Universités d’été de l’économie de demain : un rôle politique affirmé pour les entreprises engagées
Les Universités d’été de l’économie de demain réunissaient le 28 août les chefs d’entreprises engagées membres du Mouvement impact France. L’occasion pour ses dirigeants de défendre des mesures politiques sur les plans écologiques et sociaux et d’affirmer leur rôle dans la société.
Pascal Demurger l’a reconnu en ouverture des Universités de l’économie de demain, le 28 août à Paris « ce n’est pas nous les plus gros ». « Nous », c’est le Mouvement impact France (MIF), ce mouvement d’entrepreneurs engagés que le patron de la Maif copréside avec Julia Faure, fondatrice de la marque de mode engagée Loom. Souvent présenté comme un « Medef alternatif » par les médias, porteur d’une autre vision de l’économie, le MIF organise ses journées d’été au lendemain de celles du Medef, à Paris.
La comparaison avec le Medef a pu être très directe : Patrick Martin, son président, est invité d’une table ronde organisée le matin avec Pascal Demurger. Le moins qu’on puisse dire, c’est que leurs deux mouvements défendent en effet des visions différentes, sinon antagonistes. Pour Demurger, il ne faut pas « [laisser] faire la loi du marché et le bon vouloir des dirigeants ». Au contraire, il demande la conditionnalité partielle de leur niveau de rémunérations à des indicateurs écologiques ou sociaux, la modulation de la fiscalité en fonction de l’engagement des entreprises, la pénalisation des biens produits hors de l’Europe avec des standards sociaux et écologiques moins élevés. « Je suis un libéral, je l’assume, je le revendique », répond Patrick Martin, opposé à la conditionnalité des aides. « Je fais confiance aux femmes et aux hommes, y compris aux chefs d’entreprise, pour être vertueux », affirme-t-il. Les deux hommes sont aussi en désaccord sur le partage de la valeur : « une des plus équitables au monde » dans les entreprises françaises selon Patrick Martin, objet d’une « déformation » depuis dix ans selon Pascal Demurger.
Contrer la montée « des extrêmes »
Leur opposition porte aussi sur le rôle sociétal de l’entreprise. « Il ne faut pas non plus que l’on considère que l’entreprise est l’alpha et l’oméga des graves tensions qui traversent notre pays, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas progresser », affirme Patrick Martin. Dans l’entreprise, la conflictualité est « à son plus bas historique », souligne-t-il.
Pour les dirigeants du Mouvement impact France, en revanche, l’entreprise a un rôle jusque dans les résultats électoraux. Le thème des UED 2024 était « rediriger », diriger autrement. Un thème d’actualité.
Pascal Demurger parle du rôle du mal-être au travail dans la « montée des extrêmes », Julia Faure du lien entre des mauvaises conditions de travail ou le manque d’autonomie au travail et « le vote pour des idées d’extrême-droite ». Elle dénonce aussi le rôle actif de dirigeants d’entreprise pour soutenir ces idées et cite le patron de presse Vincent Bolloré et le milliardaire Pierre-Edouard Stérin. « Cela nous donne d’autant plus de légitimité, de courage, en tous cas de responsabilité, à dire nous, ce qu’on pense, à dire quelles sont nos valeurs », appuie-t-elle au nom du MIF.
Des réponses politiques ?
Dans une table ronde de la matinée, Julia Faure lance l’alerte sur un autre sujet. « Il se trouve que toutes les entreprises engagées et très engagées souffrent en ce moment », déplore-t-elle en parlant du secteur de la mode. Elles « se posent la question de leur survie », ajoute-t-elle. En cause, ce qu’elle qualifie de « prime au vice » : le fait que « tous les efforts sociaux et environnementaux, quasiment, nous coûtent des points de marge et de la compétitivité ». Elle appelle à des mesures politiques, sans quoi les entreprises engagées ne pourront pas faire face à la concurrence. Elle défend notamment l’application de prix plancher sur les vêtements.
À bon entendeur. « C’est un plaisir et un honneur d’être avec vous aujourd’hui », a déclaré la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier dans un discours très applaudi le matin. « Les écologistes doivent devenir les meilleurs alliés du monde économique et inversement », a-t-elle assuré, tout en déclarant se tenir à la disposition du MIF « pour accélérer le travail commun ». « J’adore les Universités d’été de l’économie de demain », s’est pour sa part réjoui le ministre démissionnaire de l’Industrie et vice-président de l'Assemblée nationale Roland Lescure, en parlant d’un événement « intéressant ».
Célia Szymczak