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Par Carenews INFO - Publié le 21 novembre 2025 - 14:35 - Mise à jour le 21 novembre 2025 - 14:49 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Société générale, Crédit agricole, BNP Paribas, BPCE : des ONG dénoncent la « complicité des banques » dans la déforestation

Canopée et Reclaim Finance accusent quatre banques françaises d’avoir participé au financement de Bunge et Cargill, deux entreprises susceptibles d’être impliquées dans la « déforestation liée au soja, sur une surface de 102 800 hectares » au Brésil.

L'Amazonie est concernée par la déforestation, comme le Cerrado, au Brésil. Crédit : iStock / Cristian Lourenço.
L'Amazonie est concernée par la déforestation, comme le Cerrado, au Brésil. Crédit : iStock / Cristian Lourenço.

 

Canopée et Reclaim Finance s’attaquent aux politiques de lutte contre la déforestation des banques. Les deux ONG – de protection des forêts pour la première et spécialiste des liens entre finance et climat pour la seconde – ont publié le 20 novembre un rapport dénonçant la « complicité des banques françaises » dans la déforestation au Brésil, où se déroule actuellement la COP 30.  

Concrètement, elles expliquent avoir « réalisé une analyse de cas récents de déforestation à proximité des champs de soja et d’entrepôts » de deux des « plus grands négociants au monde », les entreprises Bunge et Cargill, à l’aide d’images satellitaires. Ainsi, elles ont recensé « 273 cas sur la période de janvier 2024 à octobre 2025, à proximité de champs de soja en Amazonie », soit 11 800 hectares, et « 756 cas » dans le Cerrado, soit 91 000 hectares. En tout, ces deux entreprises sont donc susceptibles d’être impliquées dans la « déforestation liée au soja, sur une surface de 102 800 hectares au Brésil ».  

Or, depuis janvier 2024, le groupe Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE), BNP Paribas, le Crédit agricole et Société générale « ont participé à cinq transactions totalisant 10 milliards d’euros en faveur de Bunge et Cargill », soit au moyen de prêts, soit par la souscription d’émissions obligataires, déplorent Canopée et Reclaim finance. 

 


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Des politiques insuffisantes 

 

« Les négociants en soja sont au cœur de [la] déforestation », expliquent les ONG. Leur rôle est d’acheter les grains de soja aux producteurs, de les stocker, les transformer, les transporter puis les revendre « aux fabricants d’aliments pour animaux ou à l’industrie des biocarburants », précisent-elles. « En choisissant de s’installer ou non, dans des régions aux écosystèmes menacés, ces acteurs ont le pouvoir de contribuer à les préserver ou les détruire », pointent les auteurs du rapport. 

Aux yeux des ONG, les financements auxquels les banques ont participé « révèlent [leur] manque d’ambition pour lutter contre la déforestation ». Le groupe BPCE « n’a pas encore adopté de politique sur le sujet », même s’il a annoncé l’avoir prévu pour fin 2025. Les trois autres banques incriminées ont bien défini des politiques, mais celles-ci restent « largement insuffisantes » et il n’existe pas de « transparence sur leur mise en œuvre ». 

Dans le détail, les auteurs dénoncent l’absence « d’objectif clair » : « aucune des politiques analysées ne vise à éliminer le financement d’activités liées à la déforestation ». Il s’agit seulement « de fixer des orientations générales pour encadrer [les] activités » des banques, regrettent les auteurs. 

De plus, selon eux, leur « champ d’application est limité » et les critères d’exclusions sont insuffisants : par exemple, les critères pour le Cerrado sont « moins stricts » que ceux s’appliquant à l’Amazonie. Autres exemples : Crédit agricole « ne prévoit des critères d’exclusion (très génériques et peu contraignants) que pour le financement de projets » et pas d’entreprises dans leur ensemble ; les politiques de BNP Paribas et de Société générale « ne s’appliquent quant à elles qu’aux entreprises de la partie aval de la chaîne de valeur et omettent les distributeurs et détaillants ». 

Contacté par AEF info, le groupe BPCE assure ne pas être « en mesure de confirmer les éléments de ce document ». De son côté, BNP Paribas met en avant les « résultats concrets » de sa politique. Elle indique dialoguer avec « des acteurs de premier plan » pour les faire avancer vers une stratégie « zéro déforestation » d’ici à la fin 2025 – les objectifs « zéro déforestation » des entreprises sont critiqués par les ONG, qui estiment qu’ils ne garantissent pas une proteciton suffisante, notamment en raison d’une définition « floue » du terme.  

 

Une exigence d’engagements « stricts » 

 

« Les grandes banques françaises doivent renforcer immédiatement leurs engagements — et, dans le cas du groupe BPCE, en adopter — pour prévenir la déforestation liée aux principales matières premières agricoles à risque. Elles doivent mettre en place des critères stricts afin de ne plus financer les entreprises exposées au risque de déforestation », concluent Reclaim finance et Canopée, qui rappellent la contribution majeure de la déforestation au changement climatique. 

Il ne s’agit pas seulement de « demander des engagements » aux entreprises, mais aussi de « vérifier [leur] crédibilité », ajoutent-elles. Les banques devraient également appliquer des « critères contraignants à l’ensemble des écosystèmes à risques » et des « matières agricoles à risques », exigent les ONG. D’autre part, elles devraient publier « chaque année des données détaillées sur leurs financements aux secteurs à risque, leurs actions d’engagement [c’est-à-dire de dialogue avec les entreprises financées] et les mesures prises envers les entreprises ne respectant pas leurs demandes ».  

 

Une législation anti-déforestation dont l’application sera probablement reportée

« Il est important de souligner que le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), dont l’entrée en vigueur est prévue à partir du 30 décembre 2025, interdira l’importation au sein de l’Union européenne de produits issus de déforestation, rendant toute production de soja provenant de ces parcelles déboisées après 2020 non commercialisable dans l’Union européenne », peut-on lire dans le rapport des ONG, à propos des surfaces en Amazonie.

Mais l’application de ce texte adopté en 2023 pourrait être reportée. Dans une optique de « réduction de la charge administrative », la Commission européenne a proposé le 21 octobre d’assouplir cette réglementation et de reporter son application à début 2027 pour les petites entreprises. Le Conseil de l’Union européenne, conformément au processus législatif, a rendu publique sa position le 19 novembre. Il « soutient l’effort de simplification » proposé par la Commission et suggère de reporter l’application à 2027 pour toutes les entreprises (début 2027 pour les moyennes et grandes et mi 2027 pour les petites), « afin de permettre aux opérateurs, aux commerçants et aux autorités de se préparer de manière adéquate ». Des négociations doivent encore avoir lieu avec le Parlement.

Lire sur ce sujet : La Commission européenne propose d’assouplir le règlement anti-déforestation 

 

Célia Szymczak 

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