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Par Carenews PRO - Publié le 7 juillet 2022 - 12:00 - Mise à jour le 7 juillet 2022 - 12:26
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Guillaume Dinkel (château de Fontainebleau) : « Les modèles mixtes de mécénat croisé, social ou environnemental, vont survivre à la crise »

Guillaume Dinkel, chef de service du mécénat, de la valorisation domaniale et des relations institutionnelles du château de Fontainebleau répond à nos questions sur les enjeux du mécénat culturel aujourd’hui. Quels modèles intéressants ont émergé depuis la crise ? Rencontre.

Entretien avec Guillaume Dinkel. Crédit : Alexandre Cauet
Entretien avec Guillaume Dinkel. Crédit : Alexandre Cauet

 

  • Quel bilan peut-on faire du mécénat culturel depuis la loi Aillagon à l’aube de ses 20 ans ? 

 

La loi a évolué en 2003 pour répondre à des enjeux essentiels. Les premières mesures sont très liées au secteur culturel, dès 2004, avec des dispositifs pour les trésors nationaux et les commandes d’artistes contemporains.

Depuis 2013, il y a eu une complexification progressive, une meilleure définition, avec des seuils différenciés pour les entreprises. En matière de dons, la limite annuelle est de deux millions de mécénat avec la possibilité de défiscaliser à 60 % sous ce seuil et à 40 % au-dessus. Pour les particuliers, il y a eu peu d’évolutions.

Il y a actuellement beaucoup de réflexion sur la notion de contreparties (les 25 % en plus) et sa (re)définition en termes matérielle et immatérielle. À l’occasion des 20 ans de la loi, un bilan sera fait sur le coût fiscal du mécénat et des contreparties pour voir si c’est profitable. Je pense que cela l’est, puisque seules 50 % des entreprises défiscalisent en moyenne. C’est ce delta qui est intéressant pour l’État. 

 

  • Côté entreprises mécènes, quels sont les enjeux actuels ? 

 

Le nombre d'entreprises mécènes a un peu augmenté, notamment dans le secteur culturel. Il y a de plus en plus de TPE ou PME qui s’intéressent au mécénat. Ce sont toujours de grandes entreprises et des ETI qui contribuent à stabiliser le mécénat. 

Autre tendance, l'augmentation de la part de mécénat en nature ou de compétences. C’est intéressant, mais cela nécessite un encadrement très spécifique. 

 

  • Quelles formes de mécénat avez-vous vu apparaître au château de Fontainebleau ?

 

Concernant le château de Fontainebleau, nous avons profité d’un mécénat de compétences pour la restauration de l'escalier en Fer-à-Cheval avec l’entreprise Kärcher pour un coût de 300 000 euros. C’était historique dans le sens où l'entreprise n’avait plus fait de mécénat depuis qu’un ancien président de la République avait utilisé une expression en mentionnant son nom. 

 

Nous faisons aussi du mécénat mixte, financier et de compétences. Pour l'actuelle exposition « L’Art de la Fête à la Cour des Valois », nous avons fait un mécénat en nature et de compétences avec la société Walt Disney, très spécifique sur leur savoir-faire, pour créer deux costumes à partir de dessins de Primatice. Les équipes costumes de Disneyland Paris ont échangé avec notre conservatrice pour approcher au mieux des techniques de l’époque de la Renaissance. Il y a eu un long travail en amont pour déterminer les matières, les couleurs, la couleur des cheveux, les masques, les mannequins, etc. 

 

Le château de Fontainebleau a un fidèle mécène, Rolex, depuis 2008. C’est l’entreprise qui entretient la collection de pendules. L’histoire du château est très liée à la question du temps. Nous avons près de 400 horloges, dont 56 qui sont mécénées par Rolex. L’enjeu est de les faire fonctionner au maximum. C’est un mécénat financier et les contreparties sont intéressantes. L’entreprise fait venir des jeunes étudiants en formation ou des lycéens à la rencontre du conservateur en charge des horloges et du restaurateur. Ils sont sensibilisés aux mouvements anciens, différents de ceux qu’ils découvrent chez Rolex. Le mécénat permet un autre regard sur la culture.  

 

  • Quels nouveaux modèles émergent ? 

 

De plus en plus d'entreprises mécènes d'institutions culturelles soutiennent un objet patrimonial et utilisent les contreparties pour en faire bénéficier des personnes éloignées du champ culturel pour le rendre accessible. C’est un véritable cercle vertueux. Les modèles mixtes avec du mécénat croisé, vont survivre à la crise, comme le mécénat social ou environnemental. 

 

Nous essayons de faire émerger des projets de mécénat plus participatifs avec des particuliers, comme pour l’escalier Fer-à-Cheval, où les personnes pouvaient adopter une marche. La contrepartie était d’inscrire leur nom sur la pierre de la marche de l’escalier. Il y a eu une version en 3D de l’escalier accessible sur notre site internet, où les particuliers ont pu choisir leur marche à 1 000 euros. En tout, cela a représenté 250 000 euros de dons provenant de l’acquisition des marches.  

 

  • Le mécénat culturel est peu connu, comment le rendre plus visible ?

 

Je pense qu’il faut démocratiser le secteur culturel. La rencontre avec l'art peut bouleverser une trajectoire. Nous communiquons régulièrement sur l’apport de nos mécènes. Il faut savoir que la culture a un coût très élevé. Le mécénat représente peu finalement. Les entreprises mécènes le font par pure philanthropie, par coup de cœur. Nos mécènes sont des passionnés, ils pourraient donner pour d'autres causes. 

 

  • De quoi aurait besoin le mécénat culturel aujourd’hui ? 

 

Il a besoin de se numériser et se professionnaliser. Un enjeu est le mécénat des particuliers. Il faudrait travailler sur les bases de données avec une personne dédiée qui va gérer un portefeuille de plusieurs milliers de donateurs, les relancer par des newsletters ou d’autres outils numériques. La communication est aussi très importante pour mieux connaître les mécènes. Il n’y a pas que les grandes entreprises comme LVMH, etc. Pour les mécènes des petits musées, c’est un véritable engagement territorial.  

Autre enjeu, la résilience du secteur face à la crise. Il y a non seulement un besoin de réinventer le modèle de mécénat, mais les mécènes doivent rester engagés. Il y a toujours un risque de voir la part du mécénat culturel baisser, d’où l’enjeu d’innover.

 

Christina Diego 

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