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Par Carenews INFO - Publié le 29 juillet 2025 - 14:38 - Mise à jour le 29 juillet 2025 - 14:49 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Reprise des négociations pour un traité contre la pollution plastique : les risques d’un consensus sans ambition

Huit mois après l’échec des négociations à Busan, les États s’apprêtent à reprendre les discussions pour l’élaboration d’un traité contre la pollution plastique, à Genève. Alors que la France espère encore l’obtention d’un texte par consensus, plusieurs associations alertent sur le risque d’un texte vidé de ses objectifs dans cette hypothèse. La fondation Tara Océan plaide pour que la réduction de la production concentre tous les efforts.

La réduction de la production de plastique est au cœur de "l'appel de Nice", signé à l'Unoc par 95 pays. Crédit : iStock
La réduction de la production de plastique est au cœur de "l'appel de Nice", signé à l'Unoc par 95 pays. Crédit : iStock

 

Les négociations pour un Traité international contre la pollution plastique reprennent cet été à Genève en Suisse, du 5 au 14 août. Après l’échec en Corée en décembre dernier, les États s’apprêtent à ouvrir de nouveau la cinquième session de négociations, avec l’espoir, du côté de la France comme des ONG, de parvenir enfin à un accord.  

« Nous espérons que ce sera une réunion conclusive », partage le cabinet de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, défendant « une position ambitieuse » de la France. 

  

La réduction de la production, un enjeu clé mais qui ne fait pas consensus  

  

 La priorité, pour le gouvernement français, est de reconnaître la nécessité de limiter la production de plastique. « Si nous n’agissons pas sur la production, la quantité de plastique dans l’environnement, dans les océans et dans nos assiettes ne fera que se multiplier », alerte ainsi le cabinet de la ministre. « Nous savons que le recyclage et l’économie circulaire ne seront pas suffisants », appuie-t-il. 

La réduction de la production est une position défendue de longue date par les ONG. Elle est aussi au cœur de « l’appel de Nice » ou « Nice wake up call for an ambitious plastic treaty », signé par 95 États lors de la Conférence de Nice sur l’Océan (Unoc), dont la France, demandant la signature d’un traité ambitieux. 

 


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Néanmoins, la prise en compte « de l’ensemble du cycle de vie du plastique », comme le présente le cabinet ministériel, est loin de faire l’objet d’un consensus international. Les pays producteurs de plastique en particulier, dont les pays du Golfe, la Russie et l’Iran, poussent pour l’exclusion des objectifs de réduction dans le futur traité international, comme de l’interdiction de certaines substances, et cherchent à restreindre les discussions à la gestion des déchets. 

« Cette session s’inscrit dans un contexte difficile », témoigne une source diplomatique française. « Nous savons qu’un certain nombre de pays producteurs vont travailler à ce qu’il n’y ait pas de traité ou alors le moins ambitieux possible », prévient-elle. 

 

« Lorsqu’on parle de pollution plastique, on parle aussi de réchauffement climatique et d’atteinte globale aux écosystèmes ». Fondation Tara Océan.

  

Le plastique, une pollution toxique pour l’ensemble de la biosphère  

  

« La pollution plastique pose problème bien au-delà des déchets », rappelle pourtant la Fondation Tara Océan. « Lorsqu’on parle de pollution plastique, on parle aussi de réchauffement climatique et d’atteinte globale aux écosystèmes », soulignent ses responsables. Selon l’OCDE, le cycle de vie du plastique a été responsable de 3,4 % du total mondial des émissions de gaz à effet de serre en 2019. Si rien n’est fait, ce chiffre pourrait atteindre les 15 % en 2050, tandis que la production mondiale de plastique risque de tripler d’ici à 2060. 

Sa toxicité produit également des atteintes graves sur le vivant. « Il y a une vraie urgence à agir. Sur les 16 000 molécules chimiques présentes lors de la dégradation des plastiques, un quart est étudié du point de vue de la toxicité réelle. Parmi ce quart, les deux tiers posent des problèmes », souligne Henri Bourgeois Costa, directeur des affaires publiques et chargé de mission économie circulaire à la Fondation Tara.  

