoines et des revenus, vous avez la capacité d’habiter proche du cœur des agglomérations où se concentrent les activités », détaille Paul Malliet, économiste à l’OFCE.

Le capital économique, la richesse, peut donc faciliter la sobriété, la réduction de la consommation en donnant les moyens de sa mise en œuvre.

 

Les riches, les seuls à être sobres ?

Il est alors essentiel de distinguer la sobriété comme niveau d’émission et comme démarche de réduction. Il pourrait être plus facile d’engager une démarche de réduction de ses émissions en étant aisé. Yannis en a bien conscience : « Je n’avais pas la chance de pouvoir être dans cette démarche quand j’étais étudiant. Maintenant que je gagne bien ma vie, c’est mon devoir de réfléchir à mes actes d’achat ».

Paul Malliet estime d’ailleurs que l’on ne peut être sobre uniquement qu’en étant riche : « La notion de sobriété relève d’un nécessaire changement par rapport à une consommation passée excessive à l’égard des limites planétaires », explique-t-il. La sobriété individuelle est le résultat d’une volonté et non d'une contrainte financière.

 

Peut-on être sobre en travaillant pour un secteur polluant ?

Depuis le début, nous raisonnons en considérant la consommation. Il est possible d’utiliser une autre approche et de s’intéresser à l’origine de la richesse. D’où proviennent mes revenus ? Comment ai-je constitué mon patrimoine ? Par exemple, si je suis fondateur d’une marque de vêtements low-cost produite en Asie, ma richesse est très émettrice de C02. Même approche pour les revenus tirés de placements financiers : « Si vous êtes actionnaire chez Total, une partie de vos revenus sous forme de dividendes sont associés à des émissions de gaz à effet de serre », explique Paul Malliet. Il s’agit d’une façon différente d’apprécier le lien entre richesse et pollution.

Yannis Sioudan a d’ailleurs conscience de l’importance de ses placements financiers : « J’utilise mon argent pour soutenir des campagnes de financement de projets qui ont du sens sur Miimosa ou Lita. Je le fais une ou deux fois par an », relate-t-il. Concernant son activité professionnelle, il accompagne uniquement des projets qu’il considère comme porteurs de sens. 

Alors, peut-on être riche et sobre ? Il est possible de mettre en place une démarche de sobriété… Mais gare aux illusions !

 

Théo Nepipvoda

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer