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Par Carenews PRO - Publié le 15 juillet 2021 - 16:00 - Mise à jour le 15 juillet 2021 - 16:00 - Ecrit par : Lisa Domergue
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Anne-Sophie Lefebvre (directrice générale d’Eloquentia) : « Les jeunes des quartiers prioritaires ont des choses à dire »

La prise de parole en public peut-elle être un levier pour favoriser l’égalité des chances ? Rencontre avec Anne-Sophie Lefebvre, directrice générale d’Eloquentia, une association qui encourage les jeunes à se saisir de l’oralité en public.

Crédit photo : Eloquentia.
Crédit photo : Eloquentia.

 

Lancée par Stéphane de Freitas en Seine-Saint-Denis en 2012, Eloquentia a vocation à encourager les jeunes à prendre la parole en public pour prendre confiance en eux. L’association porte ainsi deux principaux programmes : les concours Eloquentia et des parcours pédagogiques dispensés dans des collèges et lycées dans les quartiers prioritaires. 

Anne-Sophie Lefebvre est la directrice générale d’Eloquentia depuis 2020. Pour elle, encourager l’oralité en public dès le plus jeune âge participe à réduire les inégalités scolaires. Rencontre.


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  • Pouvez-vous présenter l’association Eloquentia et sa mission ? 

Eloquentia est un projet culturel et sociétal d’intérêt général. Notre mission est de développer la prise de parole éducative afin d’encourager les jeunes à gagner confiance en eux. On se définit selon un cadre de valeurs qui repose sur le respect, l’écoute et la bienveillance. 

Notre idée est donc de recréer, autant que faire se peut, une agora, comme à l’époque de l’antiquité, où chacun peut se lever, s’exprimer, prendre la parole et donner son point de vue. On souhaite que chacun puisse avoir accès à un lieu d’écoute et de parole en donnant l’occasion aux jeunes de prendre la parole. Grâce à cela, ils se révèlent au monde et surtout ils gagnent confiance en eux. 

 

  • Eloquentia a été initiée en Seine-Saint-Denis, pourquoi ? 

C’est le département le plus pauvre de France et celui qui est, d’une manière générale, beaucoup caricaturé. Pourtant, les jeunes ont des choses à dire et notamment les jeunes des quartiers dits prioritaires. Ce n’est donc pas un hasard qu’Eloquentia soit née en Seine-Saint-Denis. 

Les jeunes de ces quartiers savent s’exprimer. Ce n’est pas parce qu’ils vivent en banlieue qu’ils parlent « banlieusard » ou « wesh-wesh ». Et quand bien même ils parleraient comme cela, ce n’est pas grave. Qu’ils le disent en rhétorique, en slam ou en poésie, l’important est ce qu’ils ont à dire. 

 

  • Quels sont les différents programmes de l'association ?

Eloquentia repose sur deux piliers. D’un côté les concours dédiés aux 18-30 ans qui couvrent la France, l’Algérie et la Belgique. Ils sont portés localement par des associations bénévoles majoritairement étudiantes. Ces dernières organisent le concours Eloquentia à l’échelle locale après quoi chaque finaliste de chacune de ces associations se retrouvent pour un quart de finale, une demi-finale internationale, puis une finale internationale. Aujourd’hui on est le plus gros concours de prise de parole en public francophone. 

L’autre jambe d’Eloquentia sont les parcours pédagogiques que nous dispensons principalement au collège et au lycée. Nos animateurs pédagogiques sont formés à la pédagogie « Porter sa voix », imaginée par Stéphane de Freitas. C’est un peu notre « bible ». 

Les parcours pédagogiques en chiffres (2020)

- 41 collèges et 14 lycées en Île-de-France et PACA concernés

- 3 000 heures de parcours dispensées

- 2 265 collégiens et lycéens bénéficiaires

 

  • Dans quelles mesures peut-on dire qu’Eloquentia œuvre pour l’égalité des chances ?

Tout d’abord, les concours et les formations sont gratuits et ouverts à tous. 

Concernant les programmes pédagogiques, on intervient en grande majorité dans les lycées situés quartiers prioritaires et en zones rurales et dans les collèges REP et REP+. L’idée n’est pas de dire que ces jeunes ont plus besoin que les autres d’être aidés dans leur prise de parole. On œuvre dans ces quartiers prioritaires, car les jeunes issus de ces quartiers ont moins de moyens pour se faire aider et, par exemple, ne peuvent pas financer des cours particuliers. 


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  • Vous organisez chaque été, en partenariat avec la délégation égalité des chances d’HEC et la région Île-de-France, le summer camp Eloquentia@HEC dont la finale a eu lieu le samedi 10 juillet. Quel est le principe ?

C’est un peu comme une colonie. Dans le cadre de ce projet, des jeunes lycéens provenant de la France entière bénéficient d’une semaine sur le campus HEC à Jouy-en-Josas. Ils profitent ainsi de 20 heures de formation Eloquentia et assistent à des ateliers d’orientation dispensés par HEC.

Les jeunes qui participent à ce summer camp viennent de lycées en zones prioritaires. C’est donc une manière de leur dire : « Venez, ces études sont aussi pour vous, vous pouvez y accéder. » 

C’est un très beau partenariat, d’autant plus qu’ils sont lycéens, c’est donc le moment de choisir leur orientation. Cela les aide à voir autre chose et à ouvrir le champ des possibles.

 

  • Quels sont les projets à venir pour Eloquentia à la rentrée ? 

La nouveauté d’Eloquentia, pour la rentrée de septembre, est un parcours pédagogique dédié au grand oral du baccalauréat, un nouvel exercice qui n’est pas si simple ! Stéphane de Freitas a d’ailleurs publié, en septembre 2020, son livre dédié à cette nouvelle épreuve en s’inspirant de sa pédagogie « Porter sa voix ». Ce nouveau programme est également destiné aux lycéens des quartiers prioritaires. 

L’autre projet est aussi de commencer à former les enseignants et intégrer l’oralité au sein du système éducatif français. On souhaite faire grandir la place de l’oralité, et ce, quelle que soit la matière dispensée.

 

  • Que pensez-vous de cette nouvelle épreuve du grand oral du baccalauréat ? 

Notre système a beaucoup été organisé autour de l’écrit et aujourd’hui on refait une belle place à l’oralité. C’est important d’avoir cette compétence et cette confiance en soi en plus. Cela pourra aider les jeunes pour chaque moment décisif d’une vie où il faut prendre la parole en public. En intégrant l’oralité, on leur apprend à assumer leur mot, à assumer qui ils sont, leur point de vue et leur position.

C’est comme ça qu’on fera de notre société, une société plus équitable. Quelle que soit l’origine sociale ou culturelle des jeunes, l’important est qu’ils apprennent à écouter et puissent s’exprimer selon ce qu’ils sont et pas selon ce qu’on leur a « rabâché » toute leur vie. Dans dix-quinze ans, ces jeunes seront nos entrepreneurs et entrepreneures, nos hommes et femmes politiques ou encore nos porteurs et porteuses de projets associatifs de demain. S’ils arrivent à se mettre d’accord, à s’entendre et s’écouter quelque soit leur milieu d’origine, leur religion, leur culture, ils feront des projets magnifiques et, in fine, participeront à créer une société équitable et un peu plus solidaire que celle dans laquelle on vit aujourd’hui. 

 

Propos recueillis par Lisa Domergue 

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