Or, « l’ensemble des écosystèmes sont connectés, provoquant un enjeu majeur de présence du plastique dans l’atmosphère et dans les sols. Les scientifiques alertent unanimement sur ces effets sur l’ensemble de la biosphère », ajoute-il.  

« Face à cette contamination généralisée, il est impératif de s’attaquer à la source : la production excessive de plastique », considère de son côté l’association Zero Waste France. Avec la Coalition Eau, No Plastic in my see et Surfrider Foundation, elle plaide en faveur d’une interdiction des plastiques non essentiels, à usage unique ou contenant des substances toxiques ainsi qu’à des prises de décisions pour lutter contre la pollution aux microplastiques et la pollution liée aux produits du tabac.

  

Vers un traité ambitieux signé par moins d’États ?  

  

Face aux potentiels blocages des pays refusant une réduction de la production, la possibilité de procéder à une adoption par vote, et non par consensus, est présente. Elle permettrait d’adopter un texte ambitieux, mais réduirait le nombre d’États parties au traité. 

« Nous n’avons pas envie d’en arriver là. La probabilité d’arriver à un consensus général sur ce texte est assez réduite, mais nous ne perdons pas espoir », assure-t-on du côté de la diplomatie française, craignant un texte « qui ne rassemble que les pays qui partagent déjà nos pratiques », notamment en Europe. 

« Il faut accepter que certains pays n’en soient pas », considère de côté la Fondation Tara. « Sinon la ligne rouge de l’absence de réduction de la production de plastique sera franchie », alerte-t-elle. Pour la fondation, le constat est clair : « le plus gros risque est le consensus sur un texte sans contenu ».   

Parmi les pays refusant une limitation de la production, se trouvent également les États-Unis, pays générant le plus de déchets plastiques au monde. « Ce n’est pas une bonne nouvelle, mais il faut se rappeler que les États-Unis signent très peu de traités, ne les ratifient pas et les appliquent encore moins », tente de tempérer Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan.  

À l’inverse, la Chine pourrait se révéler un nouvel allié insoupçonné, veulent croire le gouvernement français comme la Fondation Tara. « C’est un pays sur lequel nous comptons pour avoir une attitude constructive », témoigne ainsi le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. « C’est un pays clé. Son projet de "civilisation écologique" écrit il y a deux ans peut avoir de vraies conséquences », analyse la Fondation Tara, appuyant sur une recherche scientifique chinoise abondante et accessible, notamment sur les enjeux de santé. 

  

Un espoir toujours présent 

  

Pour la fondation, un autre enjeu déterminant du traité est celui de la définition du plastique qu’il formule. « Les termes doivent être précisés avec finesse. Pour l’instant, l’article 2 [qui porte sur cette définition] fait l’objet de beaucoup de rédactions hasardeuses ou non scientifiques, sans référentiels précis », analyse Henri Bourgeois Costa. La fondation est aussi réticente à la mise en place de liste de produits et substances à interdire, qui risque de s’avérer être un piège de temps. « Les pays doivent se concentrer sur le principe de précaution », plaide son directeur des affaires publiques. De leur côté, No Plastic In My Sea et la Coalition Eau, appellent avec 130 associations des différents continents à une réduction drastique de la production de bouteilles en plastique et au renforcement de l’accès universel aux services d’eau. 

 


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Malgré les difficultés du traité à aboutir, la partie est loin d’être perdue, assure la Fondation Tara Océan. « Même si le contexte est difficile, ce sujet reste porté politiquement sur la scène internationale », met-elle en avant, soulignant des avancées notables d’un point de vue diplomatique. « L’attitude de blocage des pays opposés au traité est désormais clairement dénoncée et l’appel de Nice mentionne explicitement la réduction et le terme de toxicité, ce qui n’avait pas été fait à Busan », soutiennent notamment ses responsables. 

Plaidant pour que « les parties prenantes économiques », en particulier les industriels du plastique largement présents autour des négociations, ne soient pas associés aux objectifs de réduction, la fondation dénonce la forte dépendance de nos systèmes agricoles et alimentaires à cette substance dérivée du pétrole et argumente sur la nécessité de fonder les décisions sur la science. « Sans parler de l’altération à long terme des ressources environnementales, les coûts des plastiques sont d’ores et déjà supérieurs à leurs intérêts économiques », appuie-t-elle. 

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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